Les Super flics de Miami – Bruno Corbucci
Miami Supercops. 1985Origine : Italie
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Ancien policier, Steve Forest (Bud Spencer) est rangé des voitures et tient désormais une école de conduite d’hélicoptères. Lorsque son vieil ami Doug Bennett (Terence Hill) vient le chercher pour rempiler sur une affaire à laquelle une vieille enquête les a lié, Steve ne veut rien entendre. Malin, Doug le fera changer d’avis en prétextant du meurtre de leur mentor le vieux chef Tanney (C.B. Seay) qui se porte en fait très bien. Et voilà le duo qui, sous couvert de l’anonymat de pseudonymes et d’une fausse affection aux patrouilles de routine part sur les traces de Joe Garret, un bandit venant de sortir de taule et qui croit-on va s’empresser de retrouver son complice qu’il n’a jamais balancé. A la clef, 20 000 000 de dollars planqués depuis l’arrestation de Garret.
N’eut été pour l’existence de Petit Papa Baston (réalisé par Terence Hill lui-même en 1994, soit dix ans plus tard), Les Super flics de Miami (aucun lien de parenté avec Deux super flics) aurait pu être le dernier film en commun de Bud Spencer et Terence Hill, prolifique tandem comique remontant à 1967 et qui s’était déjà réuni seize fois jusqu’à cette année 1985. Les successeurs pas si spirituels que ça de Laurel et Hardy prodiguèrent leur talents de gentils castagneurs dans le western, le polar, l’aventure, traversant quelques modes du cinéma populaire italien et réussissant l’exploit de s’imposer à l’international. Ensemble, ils développèrent une certaine vision de l’amitié basée sur la complicité vacharde de ce blondinet rusé et de ce barbu aux allures de bulldozer. Mais en 1985, l’usure guette tout le monde. Les deux acteurs n’ont peut-être plus la volonté de continuer à incarner des personnages toujours similaires, surtout que Hill venait avec Don Camillo de s’ouvrir la perspective d’une carrière de réalisateur et que Bud Spencer et sa bedaine commençait à accuser son âge proche de la soixantaine. La lassitude des vedettes va de pair avec celle de Bruno Corbucci, réalisateur à la chaîne de comédies généralement bas du front depuis une vingtaine d’années. Tout le monde étant donc démotivé, Les Super flics de Miami se traîne paresseusement du début à la fin. Le sujet principal du film, qui se résume à découvrir l’identité du complice de feu Joe Garret, progresse de façon limpide, sans se perdre dans des méandres policiers infernaux, et prend bien son temps sur des scènes vides de toute substance (les conversations avec un gérant d’hôtel gay, celles avec un témoin indien charpentier…). Les digressions sont également fort nombreuses, et meublent l’intrigue déjà creuse par des scènes encore plus futiles, comme par exemple les relations amoureuses qu’entretient Steve avec une camionneuse et Doug avec une indic. Loin de servir de prétexte à des gags absurdes tous azimuts, ces gains de temps -car c’est bien de cela dont il s’agit- sont des moyens pour diversifier un film monotone, machinal, perdu dans le milieu très clinquant de Miami pour surfer sur la vague policiaro-humoristique de Miami Vice et du Flic de Beverly Hills, dont Corbucci retient également les musiques synthétiques affreuses et utilisées à outrance.
Les Super flics de Miami n’est tout simplement pas drôle, et tout le monde semble en avoir conscience. Ses dialogues sont plats, ses running gags sont lourds (Terence qui oublie toujours son porte-monnaie et contraint Bud, bonne poire, à régler les douloureuses) et ses personnages sont fades. Le duo n’échappe pas à ce triste sort, et l’alchimie entre les deux acteurs ne fonctionne plus. Leurs échanges sont anodins, et Corbucci ne profite même pas de sa pourtant longue introduction pour jouer sur leur différence de caractère, chose qui pourtant les rendait complémentaires dans les meilleurs de leurs films. L’amitié qui les unit se résume à une photo de Bud affichée près du bureau de Terence ainsi qu’à un plan final saupoudré d’un faux proverbe du type “toute la fortune du monde ne vaut pas une amitié”. Une morale balancée à la va-vite, qui avait d’ailleurs davantage trouvé son origine dans l’individualisme infructueux des truands que dans la complicité entre les deux héros. Pour ainsi dire, tout leur tombe tout cuit dans les mains ! Ils n’ont même plus à s’employer pour résoudre leur enquête. Les bagarres sont indigentes, et les faux coups de poings qui s’arrêtent devant les visages se remarquent comme le nez au milieu de la figure. Le pauvre Bud Spencer accuse son âge et son poids, et ses mouvements lents ne jouent pas en faveur des combats à mains nues. On observe donc une recrudescence des armes à feu, au plus grand malheur de ceux qui espéraient encore les mitraillettes de baffes très “cartoon” propres au comédien. Probablement dans l’optique de ne pas privilégier une des deux têtes d’affiche, Corbucci ne donne pas plus l’occasion à Terence Hill de s’employer à l’art du bourre-pif, et pallie le manque à gagner au niveau de l’humour brutal par des gags assez consternants (au cours d’une fusillade dans un entrepôt, un bandit se retrouve couvert de jus de tomate, ce qui remplace aussi l’hémoglobine, totalement absente).
Finalement, Les Super flics de Miami est un film assez triste. C’est le piteux premier tombé de rideau d’un tandem parfois brillant, comme par exemple pour un Salut l’ami, adieu le trésor (du frère Corbucci) tourné seulement quatre ans auparavant, mais qui ne peut pas paraître plus éloigné de cette mollassonne pantalonnade encroûtée, de ses gags au rabais, de sa futilité et de son calme digne de la vie de retraité qu’allait bientôt connaître Bruno Corbucci.