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Les Rendez-vous de Satan – Giuliano Carnimeo

rendezvoussatan

Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ?. 1972

Origine : Italie 
Genre : Giallo 
Réalisation : Giuliano Carnimeo 
Avec : Edwige Fenech, George Hilton, Paola Quattrini, Giampiero Albertini…

Du temps où le cinéma de genre italien ressemblait encore à quelque chose, chaque réalisateur devait un jour ou l’autre apprendre à faire autre chose que ce à quoi il s’était habitué. Pas évident pour Giuliano Carnimeo, qui entre 1967 et 1972 s’était consacré intégralement aux westerns spaghettis, et notamment à Sartana (le personnage de Gianni Garko), pour lequel il réalisa quelques épisodes et à qui il donna à une occasion un nouvel interprète, George Hilton, qui allait devenir un acteur fétiche du réalisateur. Plein d’allant, il mit également en scène les aventures de plusieurs héros tentant de se forger une place au panthéon du western spaghetti : On l’appelle Spirito Santo, Quand les colts fument, on l’appelle Cimetière, Pile je te tue, face tu es mort… on m’appelle Allelujah. De bien beaux titres. Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ? (littéralement : “Pourquoi ces étranges gouttes de sang sur le corps de Jennifer ?”) en est assurément un autre, de beau titre, et qui a l’avantage de ne pas dépayser un réalisateur très porté sur les noms de ses héros. Giallo aidant, la vedette des Rendez-vous de Satan n’est plus un poussiéreux pistolero solitaire mais une belle jeune femme, modèle pour photos de charme. Avec sa collègue et amie Marilyn (Paola Quattrini), Jennifer (Edwige Fenech) emménage dans un appartement tout juste libéré par son ancienne locataire, assassinée dans la baignoire. Etrange coïncidence : la victime travaillait elle aussi dans le monde de l’érotisme, et peu avant sa mort, elle fit la connaissance d’Andrea (George Hilton, mauvais comme un cochon), architecte ami de Jennifer et de Marilyn. L’assassin courant toujours, les meurtres n’ayant pas cessé, et Jennifer ayant à plusieurs reprises été menacée par un salopard masqué, les soupçons de la police se portent sur Andrea. Mais Jennifer n’en démord pas : elle est persuadée qu’il n’est pas l’assassin. Il faut dire que ses voisins de paliers n’incitent pas à la confiance et que son ancien mari n’a de cesse de la persécuter…

Malgré la présence au scénario d’Ernesto Gastaldi, l’un des plus talentueux scénaristes italiens de l’époque à qui l’on doit bon nombre de merveilles dans tous les genres populaires (l’épouvante gothique avec Le Corps et le fouet, le péplum avec Sodome et Gomorrhe, le western avec Texas, le giallo avec L’Alliance invisible, le polar avec La Rançon de la peur…), Les Rendez-vous de Satan, pourtant pas la première incursion du scénariste dans le genre, présente tous les signes du film frileux pour réalisateur novice. Les conventions du giallo sont suivies à la lettre près : doux érotisme quelque peu pervers, milieu de la mode, tueur ganté muni d’une arme blanche, paranoïa, police qui piétine, suspects multiples sur lesquels le script s’attarde un à un, traumatisme psychologique… Très sage, cette histoire ne prend même pas le risque d’élaborer des machinations complexes, ni même de faire des tourments de l’héroïne les piliers d’un tourbillon psychédélique semblable à celui, par exemple, du Venin de la peur de Fulci. L’épaisseur psychologique de Jennifer, l’héroïne, est des plus minces et, pour faire court, seule sa peur sera mise en exergue (de quoi refroidir l’inspiration du compositeur Bruno Nicolai, pourtant habituellement très talentueux) . Pour autant, si les surprises qu’il réserve sont réduites, le scénario de Gastaldi n’en oublie pas de donner des armes à son metteur en scène et à l’équipe technique qui l’entoure, leur laissant plusieurs points de détails dotés d’un indéniable potentiel graphique. Carnimeo, consciencieux, travaille ainsi particulièrement les différentes interventions du tueur, à l’image de son introduction située dans un claustrophobique ascenseur bondé, à l’image de ce meurtre commis discrètement en pleine rue, à l’image de cette incursion nocturne dans la chambre de Jennifer… Faisant reposer le suspense sur les prémices des assauts plutôt que sur les actes en eux-mêmes (certains meurtres ne sont mêmes pas montrés), le réalisateur se montre efficace, sachant admirablement placer sa caméra là où la tension sera la plus palpable. Cette application lui permet ainsi de donner du style à des meurtres perpétrés dans des lieux anonymes (un ascenseur, une rue), ce qui n’est pas à la portée du premier slasher américain venu. Certes, le procédé est courant dans le giallo, mais quiconque aime le genre ne peut rester insensible à ce soin tout particulier apporté à la mise en scène.

L’autre admirable avantage des Rendez-vous de Satan est tout simplement que malgré sa structure classique, le film ne laisse jamais retomber tout à fait la tension. Cela, il le doit aux différents suspects, tous de potentiels tueurs : entre la vieille femme consommatrice de BD horrifiques vivant seule dans un appartement duquel une voix masculine se fait souvent entendre, entre l’universitaire violoniste et sa fille lesbienne obsédée, entre l’ami Andrea que tout désigne coupable, il y a de quoi effrayer la belle Edwige. Mais le plus notable est sans conteste cet ancien mari, vestige psychopathique de l’ère hippie qui refait régulièrement surface dans la vie de Jennifer en lui rappelant son vœu de soumission concédé dans un passé plein de luxure. Un suspect comme un autre, mais qui a visiblement eu les faveurs de Gastaldi et de Carnimeo, qui imaginèrent pour l’occasion une métaphore donnant au film son titre anglais (The Case of the bloody Iris). Ancien chef d’une sorte de harem, l’ex mari de Jennifer décrivait celle-ci comme l’une des pétales d’un même ensemble. D’où une très belle scène d’orgie au début du film, au milieu de pétales d’iris. Certainement la plus belle scène sensuelle du film, qui se limite par ailleurs (et c’est un des points que Carnimeo n’a pas été capable de tirer vers le haut) à déshabiller régulièrement ses actrices (deux fois en un quart d’heure, Edwige Fenech se fait arracher ses vêtements !).

La première tentative giallesque de Giuliano Carnimeo est donc un exercice d’école réussi. Certainement pas une grande date du cinéma, mais en tout cas un petit film simple et bien foutu, que ne vient même pas ternir la présence de deux flics philatélistes profitant de leurs enquêtes pour décoller les timbres du courrier des victimes. Une touche d’humour légère utilisée régulièrement, est qui, ma foi, n’est pas désagréable. Cette expérience restera cela dit sans lendemain pour le réalisateur, qui ira replonger tête la première dans le western en donnant naissance au pistolero Tresette (George Hilton, encore) qui lui aussi restera sans lendemain.

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