Le Crime farpait – Alex De La Iglesia
El Crimen Ferpecto. 2004Origine : Espagne / Italie
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Rafael González est responsable du département des vêtements pour femmes dans une grande enseigne commerciale. Pour étendre son pouvoir sur tous le magasin, il doit se débarasser de son rival du département des vêtements pour hommes. Ce qu’il fera littéralement, puisqu’accidentellement il l’assassinera. C’est la première étape vers une vie d’enfer : pour se débarasser du corps, il sera aidé malgré lui par la vendeuse moche et psychopathe qui va en faire son esclave sexuel et sentimental. Il sera contraint d’accepter et de renoncer à tous ses avantages et à toutes ses précédentes conquêtes, s’il ne veut pas se faire prendre par la police…
Jusqu’ici, Alex De La Iglesia, s’il se révélait être un metteur en scène indéniablement inventif, pêchait par un manque de maîtrise flagrant, versant bien souvent dans une exagération qui annihilait plus ou moins toutes ses idées propices à la folie. Avec Le Crime farpait, si son objectif reste encore et toujours de livrer un film décomplexé et tournant en ridicule la superficialité de personnages arrivistes, il se révèle cette fois nettement plus habile que dans ses précédentes tentatives. Car cette fois-ci, décomplexion ne rime pas avec hystérie, et les habituels travers du réalisateur (l’exagération à tous les niveaux) sont en grande partie évités. Le film démarre ainsi avec une mise en scène très maline, nous décrivant le personnage de Rafael (par ailleurs signalons la très bonne prestation de Guillermo Toledo) comme un personnage obsédé par la perfection. Perfection pour sa personne, pour son environnement, pour ses relations. Ainsi, sa vie nous apparaîtra comme une vaste publicité, où tout est beau, tout est réussi et où rien n’est impossible. La narration elle-même évoquera la publicité, avec Rafael déambulant dans les rayonnages et nous narrant sa vie, tout en étant reluqué par ses vendeuses à la plastique impeccable.
D’emblée, Rafael est antipathique et prête à rire par tant d’excès de prétention. Mais lorsqu’arrivent le meurtre du rival professionnel et l’invasion de la vie du golden boy par la vilaine Lourdes, tout ceci va changer. Celui qui régnait en maître (voire en despote démagogue) sur tout le rayon vêtements féminins va plonger petit à petit en enfer. Pourtant, le spectateur ne sera pas amené à accorder sa sympathie à Lourdes, décidément trop perverse et finalement elle aussi très égocentrique. C’est bien ce manque de sympathie envers les deux personnages principaux, tous deux vus comme ridicules, qui va rendre le film si amusant. De La Iglesia place ici un certain recul vis-à-vis de ses personnages, chose salutaire lui permettant d’éviter un trop plein de gags primesautiers ayant déjà rendu un film comme 800 balles plutôt pénible. Davantage mordant que vulgaire, De La Iglesia est ici plus subtile, ne devant pas se plier à un quelconque besoin d’orienter le spectateur à coup de massue vers les effets désirés (rire, émotion etc etc). Il ne faut pourtant pas croire que Le Crime farpait est dénué de tout humour un tant soit peu exagéré. Le film joue également sur les exagérations, mais cette fois-ci elles fonctionnent grâce à la relative tranquilité du rythme narratif, ainsi qu’à la bêtise de deux personnages principaux qui voient leur statut de départ s’inverser (l’ambitieux cadre en pleine déchéance, et la vendeuse moche en total envol social et professionnel). Bien sûr, tout n’est pas impeccable, certains effets resteront encore un peu trop appuyés, et l’intrigue finira un peu par piétiner aux deux-tiers du film, mais en tout cas Alex De La Iglesia semble enfin avoir compris que frénésie ne rime pas forcément avec qualité, et que satire ne rime pas non plus avec caricature. Le résultat est vraiment positif.