800 balles – Alex De La Iglesia
800 Balas. 2002Origine : Espagne
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Le turbulent rejeton d’une famille bourgeoise part à Almeria, ex temple des westerns spaghetti, pour retrouver son grand père Julian, ancien cascadeur reconverti dans l’animation d’une attraction dédiée aux westerns. Ce qui va poser bien des problèmes, puisque ledit grand-père est depuis longtemps exclu de la famille pour cause, d’une part, de marginalité trop poussée et, d’autre part, parce qu’on lui attribue la mort de son propre fils, à savoir le père du moutard fraîchement débarqué… Pour contrecarrer l’amitié entre le grand-père et son petit-fils, la mère de famille, capitaliste à la recherche d’un parc d’attraction à créer, va tenter de faire main basse sur le village western géré par Julian et sa bande.
Beau gâchis que ce 800 balles qui, dès le départ, nous fait coller au destin d’un gamin horripilant de bout en bout du métrage, de sa petite rébellion contre sa mère au début du film à la tendresse pour son grand-père, en passant par l’incontournable débrouillardise dont semblent faire preuve les trois quarts des personnages de gamins vus au cinéma. Mais le pire est peut-être ce que le gamin amène avec lui : une histoire de trauma familial envahissante censée apporter émotion (les évocations du père mort) et humour . Soit tout ce qu’il y a de plus convenu et bien entendu de plus lourd. Le pire restant tout de même l’humour, principal objectif du film, mais franchement amené avec de grosses ficelles dignes des plus stupides comédies familiales américaines. Ainsi, nous aurons droit à d’immondes gags inqualifiables (le flic réveillé au milieu de la nuit qui prend un pistolet playstation au lieu d’une vraie arme), à des gags de situation (la mère bourgeoise face au papy western) et, plus grave, à un vrai étalage de personnages qui se veulent excentriques mais qui ne sont que des beaufs. C’est que De La Iglesia n’a pas grand chose à raconter sur les protagonistes qui constituent la bande d’acteur de papy Julian, et qu’il va donc les charger de toutes les débilités possibles : le running gag du pendu qu’on oublie de décrocher, le faible qui obéit systématiquement à sa femme, le dingue qui est devenu ce qu’il est à force de se jeter du haut des toits… L’histoire familiale étant ce qu’elle est, le vrai intérêt du film (la confrontation entre la troupe western et la police ou autres représentants de la société contemporaine) est sans cesse reculée au profit, donc, de la description du monde à Papy Julian. Franchement dommage, car De La Iglesia a par ailleurs de très bonnes idées, comme justement cette confrontation tant attendue, qui, outre qu’elle viendra tardivement sera en partie parasitée par l’intrigue familiale, avec un gamin prenant de plus en plus d’importance.
Les références au western en tant que genre sont, bien entendu, également très nombreuses (BO, décors, composition de certaines scènes, multiples clins d’œil à Clint Eastwood), et pour le coup sont quand même les bienvenues. Le propos du film, au-delà de l’aspect humoristique est sans doute de rendre hommage à un genre défunt, qu’une poignée d’irréductibles allumés marginaux continue à honorer en dépit d’une société du spectacle (mais également d’une société civile et politique) franchement oppressante. Très bon propos, donc. Mais, encore une fois, De La Iglesia, avec principalement son traitement de l’humour, saborde en partie son hommage aux westerns indépendants des années 60. Ceci dit, et c’est ce qui rend le film assez étrange, 800 balles n’est pas totalement dénué d’audaces formelles et se permet quelques incartades dans la sexualité (les prostituées, dont l’une a une scène de nu, au lit, avec le gamin) et dans la violence (vers la fin, principalement).
Bref un mariage entre cinéma indépendant et cinéma grand-public qui ne prend pas forcément, surtout que dans ce couple étrange, c’est au final le côté grand public qui portera la culotte et qui frappera davantage le spectateur. Très regrettable. Il y a fort à parier qu’en délaissant l’humour ou en le maniant avec plus de subtilité, le film aurait été bien meilleur.