Le Choc des titans – Desmond Davis
Clash of the Titans. 1981Origine : Etats-Unis
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Zeus enrage. Acrisios, roi d’Argos, a fait jeter à la mer un cercueil renfermant son épouse Danaé et l’enfant qu’elle a eu du roi de l’Olympe. Contre l’avis des déesses, Zeus charge Poséidon de lâcher le kraken sur le royaume d’Argos pour punir par la destruction l’impudence de Acrisios, puis de sauver Danaé et son fils Persée, en les conduisant sur une île, éloignée des tourments du monde. Vingt ans plus tard, il est temps pour Persée de s’affirmer en tant qu’homme. Jouet d’une compétition entre divinités, il devra surmonter de périlleuses épreuves pour pouvoir épouser Andromède, la fille dont il s’est épris, et reconquérir le royaume d’Argos.
A une époque où l’heure est aux films dans l’espace depuis l’avènement Star Wars (même James Bond y est allé de sa petite mission en apesanteur dans Moonraker), concevoir un film comme Le Choc des Titans relève de l’anachronisme pur et simple. Mais c’est aussi ça le charme du cinéma, nous proposer des films de tous les genres, même les plus désuets comme le péplum. Pour ce film-ci, le scénario n’a pas dû être trop difficile à écrire. La mythologie grecque fourmille de tant d’épopées, qu’il suffisait au scénariste de se servir pour construire son récit. Un récit qui s’articule autour de Persée, l’un des nombreux fils que Zeus a eu avec une mortelle.
Un sacré coureur de jupons, ce Zeus ! Déesse ou mortelle, peu lui importe tant qu’elle est femme. Il profite de sa toute puissance pour multiplier les conquêtes, en prenant un malin plaisir à changer d’aspect à chaque fois. Il n’est pas très regardant sur l’état civil de ses conquêtes. A partir du moment où une femme lui plaît, il l’entreprend, faisant peu de cas de la fierté de l’éventuel mari. De mauvaise foi et très égoïste, Zeus prend très mal qu’un mortel décide du sort de quelqu’un à sa place, à plus forte raison si la personne lui est chère. Il ne se remet jamais en cause et n’écoute aucune voix discordante. Ses décisions sont irrévocables et toujours à son avantage. Le monde est son terrain de jeu favori, et il invente les règles à sa guise. Acrisios en fait l’amer expérience, lui qui avait pourtant multiplié les offrandes et édifié de nombreux temples en l’honneur de Zeus. Tous ces actes d’allégeance pour finalement finir cocu, à cause du dieu qu’il vénérait tant. Quoi que fasse le mortel, il est toujours soumis à la colère des dieux. Cette dernière conduit à la destruction du royaume d’Argos et de ses habitants. Est-ce que cela suffit à persuader les mortels de l’inutilité des dieux ? Diantre, non ! Ils poursuivent leurs cultes et leurs offrandes, et demeurent ainsi le jouet des puissances divines.
Les dieux s’ennuient énormément, perdus au sommet de l’Olympe. Alors ils se taquinent par êtres humains interposés. Thétis n’a pas supporté la punition que Zeus a infligé à son fils Calibos. Revancharde, elle transporte Persée à Joppa, royaume qui lui voue un culte et qui souffre de la terrible malédiction qu’elle leur a infligé. Elle désire que Zeus souffre à son tour en assistant au calvaire de son fils. Pour cela, elle met les petits plats dans les grands : énigme mortelle à résoudre pour qui veut épouser Andromède, combattre contre la méduse et, surtout, triompher du kraken. Une tâche ardue qui en aurait rebuté plus d’un. Pas Persée, dont sa mère Danaé l’a prévenu de son destin princier. Et puis il n’est pas n’importe qui. Le bougre est quand même né avec une cuillère en or dans la bouche, ce qui lui procure un très net avantage sur le premier pékin venu. Zeus joue de ses relations pour lui faciliter la tâche au maximum, et lui fournit un casque qui rend invisible, une épée indestructible et un bouclier qui lui sauvera la vie en temps voulu. Persée est tellement gâté que cela en devient indécent. Si seulement ses aventures étaient trépidantes, ça passerait encore, mais là… Desmond Davis n’est clairement pas l’homme de la situation. Il ne parvient jamais à dynamiser sa mise en scène, et pas davantage à changer de rythme. Qu’il filme les conversations divines ou les exploits héroïques de Persée, cela revient au même tant sa mise en scène brille par sa platitude. Il donne l’impression de se reposer entièrement sur les prouesses de Ray Harryhausen, magicien des effets spéciaux dont Le Choc des Titans constitue son dernier travail à ce poste. Cependant, il n’arrive pas à changer le plomb en or. La plupart de ses effets spéciaux renvoient à son œuvre antérieure, ou alors, dans le cas de Bubo, la chouette mécanique envoyée par Athéna, à des films récents aux effets spéciaux révolutionnaires. Impossible de ne pas voir en Bubo, ses mouvements de tête à 360° et son langage particulier à base de sons aigus, des réminiscences de R2 D2. Malgré cette impression de déjà vu, le volatile vole sans peine la vedette au héros, incarné par le transparent Harry Hamlin (avec ou sans casque magique).
Point de choc à l’horizon à la vision de ce film, mais une profonde léthargie. Tirer un film aussi peu palpitant d’un tel matériau relève de la faute professionnelle. Heureusement, le savoir faire de Ray Harryhausen réussit à sauver les meubles, notamment lors du combat contre la méduse. Filmée dans la pénombre, ses mouvements trahissent moins facilement les trucages, ce qui lui confère une réelle aura de créature maléfique. L’idée d’un remake plane dans l’air depuis 2002. A l’heure actuelle, un scénariste a été mandaté pour rédiger un traitement satisfaisant, autrement dit, apte à intéresser les jeunes d’aujourd’hui. Si la version des années 80 a su éviter le courroux de Zeus, il n’est pas dit que son hypothétique relecture des années 2000 y parvienne.