La Martienne diabolique – David MacDonald
Devil Girl from Mars. 1954Origine : Royaume-Uni
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Les Martiens ont des milliers d’années d’avance sur nous. Ou plutôt les Martiennes, puisque les mâles sont en voie d’extinction sur la planète rouge. Forte de leurs avancées technologiques et fidèle à l’adage qui veut que les voyages forment la jeunesse, l’une d’entre elles, Nyah, n’a pas hésité à prendre le large à bord de sa soucoupe volante en métal organique auto-régénérateur pour une virée à Londres visant à préparer une domination plus large de notre belle planète…
Mouais, sont-elles si fortes que ça, ces zouloues de l’espace ? Pas si sûr, finalement, vu qu’au lieu de débarquer sur Piccadilly ou près du Tower Bridge, Nyah et son compagnon, un robot « avec des caractéristiques humaines mais amélioré grâce à un cerveau électronique » (sic) atterrissent en plein milieu de nulle part, c’est-à-dire en Écosse, dans les Highlands, Dieu merci près d’un pub-auberge où le whisky est pur malt et la panse de brebis farcie, à défaut d’être appétissante.
Autant dire que cette domination terrestre des humains par une martienne diabolique (autre titre du film, en tout cas pour son édition DVD) commence tout petit, au milieu de la lande et des bruyères, et ce en plein hiver. Heureusement pour Nyah, l’auberge, qui aurait due être presque vide vue la saison, est finalement très fréquentée : outre le couple vieillissant dirigeant la boutique, s’y trouvent un commis boiteux et une jeune serveuse, un fugitif condamné pour meurtre venue la retrouver, une belle citadine en mal d’amour, un journaliste aux épaules carrées et même un astrophysicien qui a du mal à croire ce que lui montrent ses yeux ! La Grande-Bretagne réduite à quelques archétypes, en quelque sorte, avec son quota d’hommes, de femmes, et même un enfant, Tommy, venu passer quelques jours chez sa grand-tante. Un mix de ruraux et d’urbains aussi, de classe populaire et d’élite scientifique et médiatique, bref, un public idéal pour une première approche de la réalité humaine quand on vient de Mars.
Première surprise pour les Terriens : Nyah est une belle femme (bon, tout est relatif) moulée dans une tenue noire presque sexy avec jupette et collants et même une grande cape pour compléter l’ensemble. Avec son petit chapeau ou casque de cuir noir, sa silhouette ferait presque penser au représentant du mal absolu d’une certaine guerre des étoiles pourtant bien postérieure. Nyah a des petits airs de Dark Vadorette, que ses intentions maléfiques et ses propos définitifs ne démentent pas, bien au contraire.
Aidée de son pisto-laser et de sa puissance hypnotique, elle fait régner bien vite sur ces terres écossaises une atmosphère de peur et de vaine révolte. Car il ne sera pas dit que les humains subiront le joug spatial sans rien dire et, bien qu’assiégés dans l’auberge et ses environs proches, séparés du reste du monde par un mur aussi hermétique qu’invisible, ils fomentent des actions de sabotage, mettent en œuvre des stratégies de défense, tentent de mettre à bas la despotique martienne !
Ce qui ne lui plait guère et la résout alors à faire montre de sa force en sortant de son vaisseau le terrible Chani ! Le robot à la puissance de feu terrifiante, aux pouvoirs destructeurs immenses, à la pitié absente mais… à l’allure de chauffe-eau géant monté sur pattes parfaitement ridicule !
Eh oui : la SF a toujours été une grosse pourvoyeuse de boites de conserve ambulante et Devil Girl from Mars ne fait pas exception à la règle avec son robot lent et lourdaud. Mais c’est aussi ce qui fait le charme d’un cinéma dont on se demande parfois s’il n’était pas déjà suranné au moment de sa sortie en salles. Difficile, en effet, d’éprouver là une sensation autre qu’un regard bienveillant mais amusé sur un pan de cinéma où les clichés abondent. Et, pourtant, ce film-ci est constamment plaisant. Les personnages, bien que peu fouillés et esquissés à gros traits, prennent assez vite leur place. Mais surtout la soucoupe, volante bien sûr, atterrit rapidement pour que puisse se dérouler, après un premier quart d’heure d’exposition, la rencontre du 3ème type (en fait, une “typesse”).
La sombre Nyah, ensuite, occupe l’écran de toute sa noirceur, passant son temps à aller et venir du vaisseau à l’auberge pour menacer, hypnotiser, narguer ou manipuler ses adversaires humains. Il y a du film de siège, aussi, dans ce regroupement forcé de personnages aussi différents et peu destinés à se croiser, coincés derrière un mur invisible et livrés à des ambitions martiennes et dominatrices. Les oppositions internes au groupe des hommes les font se disputer un peu, se contredire parfois, voire même se battre entre eux, quand ils ne tentent pas, le plus souvent, de survivre aux promesses de mort que leurs a faites Nyah…
Un bon crû donc que celui-là, sans grande surprise, non, mais sans désappointement. Un film de science-fiction aux ambitions mesurées mais qui offre le spectacle attendu : atterrissage et décollage d’ovni, martienne au look SM, robot carré, et quelques belles images de l’intérieur du vaisseau à la sobriété bien pratique pour les décorateurs et les accessoiristes. Si l’on aime le genre, Devil Girl from Mars vaut le coup d’œil, non dénué d’un peu de distance amusée et de plaisir presque enfantin.