CinémaHorreur

La Malédiction – Richard Donner

malediction

The Omen. 1976

Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Richard Donner
Avec : Gregory Peck, Lee Remick, David Warner, Billie Withelaw…

Robert Thorn, est un diplomate américain approchant la cinquantaine qui désire ardemment avoir un enfant avec son épouse Catherine. Hélas pour le couple l’enfant tant attendu meurt à la naissance. Robert décide alors, sans le dire à sa femme, d’adopter un autre enfant, né le même jour et dont la mère vient de mourir en couches. Catherine ne remarque rien et l’enfant, Damien, grandit vite. Cependant, alors que l’enfant souffle sa cinquième bougie, d’étranges et funestes événements surviennent et Robert commence à se rendre compte que l’enfant qu’il a adopté pourrait bien être le fils de… Satan.

Conçu dès le départ comme le film d’horreur occulte de la Fox capable de rivaliser avec L’Exorciste de la Warner, La Malédiction s’inscrit donc logiquement dans cette lignée de films d’horreurs initiée par le Rosemary’s baby de Polanski où une figure diabolique constitue le méchant du film.
Tournée pour un budget de 2 millions de dollars (soit 11 millions de moins que pour L’Exorciste) par un Richard Donner alors habitué aux productions télé, La Malédiction est un film sans doute beaucoup plus sobre que le Friedkin. Contenant moins de plans à effets spéciaux, il ne dispose pas non plus d’une figure semblable à celle de Regan et son visage scarifié. Pourtant La Malédiction fonctionne au moins aussi bien que le chef d’œuvre de Friedkin. En effet, Richard Donner utilise son budget réduit à bon escient et parvient à livrer un film dont l’efficacité redoutable réside avant tout sur des éléments moins identifiables, tels que le montage ou l’utilisation très intelligente de la musique, mais qui se révèlent être parfaitement appropriés pour le film. Sur le plan purement formel, La Malédiction se révèle être un petit bijoux de suspense et de tension. Les dix premières minutes du film sont assez calmes et permettent de présenter rapidement les personnages, puis le rythme des évènements étranges s’accélère et ne ralentira finalement pas jusqu’au climax de fin. Le montage est direct et ne se perd jamais en fioritures, il alterne de manière judicieuse les plans calmes propres à créer une tension croissante et des plans très courts qui se succèdent rapidement lors des scènes de morts. Lesquelles sont d’ailleurs des modèles du genre tant sur le plan du montage que sur celui des effets spéciaux, qui restent discrets et n’ont de fait quasiment pas vieillis. Ces scènes, assez semblables aux morts de la série des Destination finale, restent d’une efficacité à couper le souffle et surpassent allègrement celles de Destination finale et consorts par leur exécution et leur impact. Enfin signalons l’utilisation très pertinente de l’excellente musique composée par Jerry Goldsmith (qui gagne grâce à elle son premier oscar) ainsi que sa non-utilisation finalement, puisque Donner met en scène quelques passages où le silence tétanisant crée une tension palpable, je pense notamment à cet instant de suspense précédent l’attaque des chiens dans le cimetière.

En outre, Donner nous prouve avec ce film qu’il sait être un très bon conteur, et le scénario, signé David Seltzer, participe également à l’efficacité du métrage. Le script original contenait quantité de détails explicites à base de queues fourchues et de pattes de bouc, mais Donner l’expurge de tout élément fantastique visuel pour le transformer en une sorte de thriller occulte. Ce faisant il décuple l’efficacité de son film qui se base alors entièrement sur l’imaginaire du spectateur. En effet la menace n’est jamais réellement figurée, et les image ne montrent finalement ni diables ni personnages possédés. Pire encore, les scènes de morts de protagonistes pourraient tout à fait passer pour des accidents, si le réalisateur n’avait pas tout fait pour que le spectateur les interprète de la manière qu’il voulait. La Malédiction est un film bien plus manipulateur qu’il n’y paraît, et s’il est si terrifiant c’est avant tout parce que le spectateur suit l’histoire au travers du point de vue de Robert Thorn (Gregory Peck, excellent). En effet, bien plus que de nous conter l’avènement de l’antéchrist, le film se concentre sur une figure paternelle qui voit sa famille progressivement détruite par son mensonge originel (le fait de ne pas avoir avoué à sa femme l’origine de leur enfant). La situation idyllique présente au début du film se muera bien vite en une situation de chaos, où les parents finissent par sombrer dans une paranoïa les poussant à commettre des actes affreux. Ainsi le réalisateur s’attache à très vite montrer la maison familiale non plus comme un refuge, mais comme le lieu du danger. Les parents, obligés de vaquer à leurs obligations professionnelles, quittent régulièrement la maison qui devient alors le territoire de Damien, et de sa gouvernante maléfique. Ce procédé est très habile puisqu’il prend le spectateur à contre courant, les films d’horreurs nous présentant généralement le danger (tueur, extra-terrestre ou monstres géants) comme venant de l’extérieur. Dans La Malédiction tout est inversé, le chien de garde ne protège plus le maître de maison mais grogne quand il approche, et l’enfant, au lieu de perpétuer la famille devient l’élément qui la détruit, annonçant paraboliquement la destruction du monde dont il est chargé.

Mais rien de tout cela n’est présenté explicitement dans le film. Finalement, la seule chose qui empêche le spectateur de douter de la santé mentale du héros et d’accorder foi à cette histoire, c’est l’ambiance du film, à la fois d’une terrible noirceur et fortement empreinte de mysticisme. La présence des prêtres vêtus de noirs et porteurs de nouvelles terrifiantes, ainsi que le recours massif à toute l’imagerie occulte habituelle du genre (les crucifix, le nombre 666…) crée rapidement une atmosphère qui relève de l’imaginaire religieux dans laquelle le spectateur est entièrement plongé. De plus, le film baigne dans des teintes très noires, qui vont en s’assombrissant. Que ce soit dans les intérieurs lambrissés de la maison, dans les sombres alcôves des églises ou dans le vieux cimetière étrusque, les couleurs sont sombres et peu accueillantes, le gris et le brun dominent comme pour donner corps à l’ambiance malsaine qui pèse sur les protagonistes.

Bref La Malédiction est un excellent film d’horreur qui n’a pas à rougir de la comparaison avec les chefs d’œuvre que sont L’Exorciste et Rosemary’s baby évidemment mais aussi La Maison du diable de Robert Wise qui emploie une démarche basée sur la suggestion finalement très similaire à celle employée par Richard Donner. Enfin, le film témoigne d’une époque où les films faisaient encore trembler de peur les spectateur grâce à leur maîtrise technique, et surtout grâce au recours à une ambiance qui allie la sobriété visuelle à un véritable sens du rythme et du suspense. Des éléments primordiaux pour la réussite d’un film d’horreur, mais qui semblent avoir été oubliés en ces temps où tout le monde semble verser dans la surenchère d’effets spéciaux spectaculaires, d’effets d’ambiances trop appuyés ou d’effets gores ridicules…
C’est aussi pour cette raison que revoir La Malédiction aujourd’hui reste particulièrement plaisant.

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