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L’Aventure intérieure – Joe Dante

aventureinterieure

Innerspace. 1987

Origine : États-Unis
Genre : Comédie fantastique
Réalisation : Joe Dante
Avec : Dennis Quaid, Martin Short, Meg Ryan, Kevin McCarthy…

Lorsque Steven Spielberg vint proposer à son poulain la réalisation de L’Aventure intérieure, Joe Dante se trouvait déjà à l’époque un peu dans l’impasse. Ses déboires avec la Warner sur la production d’Explorers, ainsi que l’échec commercial du film, l’avaient conduit à partir tourner pour la télévision (des épisodes de Twilight Zone, d’Amazing Stories…) ou à se contenter de sketchs au sein de Amazon Women on the Moon. On reprochait quelque peu à Dante sa vision trop particulière, trop référentielle du cinéma. Pourtant, de bonne foi, le cinéaste recherchait un projet susceptible d’être plus classique, de rentrer plus dans des critères commerciaux que ses gnomes anarchistes ou ses extra-terrestres cinéphages. Innerspace vint donc à point nommé. Grosse production, soutenue par Steven Spielberg, produit sans trop d’entraves (malgré au début une inquiétude de la Warner qui ne trouvait pas le film assez drôle à son goût), L’Aventure intérieure était donc parti pour être un carton.
Pourtant, suite à une des “pires campagne de pub” que Dante ait pu voir (ce sont ses propres termes), il n’en fut rien, du moins aux Etats-Unis. En revanche, le film fut récompensé aux Oscars pour ses effets spéciaux, seul film de Dante a avoir connu une telle « distinction ».

Son scénario est inspiré du Voyage fantastique (1966). Comme dans le film de Fleischer, il s’agit d’une expérience de miniaturisation qui envoie un homme (enfin plusieurs dans Le Voyage fantastique) à l’intérieur du corps d’un autre homme. Dans L’Aventure intérieure, il s’agit du Lieutenant Tuck Pendleton (Dennis Quaid), un militaire scientifique tête brûlée et rebelle notoire, qui est envoyé en désespoir de cause dans le corps de Jack Potter (Martin Short), un caissier de supermarché névrosé et maladroit. En désespoir de cause car Tuck devait être à l’origine envoyé dans le corps d’un lapin, mais suite à l’attaque d’un gang de terroristes, et suite à la fuite d’un des docteurs, il fut finalement envoyé dans le corps d’un civil, Jack. Très vite, en se branchant sur ses yeux et sur son tympan, Tuck va pouvoir dialoguer avec son hôte, tandis que les terroristes vont se mettre à sa recherche.
Bien sûr, ce qui frappe d’emblée c’est la différence entre les deux hommes. Tuck, le dur, obligé de reposer sur les actes de Jack, le gaffeur. Celui-ci est un homme peu sûr de lui, et, après une poilante période où il se demande ce qui se passe (il pense même à une possession démoniaque type L’Exorciste !), il va finalement s’en remettre entièrement à Tuck, qui va ainsi devenir en quelque sorte son éducateur, voir même la machine qui va tenter de le faire tourner comme il faut (“la machine Tuck Pendleton : zéro défaut”). Bien sûr, cela ne va pas sans quelques ennuis, Jack devant se livrer à des actions dont il n’a absolument pas le profil (cela va du très simple : boire de l’alcool fort au plus complexe : négocier avec les bandits, via une conversation avec une femme, l’ex-copine de Tuck, interprétée par la très belle Meg Ryan). C’est de ce décalage que naît l’humour. Le sang-froid de Tuck opposé à l’hystérie de Jack. Les deux se rebellant même parfois par rapport à l’autre. Cela dit, ils ne sont pas entièrement différents : les deux sont des marginaux… L’un rebelle à l’autorité, l’autre soumis, mais incapable de répondre à ce que l’on attend de lui…
Mais cela serait trop simple de réduire le film à ces deux personnages. Il y a en effet tout un tas de personnages, importants ou non, véritablement hors normes. A commencer par les trois acteurs fétiches de Joe Dante : Dick Miller, Robert Picardo et Kevin McCarthy. Miller joue un tout petit rôle, celui du chauffeur de taxi qui interfère lors de la scène de séparation entre Tuck et sa copine Lydia. Robert Picardo joue le Cow-Boy, un dragueur beauf se prenant pour un vrai Cow-Boy, caricatural à l’extrême, qui finira ligoté dans une baignoire en slip et en santiags. Et enfin Kevin McCarthy, le chef des terroristes, un capitaliste prétentieux, à qui le scénario réservera un sort d’une ironie toute proportionnelle à sa mégalomanie.
Bref le film repose sur des personnages assez caricaturaux, assez exagérés, qui suscitent à merveille l’humour.

Pourtant, la comédie n’est pas le seul ingrédient du film. Mine de rien, Innerspace, si il est effectivement moins spécial que les autres films de Dante, possède tout de même son lot de clin d’œil à divers genres cinématographique. La science-fiction, d’abord. Le film a beau avoir été tourné dans les années 80, il conserve un certain côté rétro très typé 50’s ou 60’s. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la vision des scientifiques et de leurs méthodes : des scientifiques simplets, qui maîtrisent mal ce qu’ils ont eux-mêmes créé. Et qui n’ont pas trop de scrupules. De plus, leurs procédés, relativement naïfs, évoquent directement les expériences des films de science-fiction des 50’s, dans lequels les monstres étaient agrandis. Ironiquement, ici, il s’agit de miniaturisation. Autre genre représenté : l’horreur. J’irai même jusqu’à parler de gore : contrairement au Voyage fantastique, auquel Dante reproche de ne pas décrire l’intérieur du corps humain de façon assez naturelle, L’Aventure intérieure décrit en détail l’organisme de Jack. Organisme et organes déjà rouge sang, qui vont en plus connaître quelques maltraitances limite “barkeriennes” : grapin accroché au nerf optique et à toute sortes de paroies organiques, tissus déchirés… Sans compter la vision des sucs gastriques, théâtre d’un combat à mort entre Tuck et un espion miniature injecté dans le corps de Jack par ses ennemis. Tout ça je le rappelle dans une grosse production Spielberg pour toute la famille… Le western est également vaguement présent, par le personnage du Cow-Boy, complètement en décalage avec le cadre du film, ainsi qu’avec l’évocation du Josey Wales, hors-la-loi de Clint Eastwood…. Toujours pour continuer dans l’évocation du brassage des genres, je parlerai de la comédie romantique, qui occupe une large part également. Notamment à travers le personnage de Lydia, qui va être au centre d’un léger conflit entre Tuck et Jack. Qui aime-t-elle réellement, lorsqu’elle embrasse Jack ? Un conflit amoureux sous-jacent, sur lequel Dante ne s’attarde pas car il n’aime pas la mièvrerie. Tout juste peut on signaler deux plans interessants, et qui aussi aussi tranchent assez nettement avec le ton comique du film : lorsque Jack comprendra qu’il ne peut avoir Lydia (gros plan sur son visage souriant mais désabusé, contrastant avec son allure hystérique et humoristique habituelle), et surtout la découverte du fétus par Tuck dans le corps de Lydia, où il était passé suite à un baiser entre la jeune femme et Jack…
Enfin dernier genre que l’on peut relever : l’action, qui bien entendu rythme le tout, et sur laquelle je ne m’attarderai pas, me contentant de dire qu’elle tend la perche aux différents gags et aux différentes occurrences des personnages que nous avons vus en partie plus haut.

En fin de compte, sous ses allures de comédie familiale, L’Aventure intérieure cache en fait une grande richesse. L’euphorie qui parcours tout le film aboutira finalement à un nouveau Jack Potter, sûr de lui, aux allures de nouveau James Bond, modelé par la présence du classe Tuck Pendleton. La transition est largement apparente tout au long du film, Dante ne perdant jamais de vu les échanges entre ses deux personnages principaux. Comme quoi, il est possible de faire une comédie grand-public basée sur des personnages humoristiques complexes, tout en y introduisant des éléments propre à la personnalité du réalisateur. L’Aventure intérieure est un modèle du genre, et encore une grande réussite pour Joe Dante, qui signe ici un de ses films les moins virulents, un des plus « pacifistes » sans perdre la spécificité de son cinéma habituel : l’irrévérence.

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