Independence Day – Roland Emmerich
Independence Day. 1996.Origine : États-Unis
|
Alors que les États-Unis s’apprêtent à célébrer leur fête nationale, un événement aussi extraordinaire qu’inattendu vient gâcher les festivités. Le 2 juillet, la station d’observation du programme SETI, le centre de recherche autour de l’intelligence extraterrestre, capte un étrange signal au-dessus de la Lune. Les dernières images satellites font alors état d’une masse gigantesque qui présente la particularité de ralentir à l’approche de la Terre. S’ensuit le largage de plusieurs douzaines de soucoupes volantes de 25 kilomètres de diamètre qui viennent se placer en vol stationnaire au-dessus des plus grandes villes du monde entier. Le nouveau Président des États-Unis Thomas J. Whitmore ne sait pas sur quel pied danser, oscillant entre la crainte d’une menace d’une ampleur inédite et l’espoir d’une rencontre du troisième type porteuse d’espoir pour l’établissement d’un monde nouveau. L’échec d’une prise de contact conjuguée à la révélation d’un funeste compte-à-rebours par David Levinson, un analyste informaticien, conduisent le Président à quitter la Maison Blanche en catastrophe, au moment où les extraterrestres mettent en oeuvre leur entreprise destructrice. Le 3 juillet, l’humanité se trouve au bord du goufre et totalement démunie face à une menace qui semble indestructible. Les célébrations du jour de l’indépendance s’annoncent bien sombres.
Depuis la myriade de films d’invasions extraterrestres durant les années 50 et le début des années 60, reflet d’une situation géopolitique tendue entre les États-Unis et l’URSS, les petits hommes verts – qui viraient alors au rouge dans un souci de transparence quant à l’ennemi réellement visé – n’ont jamais totalement désertés le cinéma hollywoodien. La différence tient notamment à l’absence d’invasions d’envergure au profit d’une approche plus sournoise et machiavélique qu’on retrouve dans L’Invasion vient de Mars, Body Snatchers ou bien Le Village des damnés, les remake signés respectivement Tobe Hooper, Abel Ferrara et John Carpenter ou encore Les Maîtres du monde, tiré du roman Marionnettes humaines de Robert Heinlein. S’ils ne servent plus un discours propagandiste, les extraterrestres n’en demeurent pas moins propices à filer la métaphore pour pointer du doigt les dérives d’une époque (l’après Watergate dans L’Invasion des profanateurs de Philip Kaufman, les années Reagan dans Invasion Los Angeles de John Carpenter). S’il est entendu que les extraterrestres ne viennent pas sur Terre par hasard, ils ne sont pas tous mus par de mauvaises intentions. Que ce soit en tant que réalisateur (Rencontres du troisième type, E.T.) ou en tant que producteur (Miracle sur la 8e rue), Steven Spielberg s’évertue à dépeindre des extraterrestres bienveillants aux connaissances infinies et qui, en ce sens, ont beaucoup à apporter à l’humanité. Un propos qui va dans le sens du merveilleux qu’il sait si bien mettre en scène. Seulement au mitan des années 90, Hollywood ne veut plus de cette vision idyllique, voyant dans les extraterrestres le terreau favorable à des blockbusters spectaculaires. Comme souvent, les projets s’amoncelent, chaque studio souhaitant dégainer le premier. A ce petit jeu, la Fox s’avère la plus prompt puisque son Independence Day grille la politesse à ses concurrents direct Mars Attacks ! et Starship Troopers, les battant en outre à plate couture sur le terrain du box office. Nettement moins reconnu sur la scène internationale que ses condisciples, Roland Emmerich compense par un spectacle clé en main, usant de vieilles recettes et d’un humour inoffensif afin de se mettre le plus grand nombre dans la poche.
Depuis que Roland Emmerich a lié son destin à celui de Dean Devlin sur le tournage de Moon 44, les deux hommes ont parfaitement su mener leur barque dans les arcanes d’Hollywood. Après Universal Soldier, véhicule à la gloire de Jean-Claude Van Damme au succès correct sans non plus être fracassant, le duo frappe un grand coup avec Stargate. Ce savant mélange d’aventures, de space opera et de science-fiction engendre un culte que sa déclinaison en série télé sur 10 saisons à partir de 1997 ne fera qu’amplifier. Leur goût conjoint pour le grand spectacle ne pouvait que trouver matière à s’épanouir au sein des studios américains, d’autant plus qu’ils ne sont pas hommes à faire des vagues. Leur invasion extraterrestre, ils l’envisagent avec beaucoup de recul, sans chercher à en faire le vecteur d’un quelconque sous-texte. Independence Day peut se résumer ainsi : les extraterrestres débarquent, les humains dérouillent puis les survivants se rebiffent. Et tout ça en l’espace de seulement trois jours, s’il vous plaît ! Envisagé dès le départ pour se déployer dans les salles nord américaines à la date butoir du jour de la fête d’indépendance, Independence Day place naturellement le motif du compte-à-rebours au coeur de son récit. Tout est prétexte à un décompte, de la mise à feu des armes de destruction massive des envahisseurs révélée par David Levinson à l’explosion de la bombe nucléaire dans le vaisseau-mère, de laquelle dépend l’issue de la riposte. Le temps de l’humanité est compté. Elle n’a pas une minute à perdre si elle veut continuer à espérer. Pourtant, en dépit de l’urgence de la situation, Roland Emmerich se permet de nombreux pas de côté. C’est qu’il se targue d’avoir peuplé son spectacle guerrier de personnages consistants dont il souhaite accompagner le cheminement personnel. Ainsi, chaque personnage d’importance a son propre parcours qui trouve dans ce désastre planétaire matière à satisfaction. Le Capitaine de l’US Air Force Steven Hiller qui ambitionne d’intégrer la NASA a droit à son voyage spatial ; David Levinson fait coup double en suscitant enfin l’admiration de son père et en reconquérant son ex femme ; Jasmine Dubrow obtient d’épouser l’homme qu’elle aime ; Russell Casse, le vétéran de la guerre du Vietnam devenu alcoolique, retrouve grâce aux yeux de ses enfants en se sacrifiant pour la patrie ; et surtout, le Président des États-Unis en exercice, chahuté dans les médias, se rachète une légitimité en menant la contre-attaque depuis le cockpit de son avion de chasse. Ce dernier personnage cristallise à lui seul les nombreuses critiques de patriotisme outrancier que le film a suscitées par son envie d’en découdre, d’aller au front quand le protocole l’enjoindrait plutôt à se tenir à l’écart, à l’abri des mauvais coups. C’est qu’avant d’être Président, Thomas Whitmore était un soldat, un combattant, pas l’un de ces ronds de cuir se cachant derrière leurs titres et leurs galons. La patrie, il l’a toujours défendue, seule la manière diffère. Il y a une évidente idéalisation de la fonction qui va dans le sens d’une analogie inattendue avec un personnage incontournable de la culture populaire, Luke Skywalker. A l’élu d’ordre spirituel se substitue l’élu d’ordre démocratique, sur les épaules duquel repose le salut du monde libre. Roland Emmerich multiplie les clins d’oeil à la saga initiée par George Lucas, du plus anecdotique avec le passage du vaisseau mère extraterrestre filmé longuement en contre-plongée à l’instar de l’entame de La Guerre des étoiles, au plus signifiant lorsque Thomas Whitmore monte à bord de son avion de combat et qu’il observe Steven Hiller et David Levinson quitter la Zone 51 à bord de la navette extraterrestre. Ce plan est la copie conforme de celui de l’évacuation de la base rebelle sur Hoth dans L’Empire contre-attaque, quand les chemins de Han Solo, Leia et Luke se séparent. Une influence parmi d’autres dans un film qui n’en manque pas.
Que ce soit dans sa narration, ses personnages ou son humour, Independence Day ne brille pas par sa modernité. Dans sa construction, le film renvoie aux films catastrophe avec pas moins de 50 minutes consacrées à la mise en place de l’intrigue et la présentation des divers personnages et de leurs problématiques. 50 minutes durant lesquelles Roland Emmerich et Dean Devlin convoquent toute une imagerie autour des extraterrestres issue de l’imaginaire collectif. Des adorateurs inconditionnels qui pensent que les extraterrestres viennent pour nous sauver (ou accessoirement nous ramener Elvis) aux victimes d’abductions qui ne rencontrent qu’incrédulité et moqueries sur leur passage en passant par la Zone 51 dont les activités sont inconnues du Président en personne, tout y passe. Roland Emmerich lorgne même du côté de la minisérie V créée par Kenneth Johnson dans la retranscription de l’arrivée d’énormes soucoupes volantes au-dessus des grandes villes. Reconnaissons-lui néanmoins un certain soin dans la confection de ces quelques séquences, l’irruption de ces soucoupes émergeant des nuages comptant parmi les plus beaux plans du film. Cette somme d’influences, les deux amis la revendiquent volontiers tout comme l’humour du film qui vise à dédramatiser la situation. Là réside leur véritable apport et agit à contresens des genres dont ils se réclament. Des films comme Tremblement de terre, L’Aventure du Poseidon ou La Tour infernale fonctionnent au premier degré, condition sine qua non pour que le public participe pleinement à l’aventure proposée. Il en va autrement d’Independence Day qui sous couvert d’offrir du grand spectacle (destructions massives de bâtiments et monuments emblématiques comme la Maison Blanche ou la Statue de la Liberté, des batailles aériennes) affiche du dédain pour le sujet abordé. Ni Roland Emmerich, ni Dean Devlin ne croient aux extraterrestres et par conséquent, ils considèrent que ce qu’ils montrent ne nécessite pas un grand sérieux. En conséquence, cela donne un film schizophrénique qui tente d’insuffler de l’émotion (la mort de la première dame, le sacrifice de Russell Casse) et des bons sentiments (le rabibochage de Connie et David lors du mariage de Steven Hiller et Jasmine) entre deux vannes mal senties dispensées par des personnages grossièrement définis. Si David Levinson sort du lot, il le doit davantage à l’énorme capital sympathie de son interprète Jeff Goldblum, qui était alors dans sa période blockbuster, qu’à ses caractéristiques, finalement assez proches, quoique en plus édulcorées, de Ian Malcolm. Un héros qui se sert avant tout de sa tête plutôt que de ses aptitudes physiques. On retiendra d’ailleurs plus volontiers les interactions du personnage avec son père, le trop rare Judd Hirsch, qu’avec la co-vedette du film, Will Smith. Alors en voie de starification après le succès inattendu de Bad Boys, l’ex Prince de Bel Air affiche des lacunes criantes dès qu’il s’agit d’exprimer autre chose qu’une nonchalante décontraction.
Film à l’approche cynique – Roland Emmerich traite d’un sujet dont il se fiche éperdument – Independence Day reste encore aujourd’hui un mystère. Comment un film aussi quelconque et au spectaculaire finalement tout relatif (au-delà des effets spéciaux qui ont naturellement vieilli, les scènes de combats aériens n’ont rien d’ébouriffant) a pu rencontrer un tel succès ? Il faut croire qu’avoir un pilote de l’US Air Force en guise de héros suffit à attirer les foules si l’on s’en réfère au succès tout aussi improbable de Top Gun par le passé et de sa suite tardive Top Gun : Maverick aujourd’hui. Car la recette de Roland Emmerich, elle, demeure inchangée : de la destruction à grande échelle, de l’humour peu finaud et des personnages unidimensionnels sur lesquels les diverses catastrophes traversées agissent comme une aubaine. 20 ans plus tard, Roland Emmerich donnera une suite à son film phare, Independence Day : Resurgence, pensé comme la première partie d’un dyptique dont le deuxième volet n’a toujours pas vu le jour. La concurrence n’est plus la même et dans un contexte où le moindre film de super-héros place le monde au bord du gouffre, les films de Roland Emmerich perdent beaucoup de leur caractère événementiel.
La critique résume bien le film, quelconque. Il est sorti dans un contexte de films et de séries (x files), où les extra terrestres étaient à la mode.
Avec le temps, la carrière de Dean Devlin apparait plus intéressante avec Geostorm que j’ai trouvé plus divertissant que toute la filmographie de Emmerich, et Bad Samaritan thriller efficace avec un David Tennant génial en psychopathe, face à un Robert Michael supportable pour une fois.
Le hasard a fait que Geostorm était la prochaine critique prévue… On en reparlera je pense sur la page appropriée !