Hercule à la conquête de l’Atlantide – Vittorio Cottafavi
Ercole alla conquista di Atlantide. 1961Origine : Italie
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Hercule promène son fils à la suite de son ami Androclès, roi de Thèbes. Soudain, un phénomène étrange se produit sous leurs yeux ébahis. Le ciel devient rouge et une forme indistincte, quoique humaine, les met en garde contre un danger qui viendra de la mer. Interloqué, Androclés convoque les autres rois de Grèce pour définir un plan de bataille. Devant l’inertie de ses collègues, il part seul face au danger. Enfin, pas vraiment puisqu’il compte sur la présence de Hercule…sauf que ce dernier a décliné son offre.
Vittorio Cottafavi s’est lancé dans le péplum davantage par nécessité que par envie. Il nourrissait le rêve d’un cinéma plus personnel, que l’échec de La Fiamma che non si spegne a tué dans l’œuf. Les adeptes du genre antique se félicitent de ce choix, puisqu’il est considéré comme l’un des plus grands auteurs du genre. Il doit sans doute toutes ces éloges à son approche atypique d’un genre un peu trop confiné dans son entreprise de glorification de ses héros.
Cette énième aventure de Hercule, fils de Zeus, se distingue par le traitement administré au demi-dieu. Dès la scène d’ouverture, une homérique bagarre dans une taverne, le Hercule de Cottafavi révèle un profond embourgeoisement. Alors que son fils et son ami Androclés ont maille à partir avec les turbulents clients de la taverne, il ne daigne pas lever le petit doigt tant qu’il n’a pas achevé son repas. Son ventre lui importe plus que ses compagnons, et surtout, il veut apprendre à son fils à ne compter que sur lui-même lorsqu’il se fourre dans le pétrin. En bon papa gâteau, il se décide tout de même à intervenir, mais il intervient avec morgue, faisant comprendre au commun des mortels à quel point il leur est supérieur. Attitude qui se confirme lors du conseil des rois où nous le voyons avachi tel un pacha, observer d’un œil amusé leurs querelles. Il est fatigué de courir le monde et souhaite juste passer du bon temps en famille. Il décline donc l’offre d’accompagner Androclés, à la grande surprise de ce dernier. Vittorio Cottafavi nous dépeint un demi-dieu dilettante, plus guère intéressé par l’héroïsme, et de plus en plus tenté par la farniente. C’est limite s’il ne nous gratifie pas d’un véritable retour en enfance. Piégé à la fois par son meilleur ami et par son propre fils (ce qu’il ignore concernant ce dernier), Hercule se retrouve à naviguer contre son gré en quête d’un hypothétique danger. Plutôt que se mettre dans une rage noire, il prend le parti de faire sa mauvaise tête et de passer le reste du voyage en alternant siestes et grignotages. L’image du héros à la force inouïe en prend un sérieux coup. Trois fois élu Mister univers, Reg Park dispose du physique de l’emploi. Par contre, il demeure très limité sur le plan de la comédie. Une lacune qui ne porte pas préjudice au personnage dans la mesure où l’air constamment hébété de l’acteur colle merveilleusement bien avec le côté enfant capricieux du personnage. Néanmoins, Hercule reste bel et bien le héros du film. Androclés disparaît, et c’est sa disparition qui amène Hercule à reprendre les choses en main et à se montrer enfin digne de ses origines divines. Cela passe tout d’abord par un affrontement victorieux contre Protée, monstre à l’aspect multiformes (en fait, un homme dans un costume), puis par l’annihilation pure et simple du danger qui menaçait la Grèce. Là encore, Vittorio Cottafavi fait des siennes en appuyant sur le côté naif du personnage. Hercule agit selon les conseils du prêtre de l’Atlantide, sans jamais les remettre en cause. Il suit aveuglément ses consignes, ne s’interrogeant à aucun moment sur ses motivations. Hercule n’est pas homme à se poser mille et une questions, et il nous le prouve de la plus éclatante des manières. Certes, en agissant de la sorte, il écarte définitivement tout danger au-dessus de la Grèce, dont l’horizon s’éclaircit considérablement. Toutefois, il provoque également l’anéantissement de toute une civilisation, femmes et enfants compris. Un bilan lourd à la décharge d’un héros qui ne fait pas dans la finesse.
Dans la longue lignée des péplums transalpins, Hercule à la conquête de l’Atlantide nous offre un spectacle de bonne facture. Un soin tout particulier est apporté aux décors, et l’ensemble se pare de couleurs pimpantes, limite psychédéliques. Et comme Vittorio Cottafavi n’est pas homme à se satisfaire du seul aspect visuel de son film, il étoffe une intrigue, par ailleurs fort mince, d’éléments qui nous ramènent tout droit au monde contemporain. A ce titre, le conseil des rois illustre à merveille toutes ces joutes entre politiciens, davantage portés sur la défense de leurs propres intérêts que de l’intérêt commun. Cottafavi nous montre des rois se renvoyer la défense du pays telle une patate chaude, avec toujours une bonne excuse pour ne pas avoir à prendre ses responsabilités. Une manière de fustiger l’immobilisme et la couardise de ceux qui nous gouvernent. Et puis il y a les pratiques de la reine Antinea, dont la volonté de créer une race pure pour conquérir le monde nous rappelle un petit moustachu de triste mémoire. Dans un élan eugénique, elle place tous les mauvais sujets en quarantaine. Petit détail amusant, l’homme qui lui sert de modèle pour constituer son armée d’Atlantes de pure race est un vilain bas du front et dépourvu de sourcils.
Dans ces aventures de Hercule, il n’est pas tant question de conquête que de préservation de la liberté. Grâce à l’obstination de Androclès et du petit coup de pouce des dieux, le fils de Zeus a su contrecarrer les plans du mal. Suffisamment longtemps pour qu’il n’ait pas à assister à la matérialisation des rêves fous de Antinea, beauté glacée au cœur de pierre, bien des siècles plus tard.