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Hellraiser : Bloodline – Alan Smithee

 

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Hellraiser : Bloodline. 1996

Origine : Etats-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Kevin Yagher, Joe Chappelle
Avec : Bruce Ramsey, Doug Bradley, Valentina Vargas, Christine Harnos…

En l’an 2127, un homme, seul à bord d’un vaisseau spatial, utilise un robot pour ouvrir à distance la terrifiante boîte ouvrant la porte de l’enfer au démon Pinhead. Il a visiblement des comptes à régler avec lui… Mais avant d’avoir pu s’y coller, une troupe prend d’assaut le vaisseau et demande des explications à cet homme, qui s’avère être Paul Merchant, le créateur du vaisseau. Et bien qu’il s’attende à une attaque de Pinhead d’un moment à l’autre, Merchant consent à se justifier. Il raconte ainsi comment il s’apprêtait à en finir avec une malédiction pesant sur sa famille depuis la fin du XVIIIe siècle, époque à laquelle son ancêtre accepta de construire une boîte au profit d’un aristocrate versé dans l’occultisme…

Stupeur chez Mickey Mouse ! En acquérant Miramax et son label Dimension Films, Disney est devenue détentrice d’une compagnie productrice de films fantastiques, voire horrifiques ! The Crow, Scream, The Faculty, voilà quelques uns des films parrainés (de loin, car de près les frères Weinstein demeuraient les maîtres à bord) par la major infantile. Des films qui se veulent résolument modernes, pas trop méchants et qui de toute évidence cherchent à plaire à un public adolescent… Bref, tout le contraire de ce que véhiculait la franchise Hellraiser dans ses deux premiers opus, marqués par un sado-masochisme outrancier et un univers franchement sale. La prise en main de la création de Clive Barker par Miramax avait donc de quoi surprendre, et de quoi inquiéter les amateurs des deux premiers films qui avaient déjà subi quelques années auparavant un troisième volet cédant à la “freddysation” de Pinhead, le cénobite en chef. Naguère représentant d’un enfer totalement différent de celui de la chrétienté où se plongeaient volontairement des explorateurs de l’extrême assimilant plaisir et douleur, il était devenu un simple démon s’en prenant à n’importe qui. Flanqué d’une bande de nouveaux cénobites recrutés indistinctement parmi ses victimes, il se la jouait rock star profanant les églises, mettant les rues sens dessus dessous et ne rechignant pas aux bons mots de circonstances. Bref, effacement d’un concept et starification du grand méchant (dont l’historique était pour l’occasion développé), telle était l’approche de ce troisième volet pourtant scénarisé par Peter Atkins, scénariste de son très glauque prédécesseur et proche de Clive Barker. Et à l’heure de Miramax, ce fut toujours Atkins qui eut la tâche de rédiger le scénario du nouvel Hellraiser.

Pour le mettre en forme, les frères Weinstein firent appel au maquilleur Kevin Yagher (Freddy 2, 3, 4 et série télé) qui avait passé le cap de la réalisation sur deux épisodes des Contes de la crypte. Munis de bonnes intentions et désireux de réconcilier autant que faire se peut les fans des deux premiers films et -sûrement bien moins nombreux- les amateurs du troisième, Atkins et Yagher projetèrent de faire consciencieusement un historique de la célèbre boîte convoquant Pinhead et les cénobites. A trois époques différentes, passé, présent et avenir, la famille Lemarchand / Merchant allait tenter de racheter la faute que fut la construction de la boîte commandée par De L’Isle, l’aristocrate français décadent assimilable au Marquis de Sade ou à Gilles de Rais. En résumé, la même volonté que le troisième film de donner des explications (et en justifiant même certains points du troisième film, tel que le bâtiment construit sur le modèle de la boîte) tout en revenant à une certaine noirceur issue d’un milieu pervers. Il n’en a pas été ainsi… Les frères Weinstein, qui pour leur part ne sont guère portés sur le compromis, voulaient du Pinhead et ont obtenu du Pinhead. Désapprouvant le choix de Yagher et Atkins de ne faire intervenir leur star qu’à la quarantième minute, ils se débarrassèrent du réalisateur et du scénariste avant la fin du tournage, firent réécrire des aménagements et retourner des scènes par Joe Chappelle, spécialiste du sauvetage de meubles depuis Halloween 6, puis refaçonnèrent l’ensemble à la façon d’un double flashback (les scènes du passé et celles du XXe siècle devenant le récit fait depuis l’espace en 2127) sans même se soucier de leur réalisateur de substitution, qui comme Yagher finit par désavouer le film. Et c’est ainsi que Hellraiser : Bloodline est officiellement réalisé par Alan Smithee, pseudonyme utilisé alors pour des films désavoués.

Même si on pourrait s’en faire une idée en lisant le scénario d’origine trouvable sur internet (ce que j’admets ne pas avoir fait), on ne peut vraiment présumer de la réussite de la version d’origine si elle avait été respectée par les frères Weinstein. La version sortie en salle, quant à elle, traduit de façon flagrante le mépris qu’ils portent à une franchise dont ils ne se sont portés acquéreurs que dans la perspective de mettre en avant la figure de Pinhead. Sans égard aucun pour ce que Yagher et Atkins ont essayé de faire, sans même parler de Clive Barker, ils ont tranché dans le vif et rendu pour le moins très flou ce que le réalisateur et le scénariste projetaient de faire. Ainsi, Bloodline n’a pas beaucoup de sens. On devine que la lignée Lemarchand / Merchant essaye de construire une anti-boîte qui fermerait à jamais les portes de l’enfer au nez de Pinhead (d’abord sous forme d’une nouvelle boîte au XVIIIe siècle, puis dans l’architecture au XXe, puis via un vaisseau spatial au XXIIe) et que le démon, associé à une autre échappée de l’enfer nommée Angélique, essaye non seulement de s’y opposer mais aussi de pousser Merchant à créer une porte permanente entre l’enfer et la Terre. Mais tout cela se fait avec énormément de flottement, avec des bribes de l’intrigue initialement prévue qui ne mènent nulle part. Ce qui est particulièrement flagrant lors de la partie sur la création de la boîte : que voulait faire De L’Isle avec elle, et avec la démone qu’il a invoquée ? Pourquoi finit-il en morceau ? Et pourquoi pas son assistant, qui survit jusqu’au XXe siècle ? Et quel est le rôle d’Angélique, la fausse alliée de Pinhead ? Voire même, quel est celui de Pinhead lui-même ? Car dans tous les segments, ce dernier ne sert pour ainsi dire à rien, se contentant de faire pression sur les Lemarchant au moyen de procédés assez peu dignes de lui tels que la prise d’otage…

Il va sans dire que ce n’est pas là dedans que l’on retrouvera le Pinhead de Clive Barker, qui loin d’être un simple méchant était celui qui apportait la souffrance à ceux qui la voulaient, et s’assurait que le pacte passé par l’ouverture de la boîte n’était pas rompu. Ce qu’il incarnait pouvait paraître atroce, mais il gardait toujours une rectitude rigide qui justifiait le nom de “cénobite” (comme ces moines vivants en communautés isolées). Ce n’était certainement pas le démon dévoreur d’âmes ayant des prétentions hégémoniques sur la planète entière qu’il devient ici à grands renforts de déclarations pompeuses. Après un troisième volet qui écornait bien la perversité des deux premiers, Bloodline vient entériner la simplification de Hellraiser en affirmant une sorte de dualité “Bien contre Mal”. Et Pinhead, en bon chef des méchant qu’il est désormais, commande à des cénobites lui servant de faire-valoir (il y a même un chien cénobite !) dont la seule raison d’être est l’effet de maquillage les caractérisant. Tant pis pour le charisme : les méchants n’ont désormais qu’un rôle utilitaire. Il en va de même pour l’usage des effets sanguinolents : là où ils étaient auparavant l’illustration des extrêmes souffrances, ils sont désormais une fin en soi et ne s’accompagnent plus d’une connotation sadomasochiste ou d’une ambiance dérangeante. Les fameuses chaînes surgissant de la boîte ne sont plus qu’une marque de fabrique, telles les griffes de Freddy Krueger.

Quand bien même la version Atkins / Yagher n’aurait pas été mutilée, il paraît douteux qu’elle se serait inscrite dans le prolongement des deux premiers opus de la saga Hellraiser. Toutefois, elle aurait au moins pu avoir le mérite de ne pas rendre le film aussi crétin (certains effets gores de bon niveau auraient même pu être un minimum dérangeants dans un contexte adapté). Car tel qu’il est devenu, Bloodline est franchement navrant. Avoir recours à cet éclatement sur trois époques qui grosso modo font à chaque fois la même chose (Pinhead contre Lemarchant / Marchand avec quelques dommages collatéraux au passage), faire tout un pataquès au sujet de la boîte, empiler les dialogues ampoulés, tout cela n’était effectivement pas nécessaire pour le peu d’ambition des frères Weinstein, qui ne voulaient que leur Freddy à eux. Créditer le film à “Alan Smithee” est encore la meilleure solution, puisque entre un réalisateur qui voulait faire compliqué et des producteurs qui voulaient faire simple, personne n’a eu gain de cause et que l’ensemble est totalement branlant.

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