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Ghoulies II – Albert Band

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Ghoulies II. 1988

Origine : Etats-Unis 
Genre : Gnark gnark 
Réalisation : Albert Band 
Avec : Damon Martin, Royal Dano, Phil Fondacaro, Kerry Remsen…

Pas sotte, la famille Band. Le malin Charles sait bien que le succès du premier Gremlins en entraînera sûrement un second, et qu’entre-temps le marché reste ouvert. C’est pourquoi il continue dans cette vaine après le premier Ghoulies et le sympathique Troll. Et puisque les monstres des deux films sont de toute façon déjà similaires, autant donner une suite à l’un d’entre eux. Malheureusement, le choix se porte sur Ghoulies, au succès commercial plus notable mais qui au niveau artistique ne vaut pas le film de John Carl Buechler. Ce dernier, maquilleur et concepteur d’effets spéciaux, avait tourné un film plus proche de l’heroic fantasy que de l’horreur, et affichait une belle originalité. Tant pis, cela laissera le champ libre à Claudio Fragasso pour faire une séquelle pirate connue pour être complètement foireuse (certains amateurs de “nanars” lui vouent un culte, outre-Atlantique, et Fragasso en bénéficie encore). Ghoulies II, donc, mais avec une recette modifiée. Luca Bercovici, réalisateur du premier film, est remplacé par Albert Band, père de Charles et plutôt habitué aux rôles de producteurs (qu’il tient aussi ici, d’ailleurs). Le scénario est confié aux bons soins de Dennis Paoli, ce qui a de quoi rassurer puisque l’homme occupa déjà ce poste sur l’incontournable Re-Animator et sur le trop méconnu From Beyond, les deux adaptations de Lovecraft signées Stuart Gordon. Qu’allait-il donc faire de Ghoulies, sachant que le premier film, sorti après Gremlins mais mis en chantier avant lui, donnait autant d’importance à la magie noire qu’aux créatures en découlant ? Et bien il repart de zéro, ne conservant la magie noire que comme subterfuge pour ouvrir et clore le film. Entre les deux, il décide de copier totalement Gremlins, anéantissant les espoirs que l’on aurait pu avoir d’assister à un film original, tel ceux de Stuart Gordon.

Le climat est morose pour l’équipe de L’Antre de Satan, maison hantée d’une fête foraine en perte de vitesse. Le gérant Ned (Royal Dano) passe son temps à boire pour oublier que le public de maintenant se moque pas mal de son artisanat, et son neveu Larry (Damon Martin), quoique plus optimiste, ne parvient pas à trouver l’élément qui fera repartir la machine comme à la belle époque. Leur facétieux partenaire Nigel (Phil Fondacaro) ne voit lui non plus aucune issue, et désespère de voir ses talents de comédiens reconnus. La visite du propriétaire des stands de la fête s’annonce sous de mauvais auspices, et il y a fort à parier que le manque de rentabilité entraînera la fermeture de L’Antre de Satan. Et pourtant, lors du week end décisif, celui où le proprio exige des bénéfices immédiats, la surprise est grande : les visiteurs affluent ! Comment cela se fait-il ? Tout simplement parce qu’à la suite d’un malheureux concours de circonstances, quelques ghoulies ont élu domicile au manège, et que leur présence remarquée par les visiteurs a entraîné un bouche à oreille fabuleux. Tout aurait donc été parfait si les bestioles n’avaient pas eu l’idée peu commerciale d’assassiner le public.

Et quand je dis qu’Albert Band copie Gremlins, ce n’est pas qu’une comparaison toute faite entre deux films de gnomes : les rôles occupés par les personnages sont pratiquement identiques. On trouve donc pèle-mêle Larry, un jeune homme modeste plein de bonnes intentions, sa copine et collègue Nicole très agréable, l’entrepreneur yuppie prêt à toutes les bassesses pour gagner un peu d’argent et repartir avec la copine du héros, et enfin le vieil homme désabusé mais sympathique qui connait la nature des petits monstres. Dans une certaine mesure, on pourrait même penser que Phil Fondacaro, l’un des nains les plus connus du cinéma américain, est un peu associé à Gizmo dans le sens où il attire l’attention des ghoulies du fait de sa petite taille, qui leur évoque une certaine parenté (argument déjà présent dans Troll). Le truc, c’est que Albert Band ne semble pas avoir pris conscience de la portée parodique du film de Dante, qui accentuait volontiers le décalage entre ces personnages stéréotypés tout droit sortis d’un film de Capra et la nature particulièrement moqueuse et anarchique des gremlins. Band emploie les siens de façon littérale, comme si il voulait effectivement émouvoir son monde à travers ces clichés éculés. La meilleure preuve de cette incompréhension du cinéma de Dante -ou bien du manque d’ambition- est certainement le sort réservé au secret funeste mentionné par la copine du héros à mi-film, c’est à dire l’équivalent de l’histoire du papa Noël qui s’est cassé le cou dans la cheminée. Il s’agit du frère de Nicole qui se serait tué lors d’une représentation de funambule. Ici, non seulement cette révélation est plate, ne cherche pas particulièrement à faire dans l’humour noir, mais amène également un défi à Nicole, qui va devoir en fin de film surmonter sa crainte et se remettre au funambulisme… Sujet très palpitant, dans une série B comme Ghoulies II.
Toutefois, on pourra sauver un personnage de cette assemblée navrante de futilité, celui incarné par Royal Dano. Non pas qu’il soit particulièrement développé, mais sa nostalgie pour l’artisanat horrifique à l’ancienne le rend plutôt sympathique et anticipe sur le personnage de Grandpa Fred, l’animateur draculesque de Gremlins 2. Paradoxalement, Albert Band a mieux réussi à anticiper sur un film pas encore tourné qu’à reproduire un film déjà tourné, du moins en ce qui concerne les personnages.

Pour les ghoulies eux-mêmes, le bilan est plus positif, quoique encore fortement sous l’influence de Joe Dante. Si on peut déplorer qu’ils ne se contentent pendant un long moment que de tuer deux ou trois énergumènes perdus dans la maison fantôme, on peut saluer encore une fois le travail de John Carl Buechler. Même si il n’a fait que reprendre en les améliorant légèrement les monstres de Ghoulies premier du nom et de son propre Troll, il n’a décidément pas à rougir de la comparaison avec les créatures de Chris Wallas pour la production Spielberg. C’était le bon temps des effets spéciaux physiques, et non des pitoyables incrustations numériques (ce qui n’est pas sans participer aux sympathies éprouvées pour le personnage de Royal Dano). Les ghoulies sont peu nombreux, mais ils restent des créatures amusantes dans la même vaine que les gremlins, dont ils reprennent les grognements moqueurs. Toutefois, la meilleure partie est indiscutablement le final, où les monstres sont enfin sortis de leur antre et peuvent saccager la fête foraine dans son ensemble, sorte de version à plus petit budget de la virée des gremlins à Kingston Falls. On retrouve à plus petite échelle les mêmes tendances à enrayer des machines humaines, et en somme à s’approprier une fête populaire (la foraine remplaçant ici celle de Noël) en y semant la pagaille. L’arrivée d’un ghoulie géant est à peu de chose près le seul véritable démarquage du film de Band vis-à-vis de celui de Dante, et il est plutôt à rattacher à la magie noire, solution vaguement spectaculaire (mais moins amusante) pour conclure le film. Dans le fond, Ghoulies II n’est pas trop mal… Un peu trop concentré sur ses personnages, mais en fin de compte cette copie de Gremlins n’est pas plus mauvaise qu’une autre. Le principal, les ghoulies eux-mêmes, tiennent bien la route. C’est mille fois plus attrayant que le fumeux premier film, et John Carl Buechler a bien mérité la réalisation du troisième volet, qui sortira trois ans plus tard directement en vidéo.

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