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Frankenhooker – Frank Henenlotter

Frankenhooker. 1990.

Origine : États-Unis
Genre : Farce horrifique
Réalisation : Frank Henenlotter
Avec : James Lorinz, Patty Mullen, Charlotte Helmkamp, Joseph Gonzalez…

Dévasté depuis le décès atroce de sa fiancée – elle a fini déchiquetée par une tondeuse à gazon – Jeffrey Franken s’est mis en tête de la ressusciter en mettant à profit ses quelques rudiments en médecine. Un sérum à base d’œstrogènes allié à une forte décharge électrique lui garantit la résurrection de sa promise. Reste à lui trouver un corps pour parachever son œuvre. Pour se faire, il s’en va arpenter les bas-fonds de la ville à la recherche de la prostituée idéale.

Davantage habitué à des budgets étriqués amassés dans la douleur, Frank Henenlotter voit comme une aubaine l’offre alléchante que lui soumet James Glickenhaus, d’ordinaire réalisateur de films musclés (Le Droit de tuer, Blue-jean Cop) mais également producteur à l’occasion, notamment de Maniac Cop. Enthousiaste, ce dernier lui propose de produire non pas un mais deux films, dont Basket Case 2, projet longtemps écarté par un Frank Henenlotter finalement pas mécontent de retrouver Duane et Belial. A peine le tournage de cette suite achevé, il enchaîne avec Frankenhooker, une relecture paillarde et explosive du mythe de Frankenstein. Un mythe qui n’en finissait alors plus de faire des émules puisque cette même année, Herbert West revenait aux affaires le temps d’un Re-Animator 2, la fiancée de Re-Animator sans équivoque quant aux influences de cette séquelle. Et comme pour mieux cultiver leur tronc commun, les films respectifs de Frank Henenlotter et Brian Yuzna partagent un final quasi identique où les chairs putréfiées des multiples cadavres nécessaires à la création de la femme parfaite s’assemblent en patchworks organiques et monstrueux dans une orgie grand-guignolesque. Toutefois, la tonalité se veut plus légère chez le premier nommé qui, plus encore que sur ses autres films, a pris le parti de l’outrance et du rire.

Fidèle à ses habitudes, Frank Henenlotter orchestre une plongée dans les bas-fonds new-yorkais, en l’occurrence l’un de ces quartiers sordides où les prostituées ont pignon sur rue, couvées de loin par leur mac bodybuildé, le gominé Zorro. La visite ne serait pas complète sans le bar louche dans les toilettes duquel ledit Zorro s’adonne également au trafic de drogue – accessoirement le levier idéal pour garder ces prostituées dans son giron – et l’hôtel miteux de rigueur qui abrite les ébats tarifés de ces demoiselles. Voilà l’univers auquel ce banlieusard de Jeffrey Franken – il habite chez sa mère, dans le New Jersey – va devoir se confronter dans sa quête du corps parfait pour ressusciter sa fiancée, dont il conserve jalousement la tête et quelques autres morceaux plus dispensables comme une main ou un pied. Un sacré olibrius que voilà, chirurgien contrarié qui compense sa vocation gâchée par des bricolages autant anatomiques (une cervelle nantie d’un œil en son centre) que mécaniques (la fameuse tondeuse téléguidée par laquelle le drame survient). Le tout sous l’œil bienveillant de sa belle-famille, qui tolère ses expérimentations jusque dans leur cuisine. Frank Henenlotter cultive l’image d’un savant-fou bon enfant, sorte d’ado attardé qui depuis le décès de sa bienaimée se terre dans sa chambre où il peaufine des expériences insensées en guise de chagrin d’amour. Dans un premier temps, il se dégage de son attitude un soupçon de romantisme morbide qui n’est pas sans évoquer le Blue Holocaust de Joe d’Amato. Cependant, les élans loufoques du réalisateur ne sont jamais bien loin, et explosent lors du traitement particulier que Jeffrey s’inflige pour retrouver ses nerfs : passer un coup de perceuse sur certaines parties de son cerveau. Un procédé pour le moins radical et rendu ici totalement inoffensif et indolore.

Cependant, si la volonté comique du film parait évidente lors d’un prologue aussi improbable que grotesque, elle devient plus incertaine au fil des pérégrinations urbaines de Jeffrey. Certes, Frank Henenlotter ne se départit jamais de sa tendance à l’exagération, qui trouve son apogée lors de « l’audition » des prostituées, mais il glisse de ci de là quelques nuances qui tendent à noircir le propos. On retrouve notamment les affres de la dépendance à la drogue, déjà au cœur d’Elmer, le remue méninges, à travers ces personnages de prostituées, qui non contentes d’être marquées comme du bétail par leur mac, lui mangent dans la main pour obtenir leur dose. A cela s’ajoute la manière désinvolte avec laquelle Jeffrey envisage son forfait. Étant donné que ces filles se tuent à petit feu à cause de leur addiction et que personne ne viendra les pleurer si elles venaient à disparaître, il se persuade que son geste n’aura rien de répréhensible en soi puisqu’il ne fera qu’accélérer le processus. En outre, il profite de la situation pour doter sa belle – grassouillette de son vivant – d’un corps sculptural, autrement dit plus conforme au diktat de la beauté véhiculé par les médias. Le gentil Jeffrey un peu gauche se révèle en réalité un bel égoïste que Frank Henenlotter n’hésitera pas à punir lors d’un dernier plan ironique qui ne dépareillerait pas dans un épisode des Contes de la crypte. Et le film de se teinter d’un semblant de féminisme à mesure qu’Elisabeth ressuscitée redécouvre le monde par le prisme des diverses personnalités qui composent son corps. La jeune femme trop gentille et quelque peu effacée se découvre un tempérament de feu, laissant les hommes sans voix devant une féminité aussi volcanique.

Frank Henenlotter livre un hommage respectueux du mythe de Frankenstein (la fiancée porte le nom de l’écrivaine à l’origine du roman, le laboratoire bricolé par Jeffrey renvoie à celui du baron dans les classiques de James Whale) tout en l’adaptant à ses propres obsessions. Pourtant, Frankenhooker se révèle décevant. Lesté d’un personnage principal assez irritant par ses monologues incessants, cette relecture se montre paresseuse dans ses développements et ne décolle vraiment qu’à la faveur de la résurrection, qui n’intervient que très tard dans le récit. A la faveur de l’escapade de la créature en ville, les situations se font enfin plus cocasses. L’humour fait mouche, avant de céder à la facilité à force d’étirer et de reproduire peu ou prou les mêmes scènes. Reste Patty Mullen, étincelante d’une beauté fardée et dont le plaisir évident à interpréter la créature s’avère communicatif. Elle vampirise littéralement l’écran, et laisse bien des regrets quant à la brutale interruption de sa courte carrière, qui ne connaîtra jamais de suite à cette belle incarnation.

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