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L’Amie mortelle – Wes Craven

amiemortelle

Deadly Friend. 1986

Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Wes Craven
Avec : Matthew Laborteaux, Kristy Swanson, Michael Sharrett, Anne Twomey…

On sait que Wes Craven est un réalisateur pour le moins inégal, capable d’alterner de véritables chefs d’œuvre qui ont marqué l’histoire du cinéma fantastique avec d’immondes purges qui ont marqué l’histoire des invendables de bacs à soldes. Avec L’Amie Mortelle, c’est pratiquement à un résumé de toute cette carrière que nous assistons. Et au même titre que la filmographie du réalisateur, c’est finalement et malheureusement l’aspect négatif qui l’emporte. La différence étant qu’un, deux ou trois pièces maîtresses d’une filmographie resteront toujours pour elles-mêmes, tandis que deux ou trois très bonnes scènes au sein du même film seront irrémédiablement noyées sous un déluge de stupidités en tous genres.

L’Amie Mortelle est l’adaptation d’un roman de Diana Henstell et prend pour personnage principal le jeune Paul Conway (Matthew Laborteaux), étudiant en sciences surdoué venant tout juste d’emménager avec sa mère dans un quartier banlieusard comme il en existe tant d’autres. Dans ses bagages, il compte notamment BB (prononcez “Bibi”), son robot intelligent capable d’ouvrir des cadenas à code, de taper sur des loubard et de serrer la main des gens qui lui disent bonjour. Très vite, Paul sympathisera avec Tom (Michael Sharrett), le livreur de journaux, et il aura le coup de foudre pour Samantha (Kristy Swanson), sa malheureuse voisine dont le père est du genre violent. A la suite d’une mauvaise farce lors d’une soirée d’Halloween, Paul perdra BB, détruit par les coups de feu tirés par une mégère misanthrope. Encore pire : alors que Samantha commençait à flirter plus qu’un peu avec lui, elle sera la victime des coups de son père qui la plongeront dans un état de mort cérébrale. Ne faisant ni une ni deux, Paul enrôle Tom pour dérober le corps et lui greffer le microprocesseur de feu BB dans le cerveau. La jeune femme va alors revenir à la vie, certes, mais dans quel état, je vous le demande un peu ?

On l’aura compris, L’Amie Mortelle n’est en fait qu’un énième dérivé du pauvre mythe de Frankenstein, qui ne demandait certainement pas à servir de caution à tout et n’importe quoi. Le n’importe quoi est pourtant le sort qui lui est réservé ici, puisque l’adolescente “frankensteinisée” nous revient grâce au cerveau d’un robot. Et quel robot ! BB est en effet une sorte de vide-ordure sur pattes peinturluré en jaune. Un physique peu avantageux qui aurait pu être dépassé au moment de la transposition du microprocesseur dans le cerveau de Samantha, qui niveau physique est elle irréprochable. Seulement, le bas blesse : non seulement ce robot (à côté duquel Johnny 5 passerait pour un terminator) est hideux, mais en plus il fait mine de parler, éructant un magma de borborygmes duquel seul son nom BB est compréhensible. Craven, ne reculant devant aucune marque de ridicule, lui attribue même une vision subjective pixelisée et lui fait accomplir des tâches qui nous incitent sérieusement à penser que BB n’est pas une si brillante invention que cela. Et donc, conséquence logique : en adoptant son esprit robotique, la Samantha post-mortem deviendra elle-même un robot. L’interprétation de Kristy Swanson ne peut être remise en cause, puisque les instructions qui lui furent données furent certainement claires : jouer les robots caricaturaux, avec démarche guindée, mouvements saccadés et regard absent (quoique maquillé d’une couleur bleu hématome censée dénoter la réalité cadavéreuse de la créature). Ce n’est certainement pas avec de tels choix que Craven parvient à doter son film de la tonalité tragique recherchée. Bien au contraire, il frôlera bien souvent le ridicule, y plongeant même tête la première à certaines occasions. Il faut dire que le contexte ne s’y prêtait pas beaucoup non plus : Paul Conway, le héros, est d’un total manque de charisme que son statut de génie ne saurait excuser. Il aurait même plutôt tendance à devenir un adolescent classique, commettant les mêmes bêtises inconscientes que toute une génération de campeurs s’entêtant à réveiller les serial killers de grand chemin végétant au fond d’un lac. Si les conséquences de sa bourde sont les mêmes que dans n’importe quel slasher (des meurtres), l’origine en est pourtant différente, puisque nous nous trouvons ici dans ce qui est censé donner au film toute la gravité dont il a besoin : la détresse d’un adolescent qui vient de perdre bêtement l’amour de sa vie.

La thématique du scientifique cherchant à défier dieu, pilier du Frankenstein de Mary Shelley, est ici purement et simplement effacée au profit de cette orientation simpliste visant clairement un public précis : les adolescents. Peut-être même encore plus jeunes que ceux visés par les Vendredi 13. Pourtant, et c’est là que la paradoxe Wes Craven frappe de plein fouet, c’est qu’entre deux scènes d’une totale bêtise, le réalisateur arrive à en insérer certaines autres, comparativement très dérangeantes. C’est le cas pour les quelques cauchemars qui frappent les protagonistes du film. A ces occasions, le réalisateur se rappelle (et avec lui ses producteurs, certainement conscients de l’intérêt financier) qu’il fut le réalisateur des Griffes de la Nuit et que les rêves ont toujours été son terrain de prédilection depuis le début de sa carrière. Ainsi, il s’amuse à greffer certaines scènes directement inspirées des premières aventures de Freddy Krueger, telle qu’une visite dans une cave ténébreuse dominée par la présence d’une chaudière active, ou encore l’arrivée dans un lit d’un cadavre pourrissant extrêmement agressif. Ces deux moments, bien que subtilement montés sur des scènes conventionnelles, sont malheureusement tout de suite identifiables en temps que cauchemar, tant leur style tranche radicalement avec la fadeur de l’ensemble. Les meurtres en feront tout autant, mais à un niveau différent : cette fois-ci, leur côté gore très poussé (et censuré aux États-Unis) imposera un second degré très violent guère conciliable avec la platitude ambiante. Voir ainsi un homme se faire carboniser la tête dans la chaudière ou une femme se faire exploser la tête à coup de ballon de basket sera pour le moins surprenant. Finalement, comble du paradoxe “cravenien” : le réalisateur, en faisant petit à petit retrouver ses vrais esprits à Samantha, parviendra à suggérer réellement toute la noirceur de la situation, qui est appelée à mal se finir. La cruauté avec laquelle Craven aurait dû concevoir tout son film est alors palpable… jusqu’à ce que la robotique reprenne le dessus et que Samantha redevienne un simili-androïde hurlant “BiiBii!!!!!!” en courant dans tous les sens.

Rien que pour ces quelques qualités, L’Amie Mortelle mérite d’être distingué de la masse des Créature du Marais, Colline a des Yeux 2 ou autre Vampire à Brooklyn qui forment le dessous du panier dans la filmographie de Wes Craven. Il n’est non plus possible d’affirmer qu’il s’agit d’un bon film. C’est un film moyen ayant de fortes tendances à être tiré vers le bas par le manque d’application (d’implication ?) de son réalisateur et de son scénariste, Bruce Joel Rubin, qui lui-même au cours d’une même année 1990, fut capable de rédiger L’Échelle de Jacob et Ghost

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