Final Scream – David DeCoteau
Final Stab. 2001.Origine: États-Unis
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Angela n’a pas le moral. Sa relation avec Charlie n’évolue pas. Victime d’insomnies à répétition, le jeune homme ne brille pas par sa bonne humeur. Il n’a plus goût à rien, et encore moins à la bagatelle. Angela ne sait plus quoi faire ni quoi lui dire pour qu’il aille mieux. Histoire de se changer les idées, elle l’emmène à une soirée surprise dont l’organisatrice s’avère n’être autre que sa sœur avec laquelle elle est brouillée. Leur ami commun Doug s’était bien gardé de l’en informer. Elle fait contre mauvaise fortune bon cœur et joue le jeu, bien décidée à ce que Charlie et elle se détendent un peu. Quand l’un des convives se fait poignarder sous leurs yeux par un individu masqué, la soirée vire au cauchemar. Charlie s’enfuit et Angela a bien du mal à garder son calme. Seule Kristin, sa sœur, se délecte de la situation. Et pour cause puisque elle est l’instigatrice de ce qui révèle être un canular. Son plan fonctionne à merveille jusqu’à ce qu’un grain de sable vienne en enrayer la belle mécanique. Oh, cela tient à trois fois rien, en vérité. Uniquement à la présence d’un véritable tueur qui s’est invité à la fête.
L’improbable plébiscite obtenu par Scream en 1996 s’est accompagné d’une double renaissance. Celle de Wes Craven, son réalisateur dont les cauchemars n’impressionnaient alors plus personne, et celle d’un genre, le slasher, que des ficelles éculées et guère renouvelées avaient condamné à disparaître. Une renaissance de courte durée puisque en 2001, le (néo)slasher amorce déjà son déclin. Scream est devenu une trilogie et si toute une ribambelle de suiveurs ont fait la joie d’une nouvelle génération de spectateurs, de Souviens-toi… l’été dernier à Urban Legend en passant par Mortelle Saint Valentin, Scary Movie est venu rappeler que tout cela ne pouvait pas durer bien longtemps. Ce qui n’a nullement empêché les frères Wayans (Scary Movie 2) puis David Zucker (Scary Movie 3, Scary Movie 4 et Scary Movie 5, seulement en tant que producteur) de tirer abondamment sur la corde de la parodie à tout crin ne se limitant plus seulement aux slashers à mesure que les épisodes s’empilaient. Non soumis aux mêmes contingences que son grand frère cinématographique, le marché de la vidéo creuse abondamment les mêmes sillons, peu regardant quant à la qualité et à l’originalité des films produits. Dans ce registre, David DeCoteau fait figure d’expert. Un bref regard sur sa filmographie, riche de 174 films à l’heure où j’écris ces lignes, suffit à cerner le bonhomme. David DeCoteau tourne beaucoup et vite, ce qui forcément a une incidence sur la qualité du produit fini. Le réalisateur n’est pas un esthète mais il a su prouver, au détour de quelques-unes de ses réalisations pour Charles Band, qu’il pouvait se montrer divertissant. Ce qui est bien le minimum que l’on peut attendre d’un slasher. Pourtant, comme nous ne tardons pas à nous en apercevoir durant le film, quelque chose a changé dans son approche. Le Temps de ses diverses associations avec les Scream Queens des années 80-90 (Linnea Quigley, Michelle Bauer, Brinke Stevens, …) semble bel et bien révolu, et il ne paraît guère désireux de leur trouver des successeuses. C’est que la même année, il s’est assumé en réalisant The Brotherhood : Le Pacte, premier volet d’une série qui connaîtra 5 suites et qui se caractérise par son sous-texte homoérotique. Désormais, dans ses films, ce sont les personnages masculins qui tombent la chemise.
Avec son titre un brin présomptueux, mais certainement pas à prendre au premier degré, Final Scream assume crânement sa filiation avec les films du duo Wes Craven – Kevin Williamson. Les personnages prennent donc bien soin de citer quelques titres connus du genre au détour de dialogues d’une extrême pauvreté. Toujours les mêmes, autant brasser large, Halloween en tête cité jusqu’à l’accoutrement du tueur, un masque en latex et un bleu de travail. Toute la mécanique du film repose sur le simulacre. La majorité des personnages étant dans la confidence, aucun meurtre ne revêt pour eux une quelconque importance ou une dimension dramatique. Le clin d’œil et le bon mot sont légion, propices à une mise en abîme qui en dit plus sur leur désintérêt pour autrui (pendant les trois-quarts du film, il n’y en a pas un pour se rendre compte que leurs camarades sont vraiment morts), qui va de pair avec celui de David DeCoteau. Il ne se donne même pas la peine de recourir aux stéréotypes habituels pour les caractériser, se bornant à filmer des coques vides. Des filles et des fils à papa tout droit sortis de la série Beverly Hills qui ne savent plus quoi inventer pour tromper l’ennui. La plupart des personnages n’ont pas de raison d’être là. L’intrigue veut faire croire à une forme de soumission à Kristin, laquelle semblerait détenir des secrets inavouables sur bon nombre d’entre eux mais qui dans les faits relèvent du MacGuffin. Elle-même ne se résume que par la haine qu’elle voue à quiconque ose s’opposer ou se refuser à elle. La haine, ou en tout cas le désir de vengeance, est un ressort qui anime d’autres personnages, sans que le récit ne s’en trouve enrichi. Prenons le cas de Bud, par exemple. Il débarque dans la propriété en compagnie de deux acolytes avec la ferme intention de gâcher la fête. Ses motivations sont doubles : laver l’affront du râteau que Kristine lui a mis et venger son père, viré de son travail dans une usine de confection par les parents de la jeune femme. Et au final, sa venue n’aura influé sur rien. Aucun des convives n’aura remarqué sa présence, et pour cause puisqu’il se fait tuer avant même d’entreprendre quoi que ce soit. Il en va de même de ses deux comparses, qui ne comprennent pas vraiment ce qu’ils font là mais qui s’exécutent servilement. Ce trio ne sert qu’à grossir les rangs des macchabées à peu de frais. L’aspect lutte des classes qu’ils auraient pu apporter au récit n’est pas exploité alors même qu’il en est question dans le traitement réservé à Charlie, dépeint lui aussi comme désargenté. Aux yeux de ces jeunes blancs-becs qui ont grandi une cuillère en argent dans la bouche, Charlie fait figure de curiosité. Ils le considèrent avec un mélange d’amusement et de condescendance qui en font les cibles idéales d’un retour de bâton.
Encore aurait-il fallu que David DeCoteau veuille exprimer quelque chose à travers ce slasher pour le moins bâclé. Or il se contente d’aligner les morts sans génie, ne cherchant même pas à créer un minimum de tension. Le film se complaît dans des bavardages incessants qui tiennent lieu d’action, ne sachant pas trop quoi faire de ses personnages. Charlie, par exemple, passe l’essentiel de son temps dans le jardin, traumatisé par le premier meurtre. Délaissée, Angela se remémore le bon vieux temps auprès de Doug, un ex qui se verrait bien remettre le couvert. Quant à Kristin, la grande organisatrice, elle ne refait son apparition qu’à la fin pour un enchaînement de rebondissements guère convaincant. Il se passe tellement rien que David DeCoteau en est réduit à dramatiser un pied qui se pose sur le sol en surlignant ce geste anodin d’un accompagnement musical ostentatoire. Tout son film est à l’image de cet orage dont on ne perçoit que des éclairs et dont on attend désespérément qu’il gagne en ampleur avec fortes ondées et coups de tonnerre tonitruants. Dire qu’on s’ennuie relève de l’euphémisme. En outre, il faut composer avec un recadrage sauvage de l’image qui égare les personnages aux quatre coins de l’écran. Et au détour d’un plan, visible sur la deuxième image qui illustre cette critique, on peut apercevoir une partie de l’équipe technique se reflétant dans les lunettes de soleil de Kristin. Nous sommes clairement en présence d’un film tourné à la va-vite et pour une somme dérisoire. L’essentiel de l’intrigue se déroule en une nuit et dans un lieu unique, une vaste villa aux décors passe-partout. David DeCoteau ne tire rien ni de ses décors ni de ses acteurs. Et ne parlons même pas de son tueur masqué au couteau ridiculement petit qui arpente les lieux sans grande conviction. Il n’a même pas de grands efforts à fournir tant toutes ses victimes brillent par leur passivité. Il semble lui aussi contaminé par la morosité ambiante, n’éprouvant pas plus de plaisir qu’il n’en donne. Et les questions que soulève sa véritable identité ne valent même pas qu’on s’y attarde. Compte tenu de la faible implication de David DeCoteau, il n’y a pas de raison que nous fassions davantage d’effort pour une révélation qui en appelle au bon souvenir de Pamela Voorhees.
Avec de tels représentants, il ne faut pas s’étonner de la piètre réputation du slasher acquise au gré de succédanés sans imagination. David DeCoteau aurait pu s’en amuser, ce qu’il savait faire du temps des studios Empire et Full Moon, mais il opte pour une approche dépassionnée qui rend son film ni distrayant ni effrayant. A un Chris Boyd près qui tente de s’amuser avec le peu qu’on lui donne à jouer, tous les acteurs s’abandonnent au plus grand sérieux. C’est parfois de ce décalage que naissent les plus beaux nanars mais il n’en est jamais question ici. Final Scream reste de bout en bout un triste film, un slasher au rabais trop propre sur lui destiné à racoler un public peu regardant. Sauf qu’à un tel degré de nullité, même le public le moins regardant trouvera à redire. Et il aura bien raison.