Cut – Kimble Rendall
Cut. 2000Origine : Australie
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Sur le tournage du slasher Hot Blooded, le comédien qui interprète le tueur masqué finit par prendre son rôle au pied de la lettre lorsque, humilié une fois de trop par la réalisatrice, il la trucide. Ce sera sa seule victime. Alors qu’il tente de s’en prendre par la suite à Vanessa Turnbill, la vedette du film, cette dernière se défend vaillamment et le tue. Resté inachevé, le film véhicule depuis tout un lot de superstitions dont celui d’être maudit. Toute personne le visionnant finit irrémédiablement par être assassinée. Douze ans plus tard, Raffy et Hester, deux étudiantes en cinéma, se moquent de l’image sulfureuse que le film véhicule et souhaitent ardemment mettre un terme à son tournage. Fortes d’une équipe technique réduite issue de leur promotion et de la présence de l’actrice originale, elles retournent sur les lieux de tournage. Et les meurtres ne tardent pas à se multiplier.
Alors que Wes Craven vient de clore la trilogie Scream, sonnant officieusement le glas du “renouveau” du slasher, l’Australie réinvestit le genre fantastique à la faveur de Cut, premier film de Kimble Rendall, petit génie du clip vidéo selon la formule consacrée. Il était alors loin le temps béni où Peter Weir (Pique-nique à Hanging Rock, La Dernière vague) et George Miller (Mad Max, Mad Max 2) apportaient leur singularité au cinéma fantastique. A eux deux, ils avaient impulsé un mouvement durable sur leurs terres où fleurirent durant une bonne dizaine d’années de nombreux films fantastiques à l’aura parfois mythique (Long Week-End, Harlequin, Razorback). Et puis la source s’est tarie, la faute à un exode massif de bon nombre des réalisateurs aux États-Unis, les deux chefs de file en tête. A sa manière, Cut marque un nouveau départ pour le cinéma de genre en Australie. Alors que Kimble Rendall restera discret par la suite (un seul film à son actif depuis – Bait – sur lequel il a d’ailleurs été parachuté) une nouvelle génération de réalisateurs australiens lui emboîtent le pas et donnent une nouvelle impulsion au cinéma local, parmi lesquels on trouve l’habitué des festivals prestigieux David Michôd (Animal Kingdom, The Rover) ou encore Greg McLean (Wolf Creek, Solitaire).
Reconnaissons-le, il était difficile de prévoir la résurrection du cinéma de genre en Australie à l’aune de ce slasher pour le moins opportuniste. D’ailleurs, le film ne joue guère des spécificités locales si ce n’est en dissertant sur l’état de la production cinématographique australienne, laquelle ne devrait pas, selon Raffy et Hester, se résumer à La Leçon de piano ou à Priscilla, folle du désert. Elles militent, et le film à leur suite, pour un retour au cinéma d’horreur, lequel vaut bien mieux que sa mauvaise réputation de cinéma bête et infantile. Un combat pas facile à mener face à l’intransigeance de leur professeur Mr Lossman, lequel soutient qu’elles ont des choses plus importantes à dire et qu’elle ne devraient donc pas perdre leur temps à faire de la merde. Cela dit, son discours particulièrement vindicatif est à nuancer. Mr Lossman a en son temps participé au tournage de Hot Blooded et a été directement témoin du coup de folie meurtrier du comédien jouant le tueur. Sa réaction épidermique est donc davantage liée à son traumatisme qu’à sa véritable appréciation du genre. Il ne se fera d’ailleurs pas prier pour rejoindre ce nouveau tournage, trop heureux de retrouver Vanessa Turnbill, perdue de vue depuis qu’elle est partie tenter sa chance à Hollywood. De leur côté, Raffy et Hester dévoilent un amour fluctuant pour le cinéma horrifique. Raffy ne s’intéresse au genre que pour renouer avec sa mère le temps d’un hommage posthume en parachevant le film qu’elle n’a jamais pu finir. Quant à Hester, en bonne aspirante productrice, elle voit tout l’intérêt financier qu’il y a à reprendre le tournage de Hot Blooded, dont la sinistre réputation attirera à coup sûr les feux des projecteurs sur le projet. Dans ses meilleurs moments, Cut dépeint avec un regard aiguisé ce petit monde du cinéma où l’argent a depuis longtemps pris le dessus sur les considérations artistiques. Le constat est d’autant plus glaçant qu’il touche ici des étudiants en cinéma pour qui la passion devrait encore primer sur le reste. C’est d’ailleurs de cet appât du gain que découle la malédiction, le Scarman (nom donné au boogeyman) agissant alors au nom d’une certaine morale, celle d’un cinéma libéré de tout mercantilisme.
Cela étant, ce sous-texte sert avant tout de prétexte à Kimble Rendall pour dérouler le guide du parfait petit slasher. Il joue même un temps la carte du whodunit avant de se raviser pour un boogeyman plus proche dans l’esprit d’un Michael Myers ou d’un Jason Voorhees voire surtout d’un Freddy Krueger avec lequel il partage ce même faciès de grand brûlé et un domaine de nuisance soumis à quelques impératifs. Le premier n’agit – pour l’essentiel – que dans les rêves lorsque le second nécessite le visionnage de Hot Blooded pour se rappeler au bon souvenir des gens. Ce qui soulève quelques questions quant au modus operandi du Scarman. Il est entendu qu’il tue tous ceux qui ont visionné le film. Or, dans ce cas, pourquoi avoir épargné le projectionniste après qu’il ait égorgé le premier réalisateur envisagé pour finir le film ? Et suivant la même idée, pourquoi ne s’en être tenu qu’au projectionniste lors de la projection de Hot Blooded à Raffy et son équipe ? Le Scarman ne se montre pas très consciencieux dans son ouvrage ni très logique. Il révèle néanmoins une grande patience puisque ses meurtres s’étaleront sur deux nuits au lieu d’une. Ne pas limiter le jeu de massacre à une seule nuit s’avère un choix malheureux pour le réalisateur, lequel est donc contraint de faire comme si l’absence soudaine de deux membres de l’équipe technique n’inquiétait personne. Celle-ci est bien évoquée au détour d’un dialogue mais rapidement reléguée au rang d’épiphénomène selon une justification un brin vaseuse. En gros, la costumière et l’opérateur sont trop occupés à baiser pour venir faire leur boulot, boulot qui peut très bien être fait sans eux. Sympa, l’esprit d’équipe ! De toute façon, celui-ci avec déjà volé en éclat à la faveur de la blague de mauvais goût montée par Hester à l’intention de Raffy. Si on ajoute à cela les caprices de “star” de Vanessa Turnbill, l’ambiance sur le tournage est plutôt électrique. En service minimum, Kimble Rendall n’en joue pas vraiment, tout comme il ne cherche pas à exploiter son décor, une grande demeure perdue au milieu d’un bois, au-delà du mimétisme avec les scènes déjà mises en boîte de Hot Blooded. En somme, il se contente de filmer des scènes où le réel rejoint la fiction à la manière de Wes Craven avec Scream 3, moyennant un peu d’humour (le cameraman qui filme inlassablement le tueur, incapable de discerner le vrai du faux) jusqu’à l’inévitable face-à-face entre le vrai Scarman et son pendant cinématographique.
Dans la pléthore de slashers toutes époques confondues, Cut s’inscrit dans la moyenne basse. Visuellement, le film est assez terne et ne fait pas preuve d’une grande imagination en ce qui concerne les divers meurtres (décapitation, éventration, immolation), lesquels souffrent en outre d’une certaine frilosité. Beaucoup d’éclaboussures pour peu de meurtres graphiques. A cela s’ajoute un boogeyman qui aurait gagné à rester muet car dès qu’il se met à parler, il devient un pantin au service d’un récit qui cède définitivement au second degré à tout crin à l’image de cette réplique du film, qui vaut épitaphe : « Jamais je n’ai vu une somme d’énergie créatrice engendrer une telle merde! ». Un élan de lucidité au cynisme assumé qui n’aide pas à rendre le film plus sympathique. Pour la petite histoire, Cut a été sélectionné en compétition officielle au 7e festival du film fantastique de Gérardmer et est reparti bredouille. Comme quoi, il y a parfois une justice.