CinémaPolar

Cop Car – Jon Watts

Cop Car. 2015

Origine : États-Unis
Genre : Fugue en (a)mi mineur
Réalisation : Jon Watts
Avec : Kevin Bacon, James Freedson-Jackson, Hays Wellford, Camryn Manheim, Shea Whigham.

Il y a des jours comme ça ou tout va de travers, quoi qu’on fasse. Le shérif Kretzer (Kevin Bacon) vit justement l’un de ces jours-là. Après s’être occupé d’une basse besogne dans un coin reculé du Colorado, il s’aperçoit à son retour que sa voiture de fonction lui a été dérobé. Deux garnements en rupture de ban s’en sont emparés par jeu, ignorant tout du contenu du coffre. Loin de désarmer, le shérif entreprend de reprendre possession de son bien tout en évitant que l’affaire ne s’ébruite. C’est qu’il en va de sa réputation !

Issu du clip vidéo, Jon Watts poursuit son apprentissage à la télévision entre séries (Onion Sports DomeThe Onion News Network) et téléfilm (Eugene!). Il s’essaie même au court-métrage avant de se lancer enfin dans le milieu du cinéma avec Clown, film d’horreur qu’il avait au préalable vendu sur la base d’une fausse bande-annonce attribuée à Eli Roth. Hollywood se nourrissant de belles histoires, c’est justement grâce à l’intérêt du réalisateur d’Hostel après l’avoir découverte, que Jon Watts a pu faire de son rêve une réalité. Eli Roth poussant alors le parrainage jusqu’à jouer dedans. Pour son second film, Jon Watts change radicalement de genre et se trouve un autre parrain prestigieux en la personne de Kevin Bacon, impliqué au point de jouer les producteurs. Loin d’être une star, Kevin Bacon cumule tout de même 40 ans de carrière et des films aussi emblématiques, à des degrés divers, que Vendredi 13FootlooseTremorsApollo 13 ou encore Mystic River. Un acteur qui ne cherche pas forcément la lumière et qui n’hésite pas à soutenir des premiers films (The Woodsman de Nicole Kassell). En somme, un acteur éminemment sympathique qui a accompagné ma modeste cinéphilie et dont la seule présence a suffi à m’intéresser à ce Cop Car dont je ne connaissais rien.

Le film s’ouvre sur une errance, celle de deux gamins d’une dizaine d’années qui marchent sans but, l’un débitant inlassablement des insultes que l’autre répète. Des deux garnements, Travis apparaît comme l’élément moteur, celui qui met constamment au défi son acolyte, le plus effacé Harrison. Le plus dégourdi aussi, à l’image de leur manière respective de franchir une clôture en fils barbelés. Leur amitié n’exclut pas une certaine rivalité toute masculine à base de défis de plus en plus poussés. Il s’agira d’abord d’être le premier à toucher cette voiture de police, puis ce sera à celui qui la conduira le plus vite, etc… Tout est prétexte à l’amusement. A ce titre, la voiture de police offre un inépuisable terrain de jeu pour qui a toujours rêvé de jouer aux gendarme et au voleur. La radio, les gyrophares, et plus encore les armes amoncelées à l’arrière de l’automobile constituent tour à tour des sources immédiates d’émerveillement jusqu’au malaise de voir un enfant, arme au poing, mettre en joue son camarade désigné comme cible. Dans un pays comme les États-Unis où pullulent les drames liés aux armes à feu en vente légale, cette image perd en neutralité ce quelle gagne en dimension morale. Le parcours des deux gamins relève de l’apprentissage sur le mode du conte. Pas tant l’apprentissage de la vie que de son importance. Jon Watts ne nous dépeint pas des enfants complètement éloignés des réalités – après tout, Harrison prend bien soin d’enfiler un gilet pare-balles, preuve qu’ils ont conscience de la dangerosité des armes à feu – mais empreints d’une certaine inconséquencee. Tout à leur amusement, ils défient constamment la mort au volant de la voiture volée en fonçant à toute berzingue sur les routes – certes désolées – du Colorado mais néanmoins parsemées d’embûches pour qui n’a aucune notion de conduite, ou en jouant avec des armes à feu. En ce sens, le shérif Kretzer fait figure de grand méchant loup jusque dans le détail pileux de la moustache qu’arbore Kevin Bacon. Se frotter à lui, ou à sa voiture, revient à entrer de plain-pied dans le monde réel et ses turpitudes. Progressivement, ce qui prenait les allures d’un jeu innocent devient réalité. Travis et Harrison ne prennent plus les armes pour s’amuser mais pour se défendre ou s’en servir afin de sortir de la voiture qui de joli carrosse s’est muée en triste prison. De même, conduire devient alors une nécessité et plus une fuite en avant seulement motivée par la griserie de l’interdit. Les deux garnements apprennent à leurs dépends qu’à trop jouer avec le feu, on se brûle. Et ce constat s’étend également aux adultes, lesquels s’entre-tuent allègrement pour des raisons qui demeureront à jamais obscures.
Jon Watts prend le parti d’inscrire son récit dans le présent, à l’exception d’un flashback revenant sur ce qui a amené le shérif à abandonner momentanément sa voiture au beau milieu de la campagne. Les raisons qui ont poussé Travis et Harrison à fuguer lui importent peu, tout comme leur devenir. Faisant sien un adage fameux, ce n’est pas tant la destination qui l’intéresse que le chemin pour y parvenir. Il en va de même du shérif Kretzer, dont on ne perçoit que le côté ripou sans trop savoir véritablement de quoi il retourne, et de l’homme enfermé dans son coffre. Plutôt que de tout sur-expliquer ou de ménager diverses intrigues, Jon Watts va droit à l’essentiel. Et quand il s’écarte de sa ligne de conduite par l’entremise du personnage de Bev, laquelle a manqué d’avoir un accident à cause des enfants durant la première partie du film et qui de manière inexplicable, intervient lors du dénouement, cela sonne faux. Cop Car se démarque par la justesse de son regard sur l’enfance. On sent qu’il a mis de son vécu dans les pérégrinations et les rapports qu’entretiennent les deux gamins, auquel s’ajoute son choix de tourner sur les lieux mêmes de son enfance, à Colorado Springs. De la justesse, il y en a aussi dans le jeu de Kevin Bacon, qui campe à la perfection ce flic complètement dépassé par les événements mais à l’abnégation sans limite.

Jon Watts réussit un polar rafraîchissant et dépourvu de tout l’angélisme qui était à craindre avec deux enfants placés au cœur du récit. Le film ne tient cependant pas toujours sur la longueur avec notamment le personnage de Bev, déjà cité, ou cette – courte – poursuite automobile finale qui n’apporte strictement rien au récit. Cela dit, le bilan reste positif pour un film au mode de diffusion discret dans nos contrées mais qui aura suffisamment attiré l’attention sur le sol américain pour que Jon Watts intègre l’écurie Marvel et se voit confier les rênes de Spider-Man : Homecoming, nouvelle itération autour du personnage cette fois-ci intégrée à l’univers cinématographique Marvel (le MCU).

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