CinémaPéplum

Centurion – Neil Marshall

 

centurion

Centurion. 2010

Origine : Royaume-Uni
Genre : Survival / péplum
Réalisation : Neil Marshall
Avec : Michael Fassbender, Dominic West, Olga Kurylenko, Liam Cunningham…

Neil Marshall est un réalisateur britannique qui commence à tracer son chemin dans le cinéma de genre depuis quelques années maintenant. Il enchaîne en effet les films à raison d’un tous les trois ans environ, et depuis que j’ai vu le sympathique Dog soldiers, je m’applique à suivre la carrière du monsieur malgré de grosses déconvenues. En effet si son premier long-métrage avait été placé sous le signe d’une originalité prometteuse, les suivants peinaient à suivre le mouvement. Entre The Descent, survival-horror fort classique qui ne parvenait jamais à faire peur et Doomsday, resucée des films post-apocalyptiques bourrée de fric et d’hommages poussifs, pas grand chose à se mettre sous la dent. Heureusement, avec son nouveau film, Neil Marshall renoue avec la formule simple et efficace qui faisait la réussite de son premier essai.

Centurion raconte l’histoire de Quintus Dias, un soldat romain fait prisonnier par les pictes, dans le nord de l’actuelle Angleterre. Alors qu’il parvient à s’échapper, il croise la route de la neuvième légion, chargée de mettre fin aux révoltes pictes. Séduit par la personnalité du général à la tête de la légion, il décide de le rejoindre dans son combat. Lequel est de courte durée, puisque la légion est défaite après une embuscade meurtrière. Quintus et six autres légionnaires ont réussi à échapper au massacre. Ils doivent à présent survivre derrière les lignes ennemies…

Je vais tout de suite commencer cette critique par un coup de gueule. Contre les distributeurs français qui n’ont fait aucune promo pour le film (ni affiches ni bandes annonces ne circulaient) et les cinémas qui ont rechigné à acquérir une copie. Résultat des courses, à sa sortie Centurion n’a droit qu’à une exploitation dans 7 salles en France, toutes situées dans la capitale… C’est très dommage car les péplums riches en scènes d’actions ont en général un public déjà acquis parmi le jeunes de sexe masculin et le film aurait pu avoir un petit succès au box office. Mais passons. Ce genre de choses arrive hélas souvent en France et il n’est pas rare de voir les séries B sans tête d’affiche américaine cantonnées à une exploitation ridicule et vouées à l’échec en salles. Heureusement le marché du DVD est là pour rattraper les choses.

Mais parlons plutôt du film ! Cette histoire de mauvaise distribution est d’autant plus rageante qu’il est tout à fait recommandable, et même, extrêmement sympathique pour ceux qui aiment le genre. Neil Marshall ne faillit pas à sa réputation d’artisan du cinéma et nous livre un boulot honnête, sans prétentions ni fausse modestie. En effet, nous sommes loin du chef d’œuvre, mais pour autant Centurion se révèle d’une parfaite efficacité et remplit sans problèmes toutes les attentes que je pouvais avoir sur un tel film. Et au final je serais bien malaisé d’y trouver de véritables défauts. S’il s’éloigne du chef d’œuvre, cela semble être résolument par manque d’ambitions bien plus que par accumulation d’erreurs. Neil Marshall est de ces cinéastes qui veulent avant tout se faire plaisir et qui ne font pas preuve de velléités de marquer l’histoire du septième art. Cela est totalement flagrant sur Doomsday, précédent film du monsieur, sur lequel il semble avoir lâché la bride à tous ses désirs, et mélange sans vergogne un peu tout ce qu’il a envie de voir au cinéma (pour ceux qui ne l’ont pas vu, le spectateur se retrouve quand même dans une histoire d’agent secret prise dans un combat entre des chevaliers et des punks!). S’il en résulte parfois un foutoir difficilement regardable, il semble avec bonheur avoir vu ses ambitions à la baisse pour Centurion. Probablement que le budget du film est lié à cela. Je n’ai pas d’informations sur ce qu’a couté Centurion mais il y a fort à parier que le budget disponible était bien inférieur aux 30 millions de dollars estimés par le site IMDB pour Doomsday. Toutefois, cela permet au réalisateur anglais de se concentrer sur l’essentiel et de ne pas s’éparpiller en improbabilités. Le film y gagne en efficacité et en suspense. Même si, comme à son habitude, Neil Marshall se plaît à mélanger les genres. Cette fois ce sont le péplum et le survival qui viennent se rencontrer. Et le cocktail est plaisant. Évidemment, la rencontre de ces deux genres propres à montrer les dents et à verser dans le combat barbare et primitif sera dégoulinante de testostérone, et les spectateurs venus chercher un peu de subtilité seront priés de passer leur chemin. Cela se ressent dès la caractérisation des personnages principaux. Tous nous sont introduits au moyen d’une scène d’action où ils seront amenés à faire preuve de leur force et de leur vaillance. Que ce soit le centurion Quintus Dias, pris dans la tourmente des batailles dès l’introduction, le général Titus Flavius Virilus (quand je vous dis que c’est plein de testostérone) qu’on découvre en train de gagner des bras de fer et se battre joyeusement avec ses soldats, ou la mystérieuse Étain qui fait d’emblée preuve de rapidité et d’absence de pitié. Le ton est brut de décoffrage et les nuances de psychologie n’intéressent pas trop le réalisateur. C’est en effet seulement la force physique et de caractère qui permettront aux héros de survivre et de s’attirer l’empathie du spectateur venu pour voir des combats. C’est très simple, voir simpliste diront certains, mais c’est conçu comme ça. Pour donner un visage et une personnalité à ses personnages, Neil Marshall peut s’appuyer sur un solide casting de seconds couteaux qui ont pour la plupart tous déjà fait leur preuves dans le genre. Le plus célèbre d’entre eux est Michael Fassbender, que l’on a pu voir dans 300 et Inglorious Basterds notamment, et a qui échoit le rôle du héros. Il est rejoint par un autre acteur de 300, Dominic West, qui vient incarner le charismatique général de la neuvième légion. Le casting sera complété notamment de Olga Kurylenko qui joue une picte vindicative et muette (un rôle à la mesure de son talent diront les mauvaises langues) et Liam Cunningham (qui jouait déjà un bidasse dans le premier film de Neil Marshall).

Ces acteurs de talents sont plongés dans un scénario signé Marshall qui fait également preuve d’une simplicité redoutable, fonctionnant principalement sur les clichés principaux des deux genres abordés. Ainsi qui dit péplum dit complots, légionnaires, barbares et amitié virile, et qui dit survival dit nature hostile, dépassement de soi et violence. Tous les ingrédients sont réunis, et le film de mêler et d’alterner les passages obligés propres à chaque genre. Cette accumulation de passages et d’actions déjà vues peut fatiguer et laisser de coté les spectateurs les plus exigeants. Mais il faut tout de même avouer que l’ensemble est monté avec une certaine efficacité et surtout fait preuve d’un esprit de “cinéma bis” dans la reprise de codes du genre, ce qui est très louable et totalement fonctionnel. Par ailleurs les aspect péplums dynamisent bien la trame de survival du récit, et lui apportent la petite touche d’originalité nécessaire pour faire passer la pilule au milieu d’un paysage cinématographique actuellement très largement dominé par ce type d’histoires, au sein du cinéma de genre. Mais malgré la présence des ingrédients issus du péplum, l’on ressent quand même une nette envie de la part du réalisateur de faire un vrai survival. Toute la trame complots/batailles est assez rapidement évacuée (ou alors sert de toile de fond) pour un récit qui relève largement de l’histoire de survie en milieu hostile. En ce sens, la nature et le froid prennent une dimension de menace pour la petite escouade de survivants. Quelques ressorts dramatiques viennent rappeler l’hostilité du milieu dans lequel évoluent les héros (la scène de la falaise, ou celle avec les loups). Cela est accentué par le travail sur la photographie, tout en tons bleutés très froids, des teintes inhabituelles pour un péplum, et dans lesquelles les légionnaires semblent peiner. Par ailleurs je tiens à saluer l’excellent travail du directeur de la photo Sam McCurdy (qui non content d’œuvrer sur tous les films de Neil Marshall, signe aussi le très beau travail d’éclairages de la non moins excellente série La Fureur dans le sang), qui nous livre quelques éclairages forestiers superbes. On ne pourra que lui reprocher le relative monotonie des teintes bleutées qui ne seront jamais contrebalancées par autre chose, mais sans doute est-ce une volonté du réalisateur qui semble se régaler du contraste entre les tons froids et le rouge éclatant du sang qui ne manque pas de gicler en abondance à chaque combat. Ces affrontements sont toujours très violents et très sanglants, et ils constituent la véritable menace à laquelle doivent faire face les héros du film. En effet si la nature joue bien un rôle hostile, il se cantonne plus à celui d’obstacle pour les héros, le vrai danger émanant de la horde picte qui est à leur poursuite. En effet, contrairement à des films comme Predator ou Delivrance où c’est la nature en elle même qui faisait figure de danger permanent, on peut regretter que Centurion n’aille pas plus loin dans ce sens. Toutefois l’obstacle qu’elle constitue reste bien géré, notamment par la démonstration constante de la supériorité des pictes sur ce terrain. Il faudra d’ailleurs que les légionnaires parviennent à amener leurs ennemis sur un nouveau terrain, plus propice aux modes de combats des romains, pour enfin pouvoir riposter.

Narrativement, une fois l’épisode des présentations et de la première bataille (particulièrement sanglante et expéditive) passé, le film prend la forme d’une longue et haletante course poursuite, dans laquelle le suspense est particulièrement bien géré. Et au final une seule pause sera accordée au spectateur. Cette scène de répit sera heureusement de courte durée et ne constitue qu’un repos avant l’affrontement final. Le réalisateur prend également soin de donner à son histoire tout le souffle épique qu’elle mérite. Cela se fait de manière assez simple, via des plans très larges des personnages sur les crêtes des montagnes et via l’emploi d’une musique exaltante et symphonique. Là encore les recettes sont éculées, mais le tout fonctionne bien. De même, les batailles et les affrontements sont très nombreux tout au long du film. L’arsenal utilisé est très varié, et sur ce plan, Marshall laisse libre court à son envie de voir des combats barbares. C’est vraiment très sanglant et brutal, et assez jouissif de voir enfin un film laisser libre court aux flots de sangs. Nous sommes là très loin des giclées artistiques et virtuelles de sang noir de 300 et si ici aussi les effets spéciaux virtuels sont appelés à l’aide c’est plus dans une optique de budget que d’esthétique. Le tout restant assez « réaliste » (pour peu que l’on puisse employer ce mot face aux exagérations gores du film) ou en tout cas s’inscrivant dans une volonté manifeste de faire du « cinéma du réel ». Niveau mise en scène également nous sommes loin des mouvement de caméra maniérés. Les plans sont pour la plupart fixes lors des combats et le découpage vise à donner un aperçu clair de l’action, sans plus.

Au final Centurion apparaît sur tous les plans comme un film humble et simple, qui pêche parfois par un manque d’ambitions flagrant. Mais le résultat est tout de même très efficace et nanti d’un parfum old school qui est très plaisant. Du reste, les très nombreux combats et les grosses giclées de sang rassasieront les fans de scènes d’actions les plus exigeants, tandis que l’efficacité de la mise en scène et les jolis efforts sur les costumes satisferont les amateurs d’héroic fantasy barbare.

Une réflexion sur “Centurion – Neil Marshall

  • Un journaliste avait interrogé Michael Fassbender sur les mauvais films dans lesquels il aurait pu jouer. Celui-ci lui avait demandé s’il avait vu Centurion. Le journaliste lui a répondu que non, Michael Fassbender lui a alors dit de continuer à ne pas le voir.

    J’ai détesté cette remarque de sa part et la critique de Arnaud Schilling rend justice à ce film qui est tout simplement génial. Michael Fassbender aurait dû parler de la purge Assassin’s Creed, de l’ incompréhensible Bonhomme de neige avec un Val Kilmer qui ne peut plus parler après son opération de son cancer de la gorge, ce qui est un comble pour un acteur qui doit déclamer ses dialogues.

    Centurion, au-delà d’un péplum est un survival intense avec une Olga Kurylenko en Némésis, qui ne laisse aucun temps mort. Le moindre moment de faiblesse est sanctionné par la mort. J’ai adoré ce film, Neil Marshall offre une nouvelle perle à sa filmographie après Dog Soldiers, The Descent et Hellboy (conspué et descendu de partout malgré le fait que le film est ironiquement ce qui se rapproche le plus des comics de Mike Mignola, qui a préféré cette adaptation à celle de Del Toro.)

    Néanmoins, il y a quelques ratés dans sa carrière comme Doomsday qui après un début prometteur s’enfonce dans une bouillabaisse de mad max et de chevaliers en armures, et surtout de comédie musicale. Mais le plus mauvais reste Lair, un film qui mélange Dog Soldiers avec la guerre en Afghanistan, et qui flirte avec le nanar, et qui est mal maitrisé au niveau scénaristique et de la mise en scène, ce qui m’inquiète pour la suite de sa carrière.

    Petit anecdote concernant Centurion, le film est sorti la même année que L’Aigle de la neuvième légion, qui raconte la suite des événements qui se déroule dans Centurion à savoir récupérer l’aigle de la neuvième légion écrasé par les Pictes dans Centurion, représentant Rome, elle ne devait en aucun cas tomber dans les mains de l’ennemi.

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