Cannonball – Paul Bartel
Cannonball!. 1976Origine : Etats-Unis
|
La New World Pictures ne plaisantait pas avec le succès. Celui rencontré par La Course à la mort de l’an 2000 exigeait un autre film roulant sur les mêmes traces automobiles. Corman ne fut pas le seul à penser ainsi, puisque d’autres compagnies de production vinrent épauler la New World. Même la hongkongaise Shaw Brothers s’invita sur le projet, déléguant Run Run Shaw comme producteur exécutif ! Pour mettre Cannonball sur de bons rails, nombre de personnes impliquées sur La Course à la mort de l’an 2000 furent de nouveau employées. Paul Bartel reprit ainsi du service à la réalisation, tandis que David Carradine conserva la tête d’affiche. Difficile pourtant de considérer Cannonball comme une séquelle, même officieuse. Visiblement épuisés par l’échappée folle qui fut la leur sur le premier film, Bartel et son équipe opte pour un point de vue bien plus paisible. Finie l’inspiration cartoons, terminée la portée politique, place à la détente sur le chemin du retour. Là où La Course à la mort… allait d’est en ouest, Cannonball va d’ouest en est, de Los Angeles à New York, et se déroule à l’époque contemporaine. Les États-Unis ne sont pas une dictature mais la fameuse course Transcontinentale a été interdite par les autorités en raison des excès de vitesse systématiques de ses participants. Qu’à cela ne tienne, les organisateurs l’organisent tout de même de façon clandestine, la menace de la police ne faisant que rajouter un peu de piment à l’épreuve. Répondent à l’appel plusieurs participants : trois filles délurées dans une camionnette, un afro-américain funky, un père de famille désireux de retrouver sa maîtresse en chemin, un couple de jeunes surfeurs mignons tout plein, un teuton prétentieux, un dur à cuir flanqué de ses financiers (une mère et son fils chanteur de country), ainsi que Coy Buckman (David Carradine), ex taulard accompagné de sa copine, qui se trouve être sa contrôleuse juridique. A bord de Cannonball, voiture trafiquée par son frangin Bennie (Dick Miller), Coy est le favori. C’est une star générant même un sosie, Zippo (Archie Hahn), avec lequel il s’entend rudement bien, au point de lui confier sa copine. Tous les coups étant permis, Coy juge qu’il est trop risqué de la garder avec lui, compte tenu des tentatives de sabotage qu’il ne manquera pas d’attirer. Ce qu’il ne sait pas, c’est que Bennie lui-même a prévu de s’en prendre aux autres participants…
Un film nettement plus posé que son prédécesseur, donc. Sans non plus être d’un sérieux à tout crin, Cannonball considère ses personnages avec bien plus de révérence, à l’image de la tendresse éprouvée par Coy envers sa copine et envers son ami Zippo, pour lequel il s’est naguère sacrifié en allant en prison à sa place. Bartel invente contre toute attente cette histoire de passé tourmenté impliquant un tragique décès dans un accident de voiture, source de cauchemars chez Coy. Celui-ci est un héros modèle, sportif émérite, grand humaniste devant l’éternel, capable lui aussi de commettre des erreurs (ainsi il s’endort au volant et va voler dans le fossé). Il en devient transparent, et même carrément insupportable au moment de livrer sa petite morale charitable dans le dénouement du film. Qu’est-il passé par la tête du généralement très impoli Paul Bartel au moment de rédiger un tel script ? La réponse peut être trouvée en regardant l’identité de son co-scénariste : Don Simpson, futur acolyte de Bruckheimer dont les productions postérieures (Flashdance, Le Flic de Beverly Hills, Top Gun) firent preuve d’un grand conformisme hollywoodien, que l’on retrouve ici partiellement. En revanche, il y a une chose que l’on ne retrouve pas : le spectaculaire. Si les explosions reprennent leurs droits dans les dernières minutes (une voiture tombe dans un ravin, et c’est presque une explosion nucléaire !), une très grande majorité du film se contente de têtes à queues, de dérapages dans le décor, voire même de pneus crevés. Nous sommes décidément très loin de La Course à la mort de l’an 2000, et les voitures elles-mêmes sont d’une banalité affligeante (la camionnette !). La fameuse Cannonball n’est somme toute qu’une voiture de course classique des années 70, qui sans sa couleur vive aurait été aussi anonyme que son conducteur. Bartel perçoit cette fois sa course non comme une provocation, mais comme une bucolique traversée de l’Amérique sur fond de musique funk, dont le summum de la subversion consiste à envoyer le couple de surfeurs ou le trio de jeunes femmes faire tourner les flics en bourriques. Même le personnage de l’éminemment sympathique Dick Miller est condamné par le réalisateur, au motif qu’il intente à la vie d’autrui ! Si on a même plus le droit de faire de l’humour noir, où va-t-on ? L’humour du film ne tient qu’à un fil : la désinvolture de la plupart des participants que la célèbre devise de Coubertin “l’important c’est de participer” semble avoir durablement marqués. Quant aux vrais compétiteurs, à l’instar de Coy, ils se trouvent réduits à peau de chagrin. Redman (Bill McKinney) ne vaut que pour l’énervement que lui inspire le chanteur de country à ses côtés, et le teuton wagnerien est très tôt victime d’un sabotage.
Paul Bartel semble quant à lui avoir été victime d’un essoufflement consécutif à sa Course à la mort… échevelée. Certes, Cannonball véhicule malgré tout un certain esprit beatnick libertaire (commun à bien des road movies comme celui-ci), mais la vacuité du scénario l’empêche de proposer un spectacle intéressant. On pourra tout de même se consoler en assistant ici ou là aux caméos des fines fleurs de l’équipe New World. Outre Bartel, qui n’a jamais rechigné à se montrer à l’écran, nous voyons ainsi défiler Roger Corman, Joe Dante, Martin Scorsese, Allan Arkush, Michael Finnell, Jonathan Kaplan, etc… Sans compter les acteurs de professions dans les rôles principaux, tous des fidèles de la New World.