Calme blanc – Phillip Noyce
Dead Calm. 1989Origine : Australie
|
Les réalisateurs australiens semblent particulièrement aimer la nature. Peter Weir et George Miller, qui sont probablement les deux réalisateurs australiens ayant rencontré le plus de succès, doivent tout deux le lancement de leur carrière à des films faisant la part belle aux phénomènes météorologiques (La Dernière vague de Weir), aux grands rochers séculaires (Pique-nique à Hanging Rock, de Weir aussi) ou à la sécheresse d’un désert impitoyable (les Mad Max de Miller). Calme blanc traite quant à lui de l’océan Pacifique, et constitue l’adaptation d’un livre américain rédigé en 1963 sur le cas duquel Orson Welles s’était déjà penché à la fin des années 60, tournant pendant plus de deux ans avant d’abandonner après la mort d’un de ses acteurs principaux. Le couvert est donc remis par les australiens, et George Miller lui-même s’y implique, faisant office de producteur, tandis que la réalisation est confiée à Phillip Noyce, futur réalisateur de Sliver et de l’adaptation cinéma du Saint. Le casting n’a pas besoin d’être pléthorique, puisque trois personnages suffiront à remplir la quasi intégralité du film (à à peine dix minutes près). Voici donc débarquer trois acteurs aujourd’hui reconnus mais à l’époque beaucoup moins cotés que de nos jours : l’hawaienne élévée en Australie Nicole Kidman, l’américain Billy Zane et le nord-irlandais Sam Neill, comédien alors le plus expérimenté, mais pas au point d’être une star.
John et Rae, autrement dit Neill et Kidman, forment un couple ayant pris leur yacht et le large dans le Pacifique à la suite du décès de leur jeune fils dans un accident de la route. Leur escapade régénératrice les fera croiser la route de Hughie (Billy Zane, donc), qui dit être le seul survivant de l’équipage d’une goëlette prenant l’eau non loin de là. Ses compagnons auraient soit-disant péri d’empoisonnement après avoir mangé du poisson douteux. John n’est guère convaincu et pendant le sommeil de Hughie, il décide d’aller vérifier par lui-même sur la goëlette en prenant la barque ayant amené le jeune homme à bord du yacht. Grosse erreur : le type va se réveiller entre temps et va mettre les voiles, gardant Rae auprès de lui. S’engagera alors une course-poursuite maritime entre le yacht, sur lequel Rae tente de déjouer les plans de Hughie, et la goëlette que John, heureusement officier de la navy, tente de faire avancer malgré le naufrage annoncé.
La première chose à signaler est le calme dans lequel se déroule le film. Si ce n’est pour la rapide et violente exposition du passé du couple principal, avec la mort de leur fils (qui passe à travers le pare-brise de la voiture), tout le reste, en plein océan, est d’une tranquillité qui doit non seulement au nombre réduit de personnages (surtout lorsqu’ils sont divisés), mais aussi beaucoup à la vaste étendue de l’océan que ne se prive pas de montrer Phillip Noyce. L’horizon nous est fréquemment montré, les plans sont larges et permettent de respirer le bon air marin, la mer est calme, le ciel est bleu, la bande-son est atmosphérique et le confort offert par le yacht de John et Rae aurait vraiment été le cadre idyllique pour un repos moral aussi bien que physique. Mais avec l’apparition de Hughie, cette apparente sérénité va s’écrouler, ne laissant qu’un calme du surface, maintenu par Rae pour se préserver de l’imprévisibilité de l’étranger, y compris et surtout après que John se soit fait piéger. Hughie est pour le moins étrange : si ce n’est qu’il s’est débarassé du mari et qu’il se montre violent dès que Rae lui demande de faire demi tour, il apparaît comme un homme normal, volontiers sympathique et laissant totale liberté à sa compagne forcée, laquelle tout en tentant de trouver un moyen pour atteindre son mari laissé en arrière se plie comme si de rien n’était à cette vie de couple banal désirée en apparence par Hughie (sexe y compris). Là encore, le calme et la gentillesse de l’homme ne sont qu’une surface en parfaite adéquation avec le cadre enchanteur : on en viendrait presque à en douter, mais la réalité est toute autre et il s’agit bel et bien d’un psychopathe. John le constatera de lui-même sur la goëlette, ou au contraire la situation est de plus en plus difficile. Il découvrira les cadavres des anciens compagnons de route de Hughie, en réalité des mannequins de photos de charmes assassinées avec leur photographe par le jeune homme devenu fou. Plus le temps passera, plus l’eau montera, un orage venant même à éclater, obligeant John à passer son temps dans la crasseuse et innondée salle des machines, dans laquelle flottent les cadavres.
Mais ce seront tout de même les aventures de Rae et Hughie, bien au sec et dans un cadre comfortable qui seront les plus captivantes. Preuve que ce thriller est réussi : le “calme blanc” du yacht se fait bien plus palpitant que l’action de la goëlette, grâce à la grosse tension psychologique qui nait du rapport entre les deux personnages. On sait parfaitement que Rae ne cherche qu’à se débarasser de son oppresseur et à se rapprocher de son mari, on sait parfaitement que Hughie est capable de tout (il est à rapprocher de la Annie Wilkes du Misery de Rob Reiner, en moins lunatique), mais les apparences sont paisibles. Alors on attend avec angoisse que l’orage (métaphoriquement et météorologiquement) éclate également sur le yacht, et on attendra longtemps… Quelques miettes (plutôt ridicules d’ailleurs, notamment lorsque le chien part rechercher les clefs du moteur que sa maîtresse a balancé par dessus-bord) nous sont laissées, mais rien n’interrompt vraiment la tranquillité jusqu’à un final imposé par le studio (contre la volonté du réalisateur), qui traîne en longueur et qui s’achève par un rebondissement à la Vendredi 13, graphiquement immonde et logiquement débile. Mais même ces quelques défauts n’enlèvent pas la force du film. Voilà ce que j’appelle un joli thriller !