Boulevard de la mort – Quentin Tarantino
Death proof. 2007Origine : Etats-Unis
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C’est à la tombée du jour que Jungle Julia, la DJ la plus sexy d’Austin, peut enfin se détendre avec ses meilleures copines, Shanna et Arlene. Ce trio, qui vit la nuit, attire les regards dans tous les bars et dancings du Texas. Mais l’attention dont ces trois jeunes femmes sont l’objet n’est pas forcément innocente.
C’est ainsi que Mike, cascadeur au visage balafré et inquiétant, est sur leurs traces, tapi dans sa voiture indestructible. Tandis que Julia et ses copines sirotent leurs bières, Mike fait vrombir le moteur de son bolide menaçant…
Je pense qu’on peut parler de Quentin Tarantino comme une sorte de phénomène à part dans le milieu du cinéma. Chacun de ses films est une sorte de déclaration d’amour à un type de cinéma qu’il aime. Le cinéma de genre, les séries B des années 50, 60 et 70, des films codifiés, appartenant à un cinéma dit populaire, souvent cheap et fauché. Un genre de film aujourd’hui disparu, puisque le cinéma populaire actuellement ce sont des blockbusters aux budgets pharaoniques… Pourtant alors même qu’il rend hommage à un genre qui paraît « poussiéreux » ou désuet aux yeux du grand public, les films de Tarantino accusent généralement un succès critique et public non négligeable (Rappelons-nous le boom Kill Bill ou de Pulp fiction, primé à Cannes). Cependant, comme tout phénomène, Quentin Tarantino divise, même parmi les cinéphiles. En effet certains lui reprochent justement d’élever l’hommage au rang de finalité. Ses films ne seraient plus qu’un catalogue de citations cinéphiliques, des resucées commerciales sans talent ni originalité… voire même des films prétentieux et des exercices de styles outranciers…
En effet Tarantino est de ces réalisateurs qui aiment à déconstruire la narration de leurs films afin d’obtenir un produit différent tant dans la forme que dans le fond.
Pas étonnant donc de le savoir à l’origine de ce film « grindhouse », concept totalement inconnu en Europe, qui consiste en deux films projetés l’un à la suite de l’autre. Cette pratique du « double feature » étant courante dans les drive-in des années 70.
A l’origine Grindhouse nous proposait donc Death Proof de Quentin Tarantino et Planet Terror de Robert Rodriguez, avec entre les deux de fausses bandes annonces réalisées par les pointures actuelles du cinéma d’horreur (Eli Roth, Rob Zombie, Edgar Wright…). Malgré l’originalité du projet, le cinéphile avait de quoi frissonner : Le pitoyable Hostel, faux film gore pour djeunz décérébrés, avait déjà été produit par Tarantino, Robert Rodriguez est un réalisateur au passé glorieux (Une nuit en enfer, Desperados…) mais à l’actualité plutôt pathétique (des Spy Kids lobotomisés et un Sin City virtuel, douteux et copié collé de la bd, malgré une interprétation réussie), enfin Quentin Tarantino lui-même avait auparavant commis un Kill Bill certes réussi dans sa forme, mais au fond peu engageant (le film n’étant finalement qu’une accumulation de poncifs volés aux genres que le réalisateur admire)…
Bref, ce nouveau projet semblait susciter autant d’espoirs que de craintes selon l’opinion qu’on avait des deux réalisateurs…
Enfin, comme une sorte de coup de grâce, tombait la décision des producteurs de scinder le film en deux (ou plutôt de sortir séparément les deux segments) sous prétexte que le public européen n’est pas « habitué aux doubles programmes », excuse fallacieuse pour augmenter les recettes qui nous prive d’un objet plutôt unique de ce coté de l’Atlantique. Dommage, même si pour l’occasion les deux films sont rallongés de nouvelles scènes…
Mais malgré tout ça, on a définitivement tort de juger le film sans l’avoir vu, car il s’avère franchement sympathique !
Boulevard de la mort n’est pas un nouveau Hostel, et même si le film est vendu comme un film d’horreur, il appartient infiniment plus à l’univers Tarantino qu’a n’importe quoi d’autre.
Pour ce Boulevard de la mort, Tarantino a la bonne idée de délaisser les références outrancières de Kill Bill pour se concentrer plus sur ses personnages. Là où dans Kill Bill chaque personnage était finalement associé à une symbolique lourdingue issue chaque fois d’un genre différent, ici les personnages ont tous des caractères particuliers, et se révèlent aussitôt attachants et crédibles. En ce sens le film se rapproche beaucoup plus de Reservoir Dogs et de Pulp Fiction que de Kill Bill. L’univers de Quentin Tarantino est quand même particulièrement prégnant dans ce nouveau film : Les références sont très présentes, les dialogues citent abondamment Point limite zéro et autres séries B connues uniquement de quelques rares cinéphiles. Les dialogues ont une place très importante dans le film, très bavard, et permettent de rendre crédibles les personnages. Même si cette abondance pourra déplaire à certains qui trouveront du coup certains passages trop longs. Le célèbre fétichisme du réalisateur sera présent via les (très) nombreux plans de pieds féminins. A ce titre Boulevard de la mort est clairement un « film pour mecs » alliant filles sexy et grosses cylindrées (comme pouvaient l’être certaines productions des 70’s).
Les voitures occupent donc une place de choix dans le métrage, et il sera par ailleurs plutôt généreux en courses poursuites endiablées et en crash impressionnants. Le film nous offre des passages très intenses et sacrément bien foutus prouvant la maîtrise indéniable de Tarantino dans la mise en scène.
Ne cachons pas non plus le plaisir évident qu’on a à voir Kurt Russel en grande forme dans le rôle génial de « Stuntman Mike ». Surtout que le reste du casting, et particulièrement les filles qui lui donnent la réplique, est très bon également.
Enfin l’hommage aux années 70 sera particulièrement réjouissant pour les nostalgiques : vêtements, voitures, musique, tout y est. La bande originale est à nouveau composée d’artistes et de morceaux rock et country de l’époque et se révèle vraiment excellente.
La forme est aussi travaillée pour évoquer les séries B. La pellicule est rayée volontairement, l’image saute par moment (comme s’il manquait une bobine de film), le film est introduit par des logos « vintage » etc… Le résultat est plutôt sympa à voir et nous plonge dans une ambiance des plus réjouissantes. Boulevard de la mort ne fait pas que nous entraîner dans l’univers de son réalisateur, il semble même ressusciter un instant un genre de cinéma qu’on croyait disparu.
Finalement les détracteurs de Tarantino (dont je fais parfois volontairement partie) seront, je pense, agréablement surpris par ce film efficace et sans prétention. On regrettera juste quelques dialogues parfois longuets et évidemment cette scission en deux, mais l’ensemble reste fort sympathique.
Pour un film pour mecs, j’ai détesté Boulevard de la mort à sa première vision. Beaucoup de dialogues, des personnages féminins pénibles, et le seul atout du film Stuntman Mike, finit pitoyablement. Plutôt un film castrateur, même si je ne partage pas les desseins sadiques de Stuntman Mike.
Boulevard de la mort reprend effectivement tous les attributs du film de mecs pour mieux les retourner lors d’un final durant lequel les personnages féminins prennent le pouvoir.
Assez ironique vu la proximité de Tarantino avec Harvey Weinstein.