Forrest Gump – Robert Zemeckis
Forrest Gump. 1994Origine : États-Unis
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Comment être totalement insensible à cette fable humaniste sur l’Histoire des USA, des années 40 jusqu’aux années 90 ? A travers l’apprentissage de la vie d’un simple d’esprit, Zemeckis nous livre un spectacle captivant, mélangeant rêve américain et déchéance occidentale.
Une plume est portée par le vent, et finit entre les pieds d’un homme assis sur un banc. Il ramasse la plume et la met dans un livre.
« Bonjour, je m’appelle Forrest, Forrest Gump. Vous voulez du chocolat ? »
C’est sur ce dialogue que débute le film. Forrest Gump, joué par le gigantesque Tom Hanks, est assis sur un banc et attend le bus. A côté de lui, une femme s’assoit, il lui parle, l’histoire de sa vie commence alors.
« Maman disait toujours, la vie, c’est comme une boîte de chocolat, on sait jamais sur quoi on va tomber ! » Sa vie à lui sera la plus belle et plus grosse boîte de différents chocolats qu’il puisse exister !
Nous voilà revenant cinquante années en arrière. Forrest est un petit garçon handicapé, son dos est tordu, et il est obligé de porter des atèles aux jambes pour permettre à son dos de se redresser. Forrest n’est pas un enfant comme les autres. Outre son handicap physique, il est simple d’esprit. Son QI est très faible et sa mère a de la peine à le faire entrer dans l’école publique, le directeur voulant le mettre en école spécialisée. Sa mère souhaite qu’il ait les mêmes chances que les autres enfants. Elle couche avec le directeur, Forrest va à l’école publique.
« Surtout ne laisse personne te dire qu’il est mieux que toi », lui dit sa mère. Elle aime son fils énormément, elle n’a que lui et cherche à le protéger de tout le monde qui l’entoure. Mais Forrest, par sa simplicité d’esprit, se protège lui-même. Il ne se rend pas compte de ce qui se passe autour de lui. Sa mère et lui-même vivent dans une immense maison en Alabama. Pour vivre, elle loue des chambres aux voyageurs. Le père est parti, mort ou parti. Elle reçoit des voyageurs, et un jour, elle reçoit un homme, avec une guitare. Très vite, Forrest adore l’écouter jouer et chanter. Forrest danse avec ses atèles, il fait un espèce de déhanché maladroit en dansant… Quelques mois plus tard, le musicien en question passe à la télé, il danse comme Forrest. Cet homme sera appelé The King.
Pour son premier jour d’école, il doit prendre le bus. Tous les enfants le regardent, personne ne veut qu’il s’asseye à côté de lui… Une voix s’élève pourtant, une charmante petite fille blonde. Elle s’appelle Jenny. Une amitié pas comme les autres va naître entre les deux enfants. Comme le dit Forrest, ils vont être inséparables comme les deux doigts de la main !
Elle lui demande si il est stupide… « N’est stupide que la stupidité ! », répondra t-il à chaque fois qu’on lui posera la question. Jenny et Forrest deviennent amis. Evoluant dans de superbes décors naturels, Zemeckis met en valeur les terres de l’Alabama, et y fait évoluer deux personnages aux destins différents mais tellement proches. Jenny et Forrest marchent le long d’un chemin lorsque des enfant, de leur âge lancent des pierres à Forrest. Sa différence fait peur aux enfants et les rend agressif. Attitude récurrente de certains enfants, Jenny lui dit de fuir, de courir, « Cours Forrest ! », l’une des citations les plus connues du cinéma prend alors tout son sens. Forrest doit fuir la violence, doit fuir les hommes, ceux qui lui veulent du mal. Mais ses atèles ne lui permettent pas de fuir. Puis à force de persévérance, les voici se détachant, tout un symbole, le voilà libre. Il court à n’en plus s’arrêter. Il court et n’est jamais rattrapé !
« Je cours comme le souffle du vent ! » dit-il à la personne assise à côté de lui, sur ce banc, nous sommes revenus au présent, Forrest continue de raconter son odyssée.
Parallèlement à l’évolution de Forrest, on découvre aussi la vie de Jenny, moins rose. Son père la maltraite, la viole. Forrest parle de ces évènements sans les comprendre. Il dit qu’elle a de la chance parce que son père est très attentionné… On découvre alors une partie de sa personnalité. On le voit alors complètement décalé de la réalité parce qu’il ne comprend pas ce qui arrive. Il ne se rend pas compte des atroces souffrances endurées par sa meilleure amie. Heureusement, son père est arrêté par la police, elle va vivre chez sa grand-mère.
« Je courais toujours pour aller partout, je croyais pas pour autant que ça me mènerait quelque part. »
Où est-ce que cela le mène ? A l’université ! Il est repéré par le coach de l’équipe de football, il devient une star !
Pourquoi un tel film avec un tel personnage ?
Mais malgré ses faibles capacités mentales, Forrest va quand même à l’université. Déjà, on devine qu’il n’aura pas un destin comme les autres. Protégé de Dieu, cet esprit simple n’est accepté à l’université que parce qu’il court vite et qu’il fait gagner l’équipe de football. Devenant ainsi une star du football, il rentre dans l’équipe nationale et est accueilli à la maison blanche par Kennedy. Zemeckis fait entrer le jeune Forrest là où se décide le sort du monde. Forrest y entre à plusieurs reprises, il rencontre les Présidents, leur serre la main, et dit même à Kennedy qu’il a envie de pisser ! Zemeckis use d’un procédé original en faisant incruster Tom Hanks/Forrest Gump dans des images d’archives. C’est le vrai Kennedy qui sert la main de Tom Hanks, ça rajoute au côté réaliste du film et à l’incroyable odyssée qui est en train de se perpétrer sous nos yeux. Forrest Gump, celui qu’on surnommait l’idiot du village, rencontre JFK !
Zemeckis fait voyager son personnage un peu partout. Le but étant de mettre Forrest là où il s’est passé quelque chose d’important dans l’Histoire des USA. Alors son université, celle d’Alabama reçoit les premiers étudiants noirs. Évidemment, à l’époque, c’est quelque chose qui fut mal apprécié par l’opinion publique, il y eut des manifestations, et Kennedy doit même faire intervenir la garde nationale. Nous sommes plongés en plein milieu de la lutte des droits civiques, et Forrest Gump est toujours là, apparaissant dans des images d’archives, on le voit ramasser un livre tombé des bras d’une étudiante noire. Ceci fustige les blancs. Car oui, dans ce contexte si particulier qu’était la lutte des droits civiques, Forrest Gump reste toujours et encore celui qui ne sait pas. Il ne comprend pas pourquoi tout ce remue ménage pour des noirs, il ne sait pas tout ce qui est en train de se jouer. Zemeckis nous donne une leçon d’humilité lorsque symboliquement, Forrest aide cette étudiante noire. C’est son innocence qui le fait aller vers elle, et qui montre simplement l’exemple, sans le vouloir. Forrest ne fait pas de différences entre blancs et noirs. Son meilleur ami sera Bouba, un noir. Les dialogues sont toujours très drôles, et en même temps nous font réfléchir ! Oui, nous qui réfléchissons toujours trop, pour comprendre, pour penser à l’avenir…
-“Tu seras quoi plus tard ? lui demande Jenny.
– Je serai moi, non ?“
Sous ses airs d’ahuri, il nous donne des leçons de vie, il nous montre que ce monde est compliqué parce qu’on le rend compliqué. Jenny n’est pas à l’université avec lui. Elle est dans une université réservée aux filles. Il va lui rendre visite de temps en temps. Un soir, alors qu’il l’attend devant l’entrée du campus, elle arrive dans une voiture avec un type. Le type veut aller plus loin, elle a le malheur de crier « aie », après un mauvais geste du dit-monsieur, et voilà Forrest accourant, ouvrant la porte et tabassant le type. Il veut la protéger, elle est ce qu’il lui est arrivé de mieux. Elle est celle qui l’a accepté pour ce qu’il est, conscient de ne pas être très intelligent. De plus, il est aussi conscient de cette amitié, de cet amour, de ce qu’est Jenny : celle qui a accepté sa différence.
Diplômé d’université en ayant simplement joué au football, il s’engage dans l’armée. Il y rencontre Bouba, un spécialiste de la crevette. « Je sais tout ce qu’il y a à savoir sur le commerce de la crevette ! »
Parallèlement, Jenny fait sa vie, elle veut devenir une star, elle pose dans Playboy et se fait virer de son université. Elle joue dans une boîte de strip-tease que Forrest prend pour un théâtre. Elle chante et joue de la guitare toute nue, il est fier d’elle ! Il ne se rend pas compte qu’elle a tout raté, qu’elle n’est pas heureuse.
Il part au Vietnam après avoir laissé partir Jenny. Elle ne sait pas où elle va, elle reste aux États-Unis, elle est complètement perdue dans son propre pays, lui, Forrest est envoyé à l’autre bout de la Terre, faire une guerre dont il n’a aucune idée de ce qu’elle représente, et pourquoi il la fait. Le traitement de la guerre, et même de tout le côté historique peut paraître superficiel, c’est simplement parce que Zemeckis se borne à nous montrer le regard de Forrest. D’ailleurs, lorsque Forrest est au Vietnam, il n’en parle pas comme d’une guerre mais plutôt comme d’un voyage touristique. Il se balade beaucoup, en groupes armés, mais pour lui, c’est simplement des balades, il dit qu’il y a toujours un truc à voir, ou à faire. Il y a la pluie, c’est la mousson, pour lui tout cela n’est qu’un jeu, il est avec son meilleur ami Bouba, avec qui il a fait ses classes, il se sent bien à l’armée parce qu’on ne lui demande rien d’autre que d’obéir, et ça, il sait faire. Lorsque la pluie s’arrête, l’unité du Lieutenant Dan, le chef de Forrest, se fait attaquer. Explosions, rafales de balles, morts, Forrest se retrouve en plein milieu d’une chose qui le dépasse. Il ne sent pas particulièrement le danger, on lui dit de courir pour sauver sa peau, il court. Puis voyant qu’il est tout seul, il fait demi-tour et ramène les blessés. Il retrouve le Lieutenant Dan (joué par Gary Sinise), gravement blessé aux jambes, il le sauve, il sera amputé. Bouba est gravement blessé lui-aussi. Il meurt dans les bras de Forrest qui lui a promis d’acheter un crevettier.
L’Odyssée du petit Forrest continue. Il se retrouve à l’hôpital après avoir reçu une balle dans le fessier, il y apprend à jouer au ping-pong et devient rapidement une star ! Il est engagé dans l’équipe de ping-pong de l’armée.
Dan ne supporte pas d’être devenu handicapé. « J’aurais dû mourir au combat avec mes hommes. Tu m’as volé mon destin. » dit-il à Forrest, qui n’a aucune idée de ce dont il parle. Lui, il voit son Lieutenant, bien vivant, et c’est tout ce qui importe.
On se rend alors compte de l’absurdité de cette guerre. Dans le regard de ce simple d’esprit, ce n’est ni plus ni moins que des balades, pour Dan, c’est la souffrance, la perte de ses jambes. On a deux visions complètement opposées. Zemeckis veut simplement montrer avec cynisme cette société américaine dans laquelle il a grandi. Cette société américaine complètement à côté de la plaque, se battant pour des idéaux qui n’ont pas apporté ce qu’on espérait d’eux.
Il rencontre alors le Président Johnson pour être décoré de la médaille du mérite. Cela aussi c’est très symbolique ! D’ailleurs, Dan en rigole ! Lui Forrest Gump, celui qui ne sait pas ce qu’il se passe, celui qui se trouve au mauvais endroit, mais qui est protégé sans doute par Dieu, lui, est décoré pour avoir fait une guerre qu’il voyait comme un voyage touristique ! Toujours à l’aide d’images d’archives, on voit Forrest Gump serrer la main du Président, et même lui montrer son cul, lorsque ce dernier veut voir sa blessure ! Le syndrome post-Vietnam est surtout montré avec le personnage de Dan. Plus que mutilé, il est surtout laissé pour compte. Désormais un marginal, lui qui aurait dû mourir en héros de guerre pour son pays qu’il aime tant, le voilà au milieu d’une société qui rejette tout ce qu’il est, tout ce qu’il a fait, pour eux, ces gens là.
Ces gens-là, ce sont les manifestants, les hippies, ceux qui veulent la paix, l’égalité. Forrest se retrouve sur la place du mémorial, devant une assemblée réunit par manifester. On lui demande de dire quelques mots sur le Vietnam, malheureusement, son intervention est coupée, un flic sabote les prises du micro, pourtant, il continue son discours, et il finit, ce que tout le monde entend, « c’est tout ce que j’ai à dire sur le Vietnam ! »
Alors qu’a t-il voulu dire ? Ca, on ne le sait pas, mais ce que nous pouvons imaginer en connaissant un peu Forrest, c’est qu’il n’a pas parlé de la guerre comme la plupart des gens l’auraient fait. On lui demande son nom, et Jenny apparaît, il la retrouve dans le bassin du mémorial. Leurs destins se croisent à nouveau. Jenny continue son bonhomme de chemin, elle ne vit pas la même aventure que son vieil ami. Alors que Forrest réussit tout, elle, elle rate tout. Elle se drogue, veut se suicider, est complètement déboussolée, ne sait pas ce qu’elle veut, et ce qu’elle est. Et alors deux visages s’opposent. Celui de l’Amérique où tout réussit, et celui de l’Amérique où la misère, l’exclusion est de mise. L’Amérique, c’est pas beau nous dit Zemeckis. L’Amérique n’est pas juste. Le monde est pourri. Forrest habillé de son costume de l’armée, suit Jenny jusqu’à un endroit où est réunit un groupe des Blacks Panthers. Encore une fois, le décalage est créé ! Forrest ne sait pas ce que cela signifie, pourquoi ces gens-là, armés, luttent, dans quel but ? Tout cela le dépasse ! Lui, il suit simplement son destin, il va là où il doit aller.
Donc après la guerre, Zemeckis revient sur la lutte des droits civiques. Mouvement majeur de ces 50 dernières années aux USA, Zemeckis prend encore du retrait et s’installe en témoin, jamais en juge. C’est nous qui nous faisons nos opinions. Évidemment, on connaît l’Histoire, on sait comment tout cela s’est terminé, et qui avait raison. Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel est de montrer une Amérique fatiguée, une Amérique malade de l’intérieur et qui lutte à l’extérieur.
Nous sommes en 1969, Neil Armstrong marche sur la Lune, Forrest, lui, joue au ping-pong. Jenny est repartie ailleurs, continuer sa vie à elle.
1969, « un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité. »
Neil Armstrong est sur la Lune, Forrest joue au ping-pong. Représentant de l’armée, Forrest est envoyé en Chine pour participer à un tournoi de ping-pong. Il est le premier américain à aller en Chine communiste ! C’est un événement pour les USA, pour lui, c’est simplement un match de ping-pong de plus ! Si cela ne représente rien pour lui, il faut tout de même se rendre compte de l’importance d’un tel événement. Le sport rapproche deux états que tout oppose, surtout idéologiquement. Lui Forrest, l’idiot, lui qui n’a pas conscience de ce qui se passe autour de lui, fait ce qu’on lui dit, encore et encore, et il le fait bien !
Il devient une vraie star et passe à la télé. Invité à une émission, il rencontre John Lennon à qui il inspire la chanson « Imagine » ! Forrest Gump est encore passé par là, tel un ange gardien qui lorsqu’il apparaît crée quelque chose de formidable ! Là, il inspire la chanson la plus significative du vingtième siècle !
Forrest Gump est un ange, ou en tout cas il y ressemble ! Il ne fait rien pour son profit, mais toujours pour les autres, il est tout ce qu’il y a de plus généreux, c’est en quelque sorte l’homme parfait, il n’a pas de tabou, il est naturel, pas corrompu, il n’est pas aigri par la vie, il est un regard neutre sur ce monde.
Il retrouve Dan à New York. Dan est aigri par la vie, il déteste ce qu’il est devenu, il est dans un fauteuil roulant, il lui manque ses deux jambes, coupées au niveau des genoux, il boit, il râle, il s’enferme dans la solitude, il n’a aucun but, il est rejeté, il devait mourir au Vietnam, c’était sa destinée. Sauf qu’il a rencontré Forrest Gump, l’ange envoyé par Dieu, celui qui rend la vie des autres plus agréable, celui qui fait réussir, celui qui inspire, celui qui rend heureux.
Ils fêtent le réveillon du jour de l’an ensemble. Forrest et Dan se retrouvent alors dans l’appartement de ce dernier avec deux putes. Forrest en repousse une, elle le traite d’attardé, Dan prend sa défense et dégage les putes. Dan ne supporte pas qu’on insulte Forrest d’idiot, comme on l’insulterait à lui en le traitant d’infirme.
Forrest est présenté à Nixon à cause de ses prouesses avec son équipe de ping-pong. Il va encore à la Maison Blanche, mais se plaint de son hôtel. Nixon lui dit qu’il lui donnera un meilleur hôtel. Alors, la nuit d’après, Forrest ne peut pas dormir, parce qu’en face de sa chambre, des gens fouillent des bureaux avec des lampes torches. Lui, il pense qu’ils n’ont plus de lumière, appelle l’accueil de son hôtel pour que quelqu’un aille voir, c’est Forrest Gump qui encore un fois vient de créer un événement ! L’affaire du Water Gate, l’hôtel où il était ! Nixon doit partir !
Forrest doit quitter l’armée, il a finit son service et est désormais libre. Il rentre chez lui, de nombreux sponsors veulent se servir de son image pour des marques de ping-pong. Forrest fait une pub qui lui vaut 25 000 dollars. Il part alors pêcher la crevette comme il l’avait promis à Babou lorsqu’il mourut. Sa vie prend un nouveau tournant.
Un nouveau tournant, car le rêve américain s’impose enfin, Forrest Gump devient millionnaire !
Forrest achète donc un crevettier. Au départ, c’est un échec, il ne trouve aucune crevette, mais continue quand même. Il appelle son bateau Jenny.
Dan vient alors le rejoindre. Curieux de ce que Forrest fait, Dan monte sur le bateau et l’aide à l’ouvrage. La pêche n’est toujours pas convaincante.
Puis voilà les deux compagnons pris dans une tempête. Appelée l’ouragan Carmen, ils seront les seuls à garder leur bateau intact et à pouvoir pêcher des crevettes !
Dan est perché en haut du mat. En plein milieu de la tempête, il s’adresse à Dieu, à cause de son état, et le défie de le tuer. Dan règle ses comptes avec Dieu, le voilà guéri. Les deux compagnons deviennent millionnaires, ils sont les maîtres du marché de la crevette.
Dan est enfin réconcilié avec Dieu et avec lui-même. Il remercie Forrest de l’avoir sauvé, et par là-même de lui avoir donné une seconde chance, une nouvelle vie.
Forrest doit rentrer chez lui, sa maman est malade. Elle la voit mourir. C’est la vie.
Même si Forrest a vécu une odyssée incroyable, jalonnée de réussites, il n’a jamais été épargné par la vie. La guerre et la perte de son ami Bouba, et voilà que maintenant, il perd sa mère, Forrest décide de ne pas retourner pêcher la crevette, et reste en Alabama.
Dan investit pour lui dans une nouvelle boite. Forrest croit que c’est une coopérative fruitière, il s’agit en fait d’Apple, Forrest est encore plus riche ! Tellement riche qu’il donne de l’argent à tous ceux qui en ont besoin. Il tond même la pelouse du stade de sa ville gratuitement !
Puis Jenny réapparaît. Celle qui est allée partout en Amérique pour se trouver, celle qui s’est droguée, celle qui a voulu se suicider, retrouve celui qui a tout réussit et qui l’a toujours aimé. Elle qui a accepté Forrest, malgré son handicap, ce que personne n’avait fait auparavant, rejoint celui qui ne la juge pas, et qui l’aime pour ce qu’elle est.
Alors ils reprennent les balades et les longues discutions, comme lorsqu’ils étaient enfants. Un jour, ils se retrouvent devant la maison où a grandit Jenny, là où son père la maltraitait, la violait. Elle ramasse des cailloux et les lancent contre la maison. Elle s’écroule, pleure. Forrest dit : « Y’a des fois, comme ça, y’a pas assez de cailloux. » Mais elle ne pleure pas à cause des cailloux, il ne peut pas le comprendre. Elle pleure parce qu’elle a tout raté, et qu’elle doit ça à son déséquilibre, à ce père ignoble, et qu’elle n’a pas eu les mêmes chances que tout le monde. Elle est anéantie, elle se sent détruite. Et encore une fois, involontairement, c’est Forrest qui va lui apporter du bonheur.
La vie est belle en Alabama, Forrest est heureux d’avoir Jenny avec lui, et elle, elle est enfin en paix avec elle-même.
Elle lui offre alors des chaussures, des Nike.
Un soir, alors qu’ils vont se coucher, Forrest la demande en mariage. « Je suis peut-être pas très intelligent, mais je sais ce qu’est l’amour. »
Evidemment, elle dit non. Non pas parce qu’elle n’aime pas Forrest, bien au contraire, mais c’est elle qu’elle n’aime pas. Comment peut-on partager de l’amour lorsqu’on n’en a pas pour soi-même ?
Plus tard, dans la nuit, elle le rejoint dans sa chambre, ils font l’amour. C’est sa première fois à lui.
Le lendemain, elle part comme elle était arrivée, sans rien dire. Il réfléchit, sans doute attend-il qu’elle revienne, et le voilà partir, courir, sans but, simplement parce qu’il veut courir. Ce qui aurait dû être un jogging de quartier s’étend au comté, puis à l’état, puis traverse l’Amérique, jusqu’à la mer, puis fait demi-tour jusqu’à l’autre océan. Il court, sans but avec ses Nike.
C’est l’époque du Président Carter, Forrest continue de traverser l’Histoire, son odyssée est en train de prendre un sens. Si ce n’est pas pour lui, c’est pour les autres. Car son odyssée est tout un symbole. Les autres, ce sont ces gens qui vont vouloir comprendre pourquoi il court, qu’est ce que cela symbolise ? Pour Forrest, c’est juste qu’il veut courir, qu’il n’a rien d’autre à faire. Alors on le rejoint. Des gens de plus en plus nombreux courent à ses côtés. Ils y voient un message d’espoir. Mais que peut-on réellement voir à travers cette course sans but ? On y voit un homme qui a perdu ce qu’il avait de plus cher, Jenny, mais aussi plus tôt sa mère. On y voit un homme sans identité, lui qui ne vivait que par ceux qu’il aimait, le voilà seul, et ce ne sont que des idiots qui le suivent, comme s’il était le messie, cette Amérique sans identité qui se retrouve à ses côtés.
C’est une course remplie d’espoir en effet, un homme qui se cherche, qui a tout le loisir de réfléchir. Il apprendra qu’il faut laisser le passé derrière soi si on veut avancer.
Après trois années, deux mois et quatorze jours de course, il s’arrête, et rentre chez lui.
Maintenant, Reagan est président. Forrest reçoit une lettre de Jenny qui veut qu’il vienne la voir.
Et nous voilà retrouvant Forrest sur son banc, à raconter sa vie aux gens assis à côté de lui. Il attend le bus pour aller voir Jenny.
Il arrive enfin chez elle, elle est toujours aussi belle. Il y a un petit garçon qui s’appelle Forrest, comme son père. Forrest découvre qu’il a un fils. Mais Jenny est malade, très malade. Elle n’a plus très longtemps à vivre. Elle lui demande de l’épouser, et ils rentrent en Alabama, là où tout a commencé. Dan se rend à la cérémonie, accompagné de sa fiancée. Il a des jambes orthopédiques, il peut se tenir debout de nouveau. Les retrouvailles sont d’ailleurs très émouvantes. On voit que Dan est redevable de ce que lui a apporté Forrest, c’est à dire la vie, et un bonheur indéniable.
Jenny est enfin heureuse, comme jamais elle ne l’avait été. Elle aurait voulu vivre la vie de Forrest, être avec lui tout au long de son odyssée. Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’elle était avec lui, dans ses pensées, tout le temps, lui dit-il.
Un samedi matin, elle meurt.
Forrest fait détruire la maison où a grandi Jenny, c’est qu’il n’était pas si bête que ça, et qu’il avait compris ce qu’elle signifiait : le malheur d’une petite fille qui ne trouva son bonheur qu’aux côtés de ce simple d’esprit qui avait tout compris de la vie sans le savoir.
Et pour la première fois du film, après avoir enduré la guerre, après avoir perdu sa mère, après avoir vu Jenny et Dan se détruire, Forrest, sur la tombe de Jenny s’effondre. Elle lui manque, il l’aime, elle est tout pour lui, elle est cet ange déchu qui donna un sens à l’existence d’un homme attardé qui a eu une vie formidable, traversant les époques, acteur et spectateur d’un spectacle tragique, celui de l’évolution d’une Amérique perdue, sans racine, tout comme Jenny. Le rêve américain n’est qu’utopie, au final, on voit toujours se qu’il se cache derrière le rideau. Et on y voit la souffrance, et l’espoir.
Le petit Forrest prend le bus de l’école, c’est un enfant normal. Il fait tomber un livre, dedans, la plume qui avait volé au début du film vers Forrest. La boucle est bouclée. Forrest regarde son fils aller à l’école, et qui va vivre sa propre vie. La formidable odyssée de Forrest Gump est terminée. La plume s’envole vers un autre destin.
Le film raconte donc l’odyssée spectaculaire et riche en évènements d’un simple d’esprit. Forrest Gump est donc joué par Tom Hanks. Tom Hanks y trouve sans doute son meilleur rôle. Interprétant habilement son personnage de Forrest, il sait nous faire rire et nous émouvoir. Sa prestation y est pour beaucoup dans la réussite du film. Le décalage entre la réalité et l’esprit de Forrest est magnifiquement interprété par Tom Hanks qui prouve qu’il est l’un, sinon le meilleur acteur en activité.
Jenny est jouée par la sublimement belle Robin Wright Penn. L’actrice y trouve ici un de ses rôles les plus marquants. Entrant dans la peau d’un personnage complexe, qui passa la plus grande partie de sa vie à fuir son existence, elle sait nous émouvoir, nous énerver, nous rendre perplexe.
Gary Sinise joue là aussi un de ses rôles les plus marquant en campant le personnage de Dan. Blessé à la guerre, amputé des deux jambes, il saura habilement créer le malaise post-Vietnam.
Zemeckis signe ici une œuvre classique, un film anthologique. S’appuyant sur un casting exceptionnel, il raconte l’Histoire de son pays, cette Histoire dans laquelle il a grandi, et lui rend hommage en la saignant. Ce qui est sûr, c’est que l’Amérique ne sort pas grandi de ce portrait.