CinémaHorreur

Apocalypse dans l’océan rouge – Lamberto Bava

apocalypseoceanrouge

Shark : Rosso nell’oceano. 1984

Origine : Italie 
Genre : Horreur 
Réalisation : Lamberto Bava 
Avec : Michael Sopkiw, Valentine Monnier, Gianni Garko, William Berger…

Bien que la série des Dents de la mer soit déjà en déclin en 1984, usée par des années de repompes et par l’incapacité de se renouveler, les monstres aquatiques ne sont pas remisés au placard pour autant. L’Italie n’abandonne pas un tel sujet, qui constitue l’alibi rêvé pour exposer des actrices en petites tenues et des arrachages de membres bien sanglants. Et puis les tournages se font sur des côtes ensoleillées, ce qui est assez plaisant. Lamberto Bava embarque donc avec lui le duo d’acteurs qui venait de sévir dans le 2019 après la chute de New York de Sergio Martino et s’en va pondre Apocalypse dans l’océan rouge. Ayant commencé sa carrière de réalisateur auprès de son glorieux paternel Mario, le fiston Bava tournait là son troisième film en solo. Ne pouvant plus être soutenu par son père, décédé en 1980, le débutant ne fut pourtant pas laissé livré à lui-même par le gotha du cinéma italien : le générique sur fond de poissons exotiques nous informe ainsi que derrière des pseudos américanisés “l’argentesque” Luigi Cozzi, le grand réalisateur Sergio Martino (une tripotée de bons gialli) et l’immense scénariste Dardano Sachetti (les meilleurs films de Fulci) participèrent à l’écriture du scénario. Rayons acteurs, Gianni Garko (alias Sartana), le très expérimenté William Berger et la plantureuse Dagmar Lassander furent de la partie. Niveau musique, les frères De Angelis au CV long comme le bras furent recrutés, et enfin, mais là c’est tout de suite moins prestigieux, Bruno Mattei fut désigné assistant réalisateur.

Et dire qu’il fallut réunir autant de monde pour que Lamberto Bava puisse pondre une chose aussi insignifiante ! L’histoire est la même qu’à l’accoutumé : une bestiole vorace attaque quelques plaisanciers, une sombre histoire de magouilles se cache derrière la bête et de gentilles personnes vont tenter de mettre fin à cette “apocalypse”. Ce schéma se trouvait déjà dans Les Dents de la mer de Spielberg et n’a jamais bougé depuis. Cependant, quelques inventions viennent toujours justifier l’emploi de scénaristes, comme c’est aussi le cas ici. Le monstre est issu du crétacé, ce qui permet au réalisateur d’inventer une grosse bestiole tentaculaire aux dents gigantesques, qui, nous dit-on, atteint une taille démesurée d’une vingtaine de mètres. Il faudra bien le croire, puisque nous n’avons jamais l’occasion de jeter un coup d’œil sur l’intégralité de la bête (très vaguement apparentée au dunkleosteus). Celle-ci reste toujours grossièrement dissimulée par Bava, qui use des gros plans sur un de ses yeux, sur ses dents, sur ses écailles, qui la dissimule par l’opacité de l’eau et qui -et c’est peut être la ruse la plus foireuse- lui attribue un cri distinctif que nos scientifiques s’empressent d’enregistrer sur bande. Mais même en se montrant si avare, Lamberto Bava réussit à décrédibiliser la thèse du “super-gros-monstre” en ayant recours à des tentacules on ne peut plus normales et en oubliant qu’un tel monstre ne peut que difficilement se rapprocher à moins de cinquante centimètres des plongeurs sans se faire remarquer. Ce qui est bien le cas ici, si l’on en juge aux visions subjectives depuis l’intérieur de la gueule du poisson préhistorique.

Autre innovation, autre raté : l’impressionnant nombre de personnages. Un électricien spécialisé en caméras sous-marines (Michael Sopkiw, le héros), une employé de zoo aquatique (Valentine Monnier, l’héroïne), un shérif (Gianni Garko), un généticien (William Berger), une océanographe, un tueur à gage, un navigateur, sans compter les employés de chacun de ces personnages. Cela fait beaucoup de monde à gérer. Beaucoup trop, même : Lamberto Bava ne sait plus comment construire son film sans oublier quelqu’un en route et le découpage part dans tous les sens. Pour ne rien arranger, le réalisateur et ses scénaristes s’imaginent que l’histoire de complot industriel intéresse quelqu’un, et tentent donc de construire un suspense à base de tueur décimant un peu n’importe qui. Grande surprise : les meurtres sont liés au monstre marin ! Trouvez l’employeur de ce tueur (cela met environ vingt minutes depuis le début du film) et vous découvrirez la nature du complot.

J’ouïe déjà les inévitables questions : “Mais au moins, y’a du sexe ? Y’a du gore ?”. Et bien dans les deux cas oui, mais rien de bien folichon. L’érotisme est essentiellement concentré au début du film, et à un meurtre giallesque près (une fille à moitié nue traquée dans un escalier et électrocutée dans une baignoire), Bava se limite aux scènes d’amour (dont une sur une plage au crépuscule) et, oh surprise, aux t-shirts mouillés. Quant au gore, quelques jambes ou quelques bras arrachés par-ci par-là rempliront le quota.

La Mort au large d’Enzo G. Castellari n’a donc pas de soucis à se faire : il demeure la meilleure repompe des Dents de la mer venue d’Italie. L’essai de Lamberto Bava n’est pas plus mauvais qu’un autre, mais entre sa technique lamentable (signalons un passage du jour à la nuit dans une seule et même scène), sa profusion de personnages inutiles et son monstre timide, difficile d’être convaincu. Ce sous-Dents de la mer n’est pas plus mauvais qu’un autre : il est tout aussi mauvais.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.