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Éditions Terre de Brume

Terre de Brume

Maison d’édition fondée en 1989, basée à Dinan (Côtes-d’Armor)

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Le site Tortillapolis est très porté sur le fantastique à l’ancienne. Si vous lisez ces lignes, il y a donc de fortes chances pour que vos goûts vous portent vers les mêmes contrées. Et donc quiconque s’intéresse à l’histoire du fantastique, de l’étrange et du folklore macabre ne devrait ignorer l’existence d’une maison d’édition fameuse : Terre de brume.

Fondée en 1989 et basée en Bretagne depuis 1991, cette maison d’édition s’est fait une spécialité de publier des écrivains fondateurs du genre. Certains n’ont plus besoin d’être présentés, comme Bram Stoker, H.G. Wells, Walter Scott ou H.P. Lovecraft -encore que le but soit ici de promouvoir leurs écrits les moins connus plutôt que les classiques attendus (dans le cas de Lovecraft il s’agit même d’un essai) -. Mais pour la plupart, il s’agit d’auteurs oubliés non seulement des grosses maisons d’édition mais également (ce qui n’a pas aidé à leur renommée) du cinéma… et donc du grand public. Ce sont ceux-là qui fournissent la majorité de la collection “Terres fantastiques”, véritable mine de pépites littéraires à découvrir. Pour ne citer que quelques noms, évoquons le spécialiste de l’épouvante en mer William Hope Hodgson, le sombre et onirique Arthur Machen (tous deux des influences revendiquées de Lovecraft), les maîtres belges Jean Ray (souvent sous son pseudonyme John Flanders) et Thomas Owen, le pionnier de la fantasy Lord Dunsany, le rival de Jules Verne Gustave Le Rouge ou encore le pape du grand guignol André de Lorde… Ceci n’est qu’un petit échantillon d’auteurs rarement décevants ou qui s’ils le sont incarnent malgré tout un pan historique représentatif d’époques, de lieux ou de thèmes donnés. Et parce que Terre de Brume dispose d’une véritable ligne éditoriale et d’une volonté de ne pas la limiter à une série de publications rares ou inédites, plusieurs grands exégètes du fantastique sont mis à contribution et parfois associés pour compiler et annoter des anthologies inédites sur un sujet donné (quitte à mélanger allégrement des grands noms et des sombres inconnus) ou encore pour rédiger des essais décortiquant différentes facettes de l’histoire du fantastique. Jacques Finné, Claude Fierobe, Michel Meurger ou encore Jean Marigny sont ainsi mis à contribution pour dresser des anthologies sur le fantastique irlandais, sur les femmes auteurs victoriennes, sur les femmes vampires ou pour livrer des essais historiques ou analytiques sur les goules (les grandes oubliées du bestiaire fantastique), sur  les littératures vampiriques en général, sur Jules Verne,  sur les occurrences littéraires de Gilles de Rais ou encore (cette fois principalement par Alain Pozzuoli, par ailleurs biographe de Bram Stoker) sur le cinéma fantastique, avec à ce jour un ouvrage sur les films de vampires et un autre sur les “ofni” (objets filmiques non identifiés) du cinéma fantastique et de SF. Bref, cette collection “Terres fantastiques” pourrait difficilement être plus pertinente pour tous les curieux désireux de se plonger dans l’histoire de leur genre de prédilection. Il va sans dire qu’avec une telle orientation on ne saurait faire la fine bouche sur les écrivains contemporains publiés dans cette même collection : Gérard Dôle (très porté sur la remise au goût du jour de personnages “rétro” : le Sherlock Holmes de Conan Doyle, mais aussi les plus confidentiels Harry Dickson de Jean Ray, Dr. Hesselius de Sheridan Le Fanu, Dupin de Poe ou Carnacki de William Hope Hodgson), Jack Chaboud ou Céline Guillaume.

On ne pourrait toutefois résumer Terre de Brume à celle seule collection. Son implantation en Bretagne -après avoir été fondé à Paris- en témoigne : l’orientation territoriale y joue aussi un grand rôle, et plus que tout autre l’arrière-plan celtique guide son catalogue de publication (ce qui n’empêche pas que l’on puisse aussi y retrouver quelques ouvrages venus d’ailleurs : la Provence, le Chili, l’Islande…). Si le Royaume-Uni a joué un très grand rôle dans l’épanouissement de la littérature fantastique, ses composantes écossaise, galloise ou irlandaise n’y sont pas pour rien et sont largement représentés. Le “celtisme” de la Bretagne française reste toutefois le plus abordé. Autrement dit, les traditions celtiques héritées du romantisme sont le cœur de Terre de Brume, et ce n’est donc pas illogique d’y retrouver des contes traditionnels bretons (dont la figure de proue est Anatole Le Braz, largement représenté) ou encore des essais portant sur le patrimoine breton dans toute sa diversité. Les collections “Terre d’ailleurs” et “Contes, légendes & traditions populaires” (elle-même divisées en sous-collections) sont là pour y pourvoir, étant toutes deux subdivisées en sous-collections explorant le Bretagne mais aussi les contrées associées à la culture celte (et parfois dans des arts comme le théâtre). Pour n’en citer que quelques unes : Bibliothèque celte, Bibliothèque Arthurienne, Bibliothèque galloise, Bibliothèque galicienne ou encore des sous-collections dédiées aux folkloristes François Cadic et François-Marie Luzel…

“Terres fantastiques”, “Contes, légendes et traditions populaires”, “Terre d’ailleurs”… Ce ne sont là que trois de la quinzaine de collections de Terre de Brume… L’éditeur propose aussi “Terres mystérieuses”, axée sur l’aventure plus ou moins empreinte de fantastique (on y retrouve par exemple Henry Rider Haggard et son Allan Quatermain, Fredric Brown et sa Nuit du Jabberwock ou encore Gaston “Rouletabille” Leroux), “Poussière d’étoile” (l’équivalent SF de “Terres fantastiques”), “Terra incognita” (un mix entre ces deux derniers, avec les Mondes perdus de Conan Doyle ou quelques autres classiques plus connus pour leurs adaptations que pour les œuvres dont ils sont adaptés : Les Survivants de l’infini, Metropolis ou encore Le Choc des mondes et Planète interdite) ou encore la “Bibliothèque du merveilleux” qui cette fois s’oriente davantage vers les contes et légendes purs et durs à l’arrière-plan fantastique. Et il y aurait encore d’autres collections méritantes dont nous pourrions parler, la plupart pourvues de récits anciens (ou d’études sur des auteurs anciens) complétés par des auteurs contemporains que le gage “Terre de Brume” porte à cautionner. La frontière entre ces différentes collections semble parfois assez floue, mais comment pourrait-il en être autrement lorsque les contes, le folklore et la fiction littéraire puis cinématographique, s’appuient à ce point les uns sur les autres ? Notons d’ailleurs aussi quelques essais ufologiques éloquents, comme le Science-fiction et soucoupes volantes de Bertrand Méheust faisant le lien entre la fiction et le fortéanisme (l’étude des “anomalies”). Plus que de remettre au goût du jour le patrimoine du fantastique jusque dans ses aspects les plus légendaires et folkloriques (et en cela la démarche d’une manifestation comme La Nuit des Légendes -elle-aussi basée en Bretagne- s’en rapproche), en publiant également des récits pour enfants lorsqu’ils s’intègrent dans la politique éditoriale, Terre de Brume établit des passerelles entre ces formes de littératures ou d’expression. Ainsi, son catalogue peut être considéré comme un tout cohérent et se recoupant pour mieux établir le corpus historique  d’un genre né aussi bien du folklore légendaire que des croyances populaires ou des domaines relevant des sciences humaines (elles aussi représentées chez l’éditeur : histoire, géographie, récits d’expéditions maritimes…), sans parler des modes artistiques fondatrices découlant du romantisme (romantisme noir, roman gothique, fantastique victorien et autres sources sur lesquelles se construira notamment le cinéma gothique). Tous ces sujets qui ont évolué jusqu’à donner les grands classiques du fantastique que nous connaissons désormais.

Terminons en précisant que cette œuvre patrimoniale s’accompagne d’une charte graphique réfléchie : chacune des collections est physiquement pensée pour à la fois donner l’impression du neuf (voire du luxe -encore qu’il y ait aussi une collection “Beaux livres”-) tout en ressemblant à des éditions à l’ancienne et en proposant des illustrations et des codes couleurs reflétant l’atmosphère des livres figurant dans chaque collection. Le design des ouvrages est ainsi composé par un designer professionnel, le studio Paola Fava Design, et tranche assez radicalement avec le tout-venant de l’édition, non seulement par son côté classieux mais aussi par le format des livres, tout en longueur… Un bel enrobage pour parachever ce que l’auteur de ces lignes considère comme le successeur spirituel des collections Marabout des années 60 et 70.

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