Amityville, la maison du diable – Stuart Rosenberg
The Amityville Horror. 1979Origine : Etats-Unis
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George Lutz (James Brolin), sa femme Kathy (Margot Kidder) et les enfants de celle-ci emménagent dans la maison d’Amityville qui un an plus tôt avait été le théâtre du meurtre de la famille DeFeo par l’un des fils de la famille. Des évènements singuliers ne tarderont pas à se produire, amenant les Lutz à la conclusion que leur maison est hantée…
Amityville est l’adaptation d’un livre de Jay Anson qui connut un énorme succès commercial et qui porta en pleine lumière l’histoire soit-disant véritable vécue par la famille Lutz, qui aida Anson à rédiger son roman. Si l’on peut plus que sérieusement douter de la véracité du témoignage de la famille Lutz, il est en revanche reconnu qu’une série de meurtres perpétrés par Ronald DeFeo Jr. eut effectivement lieu dans cette maison. DeFeo fut jugé et en guise de défense, il prétexta que des voix lui avaient ordonné de commettre les meurtres. Depuis, sa version des faits changea souvent… Mais il n’en fallait pas plus pour que l’histoire de maison hantée soit mise au goût du jour, certains avançant que les raisons pour lesquelles les Lutz quittèrent en quatrième vitesse leur nouveau foyer se limitaient en réalité au fait que ne pouvant plus assurer leurs versements, ils se replièrent sur cette histoire sensationnaliste leur assurant des rentes non négligeables. Le livre de Anson aussi bien que son adaptation aidèrent ainsi à créer le mythe de Amityville, certainement “la maison hantée” la plus célèbre de l’histoire. C’est probablement en raison de cette aura de mystère entourant les évènements d’Amityville que le film de Stuart Rosenberg (un réalisateur décédé en mars 2007 et ayant principalement œuvré à la télévision) doit sa renommée. Car le titre Amityville a beau être complété en version française par l’épithète “la maison du diable“, le film est loin d’égaler celui de Robert Wise, à ce jour inégalé dans le domaine des maisons hantées et auquel on ne peut que songer au moment de la vision d’Amityville. C’est que Stuart Rosenberg, dans la lignée du livre de Jay Anson (lequel écrivit un scénario rejeté pour le film), cherche avant tout à faire un film d’épouvante brute, dans lequel la maison est au cœur du film. Par contraste, on pourra trouver certains films de maisons hantées dont les intentions sont tout autres : le grand spectacle, rédhibitoire à tout sentiment de frayeur (Hantise, le remake de La Maison du Diable de Wise), le film gore (l’italien La Maison du cauchemar / Ghosthouse de Lenzi), le film vaguement social (le français Saint-Ange ainsi que bon nombre de films espagnols récents), la parodie macabre (La Nuit de tous les mystères de William Castle), le n’importe quoi (les séquelles d’Amityville à partir du quatrième opus, avec leurs objets hantés), ou encore, plus fréquemment, les films mêlant tous ces aspects avec plus ou moins de bonheur (La Maison de l’horreur, quelques House, les Poltergeist…).
Les véritables films d’épouvante prenant une maison hantée pour sujet premier ne sont donc pas si nombreux. Amityville a au moins ce mérite. A son crédit, on peut affirmer que Stuart Rosenberg réussit pleinement à donner une âme à sa maison en lui donnant un style propre, une vraie aura que l’on doit d’abord à son aspect extérieur, avec ces célèbres fenêtres en quart de lune donnant l’impression que comme la colline, la maison a des yeux (à noter que la vraie maison d’Amityville, là où aurait dû se tourner le film avant que les autorités locales ne viennent mettre fin à ce projet, est effectivement dotée de telles fenêtres). La lumière orangée à travers ces fenêtres rend d’emblée la maison menaçante. L’intérieur est également soigné, Rosenberg et son chef opérateur ayant certainement porté une attention toute particulière aux zones d’ombres (tout comme l’avait fait Robert Wise en son temps, quinze ans auparavant) sans tomber dans l’exagération tel le Darkness de Jaume Balaguero. La maison, principalement de nuit, est ainsi pleine de recoins sombres et manque dans l’ensemble de lumières vives, lui donnant une atmosphère morbide très bien sentie. Le calme du film, l’évidente intention du réalisateur ne voulant pas sombrer dans le film spectaculaire est à signaler au rayon des qualités. Le compositeur Lalo Schifrin contribue également à l’effort en signant une très belle partition, elle aussi devenue célèbre.
Alors pourquoi est-ce que la réputation d’Amityville est usurpée ? Tout simplement en raison de son scénario. A force de vouloir trop s’appliquer dans sa mise en scène et dans l’aspect visuel de son film, Rosenberg et ses scénaristes en oublient de raconter une histoire valable, se limitant à quelques bribes d’intrigues semblant être artificiellement greffées au reste du film. C’est le cas pour un personnage de prêtre (joué par Rod Steiger) qui après avoir été maltraité par les esprits en tentant de bénir la maison passera le restant du film à téléphoner dans le vide, à voir des mouches débarquer et à être pris de nausées… Incapable de contacter la famille Lutz tout comme ces derniers ne peuvent le contacter, il ne sera d’aucune utilité au récit, amènera une scène évoquant inutilement L’Exorciste (sa confrontation avec ses supérieurs du clergé) et, pire encore, la persécution dont il est victime jusque dans son église laissera à penser que le démon hantant la maison d’Amityville peut très bien sortir de la maudite baraque si ça lui chante. L’effet est le même que pour la célèbre scène de l’araignée dans la version 2001 de L’Exorciste : en faisant sortir le démon de son entre, l’aspect maléfique du lieu concerné (la chambre de Reagan chez Friedkin, la maison chez Rosenberg) sera amoindri.
Un défaut similaire se retrouve dans le traitement du personnage de George Lutz, qui au fur et à mesure semblera possédé par le même mal que Ronald DeFeo Jr et qui sera incité au meurtre de sa famille. L’évènement n’est pas sans évoquer Shining, un film tourné un an plus tard. Il n’est pas interdit de penser que Stephen King en écrivant son livre (à la même période qu’Anson écrivit le sien) fut influencé par l’affaire DeFeo. Le film de Rosenberg présente également une famille cherchant à s’unir paisiblement dans un nouveau lieu (George n’étant pas le père des enfants de Kathy, il cherche ainsi à se faire aimer d’eux). Mais à la différence de Kubrick, Rosenberg ne cherche pas à faire de son personnage le réceptacle de tout le mal hantant la maison, et ainsi ce qui arrivera à George Lutz apparaîtra comme superflu, comme étant un élément rajouté à une intrigue cherchant à tout prix à évoluer et à suivre les traces de La Maison du Diable, dont l’héroïne était corrompue par la corruption des lieux. Peine perdue : là où le personnage de Julie Harris dans le film de Robert Wise était d’entrée prédisposée à être manipulée (tout comme Jack Torrance dans Shining), George Lutz ne l’est pas, et la possession dont il est victime (qui plus est très modérée) reste sans effet, malgré les efforts de James Brolin (impeccable, comme tout le casting). La même chose pourra encore être dite d’un personnage de médium, la copine d’un collègue de George, ainsi que de la tante de Kathy, une nonne, qui comme la médium est ressortie aussi brutalement du film qu’elle en est entrée.
Quand aux manifestations paranormales en elles-mêmes, constituant l’intérêt principal, elles oscillent entre le cliché (le rocking chair qui bouge tout seul), le potable (les yeux lumineux de Jodie le cochon), le réussi (la découverte de la pièce rouge) et le hors sujet (des billets de banque disparaissent). Dans l’ensemble, elles ne sont pas plus bêtes que ce que l’on a pu voir dans d’autres films, surtout que Rosenberg n’en abuse pas. Même les clichés peuvent avoir leur petit effet. Mais le manque de scénario les condamne à n’être que des évènements convenus, peinant à faire de Amityville un véritable film de trouille. Le soin apporté a la mise en scène et le vrai climat ambiant sont en fait des trompes l’œil, les seules choses qui permettent de différencier Amityville d’un reportage de feue l’émission Mystères. Enfin bon, cela reste toujours préférable à une chose du style Hantise…