CinémaComédie

Aldo fait ses classes – Luciano Salce

aldofaitsesclasses

Riavanti… Marsch !. 1979

Origine : Italie 
Genre : Comédie 
Réalisation : Luciano Salce 
Avec : Aldo Maccione, Carlo Giuffrè, Silvia Dionisio, Olga Karlatos…

Pour cause de remise à jour des connaissances, cinq quadragénaires sont convoqués pour quarante jours dans la caserne où ils ont effectué leur service militaire 20 ans plus tôt. L’occasion d’une réunion d’anciens, bien sûr, mais aussi pour chacun de se confronter avec son passé, voire de préparer son futur.

Les comédies dans le milieu de l’armée ne manquent pas. De la Septième compagnie à MASH, le genre est porteur. L’Italie n’est pas en reste, elle qui a situé de nombreuses comédies sexy dans les casernes ou autres hôpitaux militaires. C’est que rassembler un groupe de mâles obligés de faire ceinture est un alibi parfait pour donner carte blanche aux fantasmes d’acteurs expansifs comme Alvaro Vitali. Suffit de leur mettre une Edwige Fenech ou une Gloria Guida sous les yeux, et c’est parti. Extrêmement répétitives (surtout que les acteurs sont toujours les mêmes), ces comédies sexy italiennes se ressemblent toutes. Et Aldo fait ses classes… fait exception à la règle. Disons qu’il s’agit d’une sorte de comédie, finalement fort peu sexy, qui nous présente les jeunes adultes en rut d’antan avec 20 ans de plus au compteur. Étant parti de très bas dans l’évaluation de leur Q.I., ils n’ont pas beaucoup progressé à ce niveau. En revanche, ils ont désormais des situations professionnelles plus ou moins bien établies, et même parfois des situations amoureuses déjà fixées. Mais tout peut être remis en question. C’est même très certainement le moment ou jamais. Et oui, finie l’insouciance de la jeunesse, même les plus imbéciles se retrouvent parfois dos au mur. Ce qui n’est pas sans conférer à Aldo fait ses classes une certaine… comment dire… “maturité”, à défaut d’un terme plus approprié pour quelque chose d’aussi nigaud. Car nous ne nous trouvons pas non plus dans une comédie existentialiste française sur le mal-être de quinquagénaires. Ce n’est pas la perspective de s’ouvrir de nouveaux horizons qui va changer la façon d’être de cinq rustres endurcis. D’autant plus que si chacun s’occupe la plupart du temps de ses petites affaires, ils se retrouvent quand même tous ensemble à la caserne, qui fait clairement figure de camp de vacances dans lequel le colonel et le sergent seraient les moniteurs, victimes toutes désignées des blagues de nos compères. La discipline n’est pas de mise, et à vrai dire, à part demander aux bidasses de creuser et de reboucher un trou en fonction de l’humeur du vieux colonel (dépendante de la venue ou non d’un général américain), on se demande même pourquoi l’armée les a reconvoqués. C’est surtout lors de ces scènes que la filiation avec la sexy comédie la plus crasse s’exprime. Blagues de potaches, running gags, déguisement, grimaces, et même l’inévitable scène de la savonnette dans les douches. Très bas de plafond, et en plus sans les pitreries essoufflantes d’un Alvaro Vitali désespérément absent. Même Aldo Maccione et sa gestuelle typique et son accent chantant n’atteint pas le même calibre burlesque. Par ce manque de tonus, on peut clairement deviner que ce n’est pas ce qui préoccupe le réalisateur Luciano Salce. Il doit réaliser une comédie, il le fait, mais il ne va pas au delà des singeries habituelles. Les retrouvailles de vieux amis n’en sont donc pas vraiment, ou du moins elles échouent à faire d’eux un groupe de copains unis. D’où cette impression qu’il a tout misé sur les aventures en solo de chacun, d’autant plus que c’est là qu’on retrouve les femmes, ingrédient essentiel de ce genre de comédies et dont l’absence dans la “partie commune” a lourdement pesé.

Mais les femmes d’Aldo fait ses classes n’ont pas du tout la même fonction que celle à laquelle on était en droit de s’attendre. Elle ne sont plus les tentatrices de naguère, ce qui explique une baisse notable de l’exposition des charmes des actrices. Ceux qui espéraient un feu d’artifice de ce temple de la sculpture qu’est le casting féminin (Silvia Dionisio, Olga Karlatos, Anna Maria Rizzoli, Paola Quattrini, Adriana Russo et même la clinquante quadragénaire Sandra Milo…) en seront globalement pour leurs frais. Il n’y a guère que la Rizzoli pour se trémousser dénudée, mais elle le fait derrière un filtre flou illustrant les rêves de son mari, épouvanté par la possible infidélité de son épouse la bien mal nommée Immacolata, connue autant pour sa fidélité que pour avoir toujours le feu aux fesses. Ce qui n’empêche pas le même mari de se laisser envoûter par la tenancière du mess, accentuant ainsi sa culpabilité d’avoir laissé Immacolata. Voilà donc un exemple des défis rencontrés par les ex troufions passés à l’âge mûr. Les autres ? Le contact renoué entre un riche industriel et son amour de jeunesse, devenue hôtelière mariée mais prête à quitter son mari. Les frayeurs d’un coiffeur lorsqu’il découvre que la jeune fille qu’il fréquente n’est autre que sa propre fille illégitime. Le supplice d’Aldo Maccione qui doit se montrer sérieux pour conquérir une belle infirmière avec laquelle construire enfin sa vie. Dit comme ça, ces épreuves peuvent sembler un peu “auteurisantes”. Dans le fond (mais alors tout au fond), elles le sont. Mais pour s’en rendre compte, il faut faire face à une forme gaudriolesque. L’hôtelière, avec en VF son accent outrageusement parisien, est en effet d’un comportement particulièrement dissipé, tandis que son mari est une armoire à glace peu engageante. Notre pauvre prétendant est tout écrasé entre ces deux fortes personnalités. La fille du coiffeur, bien consciente qu’il s’agit de son père, fait tout son possible pour le provoquer et le culpabiliser, quitte à s’offrir à lui dans un baisodrome (le rôle de perverse de Silvia Dionisio est digne d’un giallo et constitue la meilleure performance du film). Enfin, le Maccione romantique avec ballade en barque et fleurs à la main lutte plutôt bien contre ses ardeurs, mais il doit composer avec les blagues de ses comparses, qui ne prennent pas son histoire d’amour au sérieux. Ce qui nous amène au dernier larron, un communiste fanatique qui n’a pas de sous-partie propre, mais qui en bon communiste qu’il est prépare des complots machiavéliques (et foireux) pour piquer les copines de ses copains. Mais au final, même lui repartira de la caserne avec la perspective d’une vie stable, toujours ami avec les autres, même avec le riche patron avec lequel il n’a pas arrêté de s’envoyer des noms d’oiseaux.

Pour résumer, disons que ce qui est original dans Aldo fait ses classes, c’est qu’il repose sur un fond de bonne moralité. Il n’affiche pas le jusqu’au boutisme des comédies sexy classiques, qui à défaut d’être subversives malgré leur localisation dans les vénérables institutions italiennes savaient prendre leur distance avec toute respectabilité. Tout était bon pour un gag, et on finissait par se laisser emporter, quoique forcément conscients de l’inanité la plus complète du spectacle proposé. En divisant son intrigue à l’excès pour faire comme s’il était vraiment persuadé que l’on s’intéressait à ses personnages autant qu’à leur humour, Luciano Salce sort de ce schéma inamovible, mais pas de la meilleure des façons. Comme quoi, il suffit de pas grand chose (la perte des bonnes vieilles habitudes) pour que la comédie sexy italienne perde tout son attrait.

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