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A la poursuite d’Octobre Rouge – John McTiernan

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The Hunt for Red October. 1990

Origine : États-Unis
Genre : Thriller sous-marin
Réalisation : John McTiernan
Avec : Sean Connery, Alec Baldwin, Sam Neill, Scott Glenn, James Earl Jones.

Nouveau fleuron de la flotte soviétique, l’Octobre Rouge, un fier et puissant sous-marin à l’arsenal nucléaire conséquent, prend la mer pour une mission top secret sous le haut commandement de Marko Ramius (Sean Connery). Veuf et lassé de cette guerre sans gloire, cette mission ne revêt pour lui d’autre intérêt que celui de lui permettre de rallier les États-Unis en disposant d’une belle monnaie d’échange par l’entremise de ce sous-marin dotée d’une technologie révolutionnaire qui le rend indétectable. Pris entre deux feux – les siens veulent couler le sous-marin pour que les américains ne s’en emparent pas et les États-Unis pour protéger leurs côtes – Marko Ramius ne peut compter que sur ses qualités de fin stratège et un coup de pouce du destin en la personne de l’analyste Jack Ryan (Alec Baldwin), le seul à s’opposer aux va-t-en-guerre de son camp en soumettant une solution à l’amiable.

Loin de l’étrangeté quelque peu absconse de Nomads, John McTiernan a, en l’espace de deux films (Predator et Piège de cristal), défini un style tout en devenant une sorte de mètre étalon du cinéma d’action. Délaissant la débauche pyrotechnique de ses deux films précédents, il aborde les années 90 avec un thriller politique adapté de Tom Clancy, un spécialiste du genre, au parfum suranné pour cause de perestroïka. Il en va ainsi des soubresauts de l’Histoire, toujours prompts à couper l’herbe sous le pied des studios hollywoodiens en rendant anachroniques certains de leurs films dès leur sortie (cf Rambo 3). John McTiernan n’en a cure, A la poursuite d’Octobre Rouge lui permettant d’instiller un peu de subtilité dans le manichéisme de rigueur de ce type de production tout en creusant le sillon de ses obsessions.

L’action du film se déroule en 1984, date de parution du roman, alors que les tensions entre les deux blocs s’intensifient sous l’impulsion de la politique de Ronald Reagan. Depuis son entrée en fonction en janvier 1981, le 40e président des États-Unis vise à reprendre une initiative perdue depuis plus de 5 ans, n’hésitant pas à diaboliser à outrance son adversaire soviétique. Sous son impulsion, les dépenses militaires explosent et il se fait fort de soutenir toutes les guérillas anticommunistes (Nicaragua, Afghanistan, Mozambique). Une attitude particulièrement belliqueuse dont le cinéma américain se fait l’écho avec des films aussi subtiles que L’Aube rouge, Rambo 2, ou encore Invasion USA. Il ne faut pas chercher plus loin l’avènement des gros bras durant les années 80, symbole ostentatoire d’une Amérique à nouveau triomphante. John McTiernan a lui-même surfé sur cette vague mais avec davantage de malice, privilégiant toujours des personnages instinctifs avec un minimum de jugeote. Jack Ryan est de la même eau. Au milieu de tous ces va-t-en-guerre qui entourent le secrétaire d’état à la défense, Jack Ryan apporte un regard plus posé sur la situation. Dans ce climat délétère qui brouille les esprits, il est le seul à percevoir une issue positive à l’hardie manœuvre du Commandant Ramius. Lui, l’homme de dossiers, se voit alors contraint d’étayer ses hypothèses sur le terrain. S’offre à lui un véritable parcours du combattant dont les embûches seront moins d’ordre physique (traumatisé par un accident en hélicoptère lorsqu’il faisait ses classes chez les marines, Ryan redoute tous types de transports aériens) que d’ordre relationnel, les militaires voyant d’un mauvais œil qu’un civil interfère dans leur action. Mais son côté boy-scout et ses bonnes intuitions auront raison de leur défiance. En outre, le scénario lui ménage un acte de bravoure afin que l’homme de dossiers se mue in fine en homme d’action. Pas la meilleure des idées d’autant que le personnage ne se départit jamais de son statut de pièce rapportée. Dès le départ, on ne saisit pas très bien pourquoi l’Amiral Greer convoque Jack Ryan tant les actions de ce dernier relèvent de l’évidence la plus élémentaire, comme celle de consulter un expert en sous-marin pour l’interroger sur la photo prise de l’Octobre Rouge. Ce personnage n’a pour ainsi dire aucune légitimité, et n’est guère aidé ni par le jeu sans saveur d’Alec Baldwin, alors vedette montante qui n’aura jamais vraiment connu les sommets, ni par John McTiernan qui lui préfère ostensiblement le Commandant Ramius. Faut-il le préciser, nous retrouvons dans le rôle de cette vieille ganache charismatique un Sean Connery impérial, qui n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour imposer son autorité. Sûr de son fait, il demeure imperturbable au plus fort de la tempête diplomatique qu’il a provoquée, garant en toute circonstance de la sécurité de ses hommes. Davantage que Jack Ryan, c’est lui le véritable héros de l’histoire, celui qui par son entreprise osée fait la nique à l’Union soviétique. En pleine Guerre Froide, son action relève de l’acte de bravoure.

John McTiernan se distingue de ses homologues des années 80 par un traitement plus mesuré. Il ne s’agit plus de diaboliser l’autre camp mais d’apporter quelques nuances. A la poursuite d’Octobre Rouge baigne dans une ambiance très slave, soutenue par la musique idoine de Basil Poledouris, à grand renfort de chœurs… mais pas ceux de l’armée rouge. Comme à son habitude, John McTiernan jongle avec les idiomes osant le russe dans les premiers instants du film puis s’en débarrassant au détour d’un zoom sur les lèvres du commissaire politique Poutine (aucun lien de parenté) au moment où Ramius met réellement son plan en action, et se rapproche donc de sa terre d’adoption. Le film n’évite pas l’écueil du cliché sur les États-Unis, toujours présentés sous leur jour le plus béat. Un pays de libertés à même de faire rêver les gradés soviétiques (le Capitaine Borodin qui trépigne à l’idée de pouvoir traverser le pays au volant d’un pick-up), alors que le troufion de base demeure prisonnier de son endoctrinement. Il n’en reste pas moins que le film renvoie dos à dos les va-t-en-guerre des deux blocs, plus prompts à dégainer leurs armes qu’à réfléchir à une issue plus diplomatique. La bêtise n’a ni bannière ni couleur, ce qu’illustre fort justement cette partie de poker menteur qui se joue sous nos yeux. A l’action (quelques lancers de torpilles d’un sous-marin à un autre, un transfert en hélicoptère par gros temps) John McTiernan préfère la tension. Il orchestre de main de maître un thriller sous-marin qui parvient à nous tenir en haleine en dépit de la redondance de certaines péripéties. Pas un mince exploit qui confirme la maîtrise formelle du réalisateur, tout aussi à l’aise dans le registre feutré que dans la pétarade tout azimut.

John McTiernan a donc entamé les années 90 comme il avait conclu les années 80, avec l’aval des spectateurs. Le bon accueil réservé à A la poursuite d’Octobre Rougea encouragé la Paramount à poursuivre dans l’adaptation des romans de Tom Clancy. Et cette fois-ci, plus question de faire de Jack Ryan un personnage secondaire puisque le rôle reviendra à nul autre que Harrison Ford, sous la houlette de Phillip Noyce (Jeux de guerre puis Danger immédiat). De son côté, John McTiernan s’essayera à un registre plus léger, en retrouvant Sean Connery tout d’abord (Medicine Man) puis Arnold Schwarzenegger (Last Action Hero), amorçant sans le savoir un irrémédiable déclin.

2 réflexions sur “A la poursuite d’Octobre Rouge – John McTiernan

  • blason

    le film est a rapproché de Crimson Tide avec Denzel Washington qui est un peu similaire aux personnage de Jack Ryan, puisque tous les deux s’opposent aux va t’en guerre, qui veulent utiliser la force aux détriment de tous raisonnement sur ce que cela implique comme conséquence.

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    • Effectivement, j’ai le souvenir d’un fidèle rejeton hanté par le spectre d’une redoutée troisième guerre mondiale.

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