Monster, tome 4 : L’Amie d’Ayse – Naoki Urasawa
Monsuta
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Monster, acte 4. Toujours aussi insaisissable, Johann entraîne Kenzô Tenma à Francfort. Il y recherche le dénommé Mäsner, l’un des deux policiers à l’origine de l’assassinat du couple Fortner et du journaliste Maürer. Lorsque le brave docteur parvient à mettre la main sur le flic corrompu, celui-ci lui apprend que Anna l’a devancé et qu’elle doit servir d’appât pour attirer Johann dans les bras d’un leader d’extrême droite. Kenzô s’empresse donc de courir à sa rescousse !
La fin du tome précédent, 511 Kinderheim, laissait présager que le commissaire Runge allait enfin jouer un rôle primordial dans le récit, s’ingéniant à courser le docteur Tenma, comme ce dernier poursuit Johann. Or il n’en est rien, l’esprit fort de la BKA restant pour le moment encore sur le bas côté de l’histoire. Par contre, le prologue de ce quatrième tome nous en dit plus long sur les ambitions de Naoki Urasawa. En nous narrant la déchéance de Eva, l’ex fiancée de Kenzô, et la montée de sa haine envers lui, il démontre sa volonté de ne laisser aucun personnage sans un minimum de développement, quitte à s’éloigner pour un temps du cœur de l’intrigue. Lors de ce prologue, Eva apparaît encore comme cette personne futile et superficielle déjà esquissée dans le Monster tome 1, avant que sa carapace ne commence à se fendiller pour laisser poindre un soupçon de fragilité qui la rend moins unidimensionnelle. Une fêlure de courte durée puisque la dernière case la concernant nous la montre en furie démoniaque, bouffie de rancœur et d’amertume. Particulièrement déroutante, cette entame ne convainc guère quant à son intérêt. S’il est probable qu’elle s’insère à plus ou moins long terme dans un tout cohérent, sur le moment son côté outrancier et limite parodique (le visage aux traits défigurés de Eva sur fond de manoir en flammes évoque ces mangas déjantés du style Le Collège fou fou fou) laisse dubitatif quant à son intérêt.
Heureusement, la chasse au « monstre » reprend rapidement ses droits, toujours sur fond d’inventaire des points noirs de l’histoire allemande. Cette fois-ci, Naoki Urasawa évoque la figure de Adolf Hitler via les fondateurs et leaders d’une organisation d’extrême droite dont font partie le professeur Gedriech et le Général Wolf. Ces nostalgiques du IIIe Reich voient en Johann un équivalent au Führer, quelqu’un au charisme si grand qu’il pourrait aisément fédérer derrière lui tout le peuple allemand. Le dessein de cette organisation prend des allures de plan machiavélique pour dominer le monde digne des méchants de serial. Une démesure dans le propos qui à mon sens ne sied guère à l’efficacité du récit, qui se perd alors en circonvolutions. Et puis Naoki Urasawa n’évite pas toujours la caricature, notamment en ce qui concerne le personnage de Baby, proxénète sadique et maniéré qui jubile à l’idée de déguster un somptueux repas tout en assistant à l’incendie du quartier turc organisé par ses soins. Un personnage particulièrement antipathique que l’auteur se plaît à ridiculiser sans aucune subtilité.
Néanmoins, si ce quatrième tome s’avère moins convaincant par son fond, il demeure excellent dans sa forme. Le dernier tiers du récit –l’incendie du quartier turc et les efforts désespérés de Kenzô pour le circonscrire– est un morceau de bravoure se présentant sous la forme d’une succession de péripéties au rythme soutenu qui ne nous laisse pas souffler une minute. Naoki Urasawa démontre une fois de plus toute sa science de la narration et du découpage, parvenant en outre à insuffler une bonne dose de suspense à l’ensemble. Toutefois, comme si les moins devaient définitivement l’emporter sur les aspects positifs, ce quatrième tome se clôt par une facilité scénaristique qui tendrait à modifier notre approche quant à la nature malfaisante de Johann. Affaire à suivre…