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Jeremiah, tome 3 : Les Héritiers sauvages – Hermann

Jeremiah
Tome 3 : Les Héritiers sauvages. 1980

Origine : Belgique
Genre : Science-fiction, aventure, action
Dessins : Hermann
Scénario : Hermann
Editeur : Dupuis

Troisième tome des aventures de Jeremiah et Kurdy, Les Héritiers sauvages est important à plus d’un titre. D’une part parce qu’il introduit un schéma narratif classique qui resservira beaucoup pour la série, et d’autre part parce que, encore plus que lors des tomes précédents, Hermann se sert de son histoire pour dresser un portrait vraiment noir et désabusé de l’être humain. Mais ce ne sont là pas les seules qualités de cet épisode…

L’histoire débute avec nos deux héros, désormais bien connus des lecteurs, Jeremiah et Kurdy. Jeremiah cherche un travail dans ce monde en reconstruction, mais partout on lui ferme la porte au nez. Kurdy ne partage pas l’inquiétude de son pote, et semble ne pas se soucier de trouver une source de revenu, il se contente de peu et compte avant tout sur sa roublardise pour remplir son estomac. Ils finissent quand même par tomber sur une communauté de fermiers dominée par la Bancroft Farming Company, une entreprise agricole qui emploie les fermiers comme manœuvres et fait de son mieux pour pousser ceux qui lui résistent à la ruine afin de racheter leurs terres. Mais alors que Kurdy sent le danger de s’opposer à la Bancroft, Jeremiah veut au contraire essayer de faire évoluer les choses…

La situation initiale est empruntée au western et servira de base à bon nombre d’albums de Jeremiah : deux nomades en quête de travail tombent sur une communauté qui vit en autarcie selon ses propres règles, qui cachent souvent une situation injuste ou un dysfonctionnement. L’arrivée des deux étrangers dans la communauté sert d’élément perturbateur, et ils se retrouvent mêlés malgré eux à un combat qui les dépasse souvent… On retrouvait déjà un peu ce schéma dans le scénario du premier tome, où Kurdy provoquait une révolte contre un despote local afin de sauver son ami Jeremiah. Ici, cela structure véritablement toute l’histoire et permet à Hermann d’approfondir un peu plus le caractère de ses héros, mais aussi de poser les bases d’éléments plus généraux qu’on retrouvera tout au long de la série. En ce qui concerne les personnages, Jeremiah prend une importance croissante. C’est le premier album de la série où c’est lui le principal acteur, dont les actes font avancer le scénario. Il n’est plus contraint de suivre Kurdy dans ses débordements. Et malgré la désapprobation manifeste de son acolyte, il tente de faire changer les choses. Même s’il gagne en maturité, Jeremiah nous apparaît encore comme fondamentalement naïf. C’est un idéaliste au grand cœur, qui ne supporte pas d’être témoin d’injustices sans réagir. Au contraire, Kurdy a beaucoup plus les pieds sur terre et ne veut pas se mêler des affaires des autres. Individualiste et cynique, il finira quand même par se retrouver impliqué dans la révolte contre la Bancroft par souci pour son ami. Cela donnera d’ailleurs l’occasion pour Hermann de se permettre une scène très drôle où Esra, fidèle mule de Kurdy, apparaît presque comme une manifestation de sa bonne conscience et le pousse à aller secourir son pote. Face aux deux héros, on retrouve encore une bande de méchants hauts en couleurs comme seul Hermann sait les faire. En effet, la Bancroft est dirigée par un inquiétant trio qui a bien du mal à fonctionner. Alvis Trenton se sert de son charisme et de son argent pour manipuler ses partenaires et ses employés pour son propre profit. Mais il est totalement désarmé face aux charmes de Jessica qui semble être la vraie dirigeante de la Bancroft. Quant à Audie, le frère de Jessica, il passe ses journées à boire avec ses amis voyous et de temps en temps se paie une virée à moto histoire d’écraser quelques fermiers pour tromper son ennui. Véritable psychopathe, Audie n’est pas sans évoquer les débordements ultra violents d’Alex de Orange Mécanique. Ces personnages tous intéressants et travaillés constituent une véritable plus value pour l’histoire, transformant le scénario parfois un peu « déjà-vu » en quelque chose de véritablement passionnant à lire. D’autant plus que Hermann privilégie les récits dynamiques, riches en action et en général assez avares en explications. Ça ne l’empêche pas pour autant de développer un univers cohérent et intéressant ainsi que de poser une ambiance en utilisant judicieusement des cases sans texte, où les décors prennent une véritable importance.

Enfin, ce scénario est aussi un moyen de poser une regard très critique sur l’être humain. En effet, la société décrite dans les aventures de Jeremiah est par bien des points très proche de la nôtre. Et Hermann se sert de ses histoires pour nous présenter un monde où rien ne change, et où, même lorsqu’il a l’occasion de tout recommencer à zéro, l’homme finit toujours par tomber dans les mêmes travers par lâcheté ou par avarice. La fin de cet album, particulièrement glaçante et cynique, parachève ce portrait très pessimiste, mais hélas pertinent, de l’homme. Bref, Les Héritiers sauvages est un très bon album de bande dessinée, rythmé, intelligent et superbement illustré… que demander de plus ?

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