CinémaHorreur

Alison’s Birthday – Ian Coughlan

Alison’s Birthday. 1981.

Origine : Australie
Genre : Rosemary’s Copy
Réalisation : Ian Coughlan
Avec : Joanne Samuel, Lou Brown, Bunney Brooke, John Bluthal…

Orpheline depuis la petite enfance, Alison n’en est pas moins une ado comme les autres. C’est à dire qu’elle est du genre à s’encanailler avec deux copines lors d’une soirée ouija improvisée avec les moyens du bord. Lors de la séance, l’esprit s’étant manifesté prend possession de l’une des copines, déclare être feu le paternel d’Alison et la supplie de fuir lorsque viendra le moment de son 19ème anniversaire. En conclusion de quoi les fenêtres explosent et les meubles volent, au point que la copine possédée finit sa courte vie sous du mobilier renversé… Quelques années plus tard, Alison est à quelques jours de ses 19 ans et bien qu’elle aurait préféré rester auprès de son petit ami Peter à Sydney, elle finit par céder à l’invitation de sa tante Jennifer, qui lui promet une nouba familiale dans la demeure campagnarde où Alison fut couvée après la mort de ses parents. Plaine de gratitude pour tata et tonton, la jeune femme s’y rend en compagnie de Peter, qui de son côté logera non loin de là chez son propre paternel. Une proximité salutaire, puisque très peu de temps après son arrivée, Alison se sent quelque peu oppressée par la bienveillance de ses oncle et tante. Elle est même la proie de cauchemars dans lesquels elle assiste à une sombre cérémonie païenne où elle joue un rôle central… Se pourrait-il que la séance de ouija de naguère ait dit vrai ?

Si le cinéma de genre australien finit par faire son trou au cours des années 70 sous la houlette de gens comme Peter Weir (Pique-Nique à Hanging Rock), George Miller (Mad Max) ou plus confidentiellement Terry Bourke (Night of Fear), sa prolixité impulsée par des agences et des subventions culturelles gouvernementales n’est pourtant pas systématiquement synonyme d’audace. La période est certes très intéressante et a su faire émerger des réalisateurs et techniciens qui connaîtront un brillant avenir, mais elle a également accouché de films et de cinéastes tombés dans un total oubli. Ian Coughlan est de ceux-là. Après avoir fait ses premières armes à la télévision via des téléfilms ou des épisodes de séries TV qu’il écrivit et parfois réalisa, il se lança sur le grand écran avec Alison’s Birthday. Sa première et unique expérience. Jusqu’à son décès en 2001 à l’âge de 54 ans, il ne réalisera plus rien et se contentera d’écrire des scenarii pour la télévision et, plus rarement, pour le cinéma. Rien de bien notable, à part éventuellement cette modeste panouille qu’est Cubby House (dont il co-écrivit le scénario avec le réalisateur Murray Fahey). Bref, Ian Coughlan fut un obscur artisan n’ayant pas vraiment réussi à percer parmi les nombreuses initiatives nées lors de l’âge d’or du cinéma de genre australien désigné sous le sobriquet d’ “ozploitation”. Une période caractérisée par l’innovation, l’expérimentation et la radicalité. Autant d’éléments dont Alison’s Birthday est totalement dépourvu, Coughlan ayant préféré suivre scrupuleusement les recettes hollywoodiennes plutôt que d’essayer de singulariser un film qui s’aligne clairement sur la mode (pourtant en net recul) des films à base de sorcellerie ou de magie noire et plus spécifiquement sur Rosemary’s Baby dont il reprend grossièrement l’intrigue en la transposant dans une maison de campagne… Ce qui en soi est déjà une mauvaise idée, puisque l’une des raisons du succès artistique du film de Polanski est qu’il confine ses personnages -Rosemary en tête- dans un bâtiment qui, s’il ne relève pas du cinéma gothique n’en demeure pas moins oppressant. D’autant que les “conspirateurs” encerclent et étouffent l’héroïne au plus près. Dans Alison’s Birthday, ladite Alison (jouée par Joanne Samuel, l’épouse de Max Rockatansky jusqu’à ce que celui-ci devienne “Mad Max”) évolue dans un cadre moins stressant : une charmante maison de banlieue dans laquelle son oncle et sa tante sont les seuls à lui mettre une pression qui n’est pas à proprement parler écrasante. S’ils rechignent à la voir quitter la maison pour quelques heures (tout en finissant à l’occasion par céder), c’est, disent-ils, pour profiter de sa présence après une longue absence. Bref, leur argument est plausible et ils n’ont d’autres moyens de pression à faire valoir que leurs paroles. Si ce n’était pour la présence de Peter, le zélé petit ami d’Alison, et sans leur refus de le convier à la prochaine fête d’anniversaire d’Alison, il n’y aurait tout simplement pas eu de film. D’autant que ladite Alison n’est pas franchement du style à chercher des noises : elle se sent bien trop redevable pour s’opposer avec vigueur à la volonté de ses parents adoptifs. Tant et si bien qu’au bout d’un certain temps, après qu’Alison ait été frappée de cauchemars la laissant oppressée et apathique, elle cesse d’être le protagoniste principal et cède ce rôle à Peter. Un passage de témoin qui vient entériner le fait que le film s’était engagé dans un cul-de-sac, entre des oppresseurs anodins et une héroïne discrète. Pour faire avancer le Schmilblick, Coughlan en est donc réduit à envoyer Peter mener l’enquête avec l’assistance (à distance) d’une amie versée dans l’ésotérisme et le new age…

Ce n’est pas parce qu’un film fantastique est australien qu’il se doit obligatoirement de verser dans la sauvagerie propre à ce désertique pays-continent. Montclare : Rendez-vous de l’horreur le démontrera dès l’année suivante. Pour autant, à force de vouloir s’inscrire dans le réalisme que le fantastique des années 70 avait consacré, Alison’s Birthday en vient à plonger personnages comme spectateurs dans une torpeur qu’on pourrait rapprocher de la mollesse propre à certaines séries télévisées (il serait “intéressant” de voir les téléfilms et séries auxquels Ian Coughlan a participé…). Si des films comme Rosemary’s BabyL’Exorciste ou La Colline a des yeux sont devenus des classiques, c’est justement parce qu’ils réussissait à rendre crédible et effrayante l’arrivée du fantastique ou de l’horreur dans un univers commun. Or, si Alison’s Birthday ne retranscrit que trop bien la réalité, il échoue dans les grandes largeurs à y faire surgir ses éléments fantastiques. Ainsi, le recours au cauchemar pour faire basculer le film est un procédé d’une grande facilité. D’autant que la signification de ce cauchemar se voulant surréaliste ne laisse en fait guère de place au doute et assemble les quelques éléments restant à deviner quant à la nature du péril pesant sur Alison. L’enquête de Peter qui s’ensuit n’en apparaît que plus superflue… Les effets de manche qui interviendront alors tombent totalement à plat, d’autant qu’ils ne peuvent guère compter sur la mise en scène d’un réalisateur peu inspiré. Quelques effets musicaux stridents, une caméra qui tournoie dans les airs, un peu de lumière bleu saturée (couleur du démon)… Rien de bien impressionnant. Mais pour ce qui est de créer une véritable ambiance pesante à la Rosemary’s Baby, macache ! Coughlan tourne les talons dès qu’il en aurait l’opportunité. Il tenait pourtant une piste prometteuse avec cette histoire de mégalithes empilés dans les bois derrière le jardin, et vers lesquels Alison se sent attirée malgré les maigres avertissements de tonton quant à la présence de serpents et d’araignées. Une seule fois elle s’y rendra (en début de film), et y ressentira une présence que la caméra baladeuse du réalisateur tente de représenter. Il y avait là l’occasion d’imprégner le film durablement d’une ambiance païenne, un peu façon Wicker Man ou encore façon Arthur Machen (Le Grand Dieu Pan), voire évocatrice de H.P. Lovecraft. Hélas, sitôt Alison revenue au jardin, plus rien n’exploitera cette piste. Lorsqu’il n’est pas occupé en parlotes terre-à-terre (ce qui fait pour lui office de réalisme) Coughlan s’oriente vers une vague histoire de sorcière affidée à un démon oublié sans autre caractérisation que celle que donnera sur le tard l’experte new age débarquée soudain dans une intrigue partant en vrille. Signalons au passage que la présence inopinée d’une pseudo arrière-grand mère d’Alison (laquelle ne connaissait pas son existence) soi-disant pour assister à sa fête d’anniversaire, est une autre grosse ficelle qui contribue à rendre le film aussi crétin que prévisible. Mais le pire est sans conteste atteint dès l’introduction : alors âgée de 16 ans, Alison s’adonne avec deux copines à une séance de ouija lors de laquelle une entité prétendant être feu le paternel de la jeune fille possède une de ses amies et la met en garde contre son 19ème anniversaire, lui conseillant de fuir ceux qui la chaperonneront alors… Cette scène se terminant par une très gratuite envolée spectaculaire n’a rien de spécialement infâmant. Par contre, embrassant le fantastique à bras le corps, elle jure clairement avec le reste du film. Et surtout, elle sabote dès le départ le mystère que Coughlan prétend entretenir par la suite : à travers elle on sait d’ores et déjà de qui se méfier. Le reste du film, les atermoiements d’Alison aussi bien que les efforts de Peter pour savoir ce qui la menace, apparaît alors clairement futile. Le seul point restant à découvrir au terme de cette introduction étant encore la nature du péril, que Coughlan ne fera que survoler…. A croire que cette introduction contre-productive a été placée là dans l’unique but de jeter de la poudre aux yeux avant que le film ne tombe dans cette stérilité narrative aussi bien que stylistique.

Incapable d’établir la moindre atmosphère, incapable de gérer le moindre élément fantastique, cédant au syndrome du bavardage, pensant que quelques effets ponctuels (et souvent mal intégrés au scénario) seront suffisants pour rendre son film inquiétant, Coughlan se rate totalement. Et pourtant, vingt ans après, il essayera de remettre le couvert dans le scénario de Cubby House. Là encore, il s’agira d’un démon littéralement basé dans l’arrière-jardin (une cabane remplaçant les monolithes païens), là encore avec une certaine volonté de surfer sur l’air du temps, et là encore en brassant globalement du vent et en étant incapable d’insuffler la moindre vie à son intrigue passe-partout et à ses personnages transparents. En voulant singer les succès américains sans faire de vague et en se refusant la moindre utilisation d’ingrédients “bis” (en plus de ne pas être effrayant, Alison’s Birthday n’est ni gore ni érotique), Coughlan accouche d’un film qui n’a ni la patine australienne de l’époque ni la moindre patine du tout : un produit totalement aseptisé, quelque peu soporifique et ponctué d’idioties démontrant que le réalisateur n’était pas fait pour frayer dans le genre fantastique…

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