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Les Contes de la crypte 3-08 : La Peinture au sang – John Harrison

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Les Contes de la crypte. Saison 3, épisode 08.
Easel Kill Ya. 1991

Origine : Etats-Unis 
Réalisation : John Harrison 
Avec : Tim Roth, Roya Megnot, William Atherton, Nancy Fish…

John Harrison peut remercier George Romero, sans lequel sa carrière n’aurait peut-être pas été ce qu’elle fut. Acteur et/ou compositeur sur Zombie, Knightriders, Creepshow et Le Jour des morts-vivants, il passa à la réalisation lorsque Romero lança sa série télévisée, Histoires de l’autre monde (Tales from the Darkside, 1983-1988). Après avoir été le réalisateur le plus fidèle au poste, c’est bien légitimement à Harrison que revint le droit de réaliser le film à sketchs mettant un point final à retardement à la série. Gloire éternelle droit devant ! Darkside, les contes de la nuit noire fut désigné grand prix au festival d’Avoriaz 1991, rejoignant son prédécesseur Lectures diaboliques au rayon des immortels chefs d’œuvre couronnés en Haute-Savoie. Puisque l’homme semblait doué pour les courts-métrages, c’est fort logiquement que Harrison entama ensuite une carrière télévisée tandis que George Romero commençait une traversée du désert (deux réalisations en dix ans). C’est ainsi qu’il intégra Les Contes de la crypte, pour laquelle il allait réaliser deux épisodes.

Guère reluisante est l’existence de Jack Craig (Tim Roth). Seul dans son atelier, il peint des toiles dont tout le monde se fout. Alors il cherche consolation aux alcooliques anonymes, où à défaut de salut il trouve une amoureuse en la personne de Sharon (Roya Megnot). Mais enfin, ce n’est pas ça qui fera de lui un artiste réputé. En revanche, l’homicide involontaire du squatteur de l’escalier de secours lui donne une idée : peindre du macabre. Bonne pioche, puisqu’il réussit à vendre sa toile au riche collectionneur Malcolm Mayflower (William Atherton), qui lui promet plus d’argent pour une deuxième toile, et encore plus après…

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Il faut bien le dire : la trame de l’artiste devenant assassin pour améliorer son talent n’est pas neuve du tout. Masques de cire de Michael Curtiz en 1933, L’Homme au masque de cire de André De Toth en 1953 ou encore Un baquet de sang de Roger Corman en 1959 en sont des exemples connus sur le thème de la sculpture. Malin, John Harrison choisit un peintre. Ce qui n’aboutit qu’à un changement minime par rapport au destin des artistes des films cités. Un artiste raté, un meurtre par hasard suivi d’autres volontaires, des créations macabres louées pour leur force, puis arrive le temps des suspicions… Voilà le développement du scénario… En revanche, là où on aurait pu penser qu’il collerait beaucoup au Baquet de sang de Corman, dont la tonalité profondément humoristique et satirique colle à l’ambition des Contes de la crypte, Harrison s’oriente plutôt dans la veine de Curtiz dans le sens où il tient à ne pas faire du personnage campé par Tim Roth un doux dingue à la Walter Paisley du film de Corman. Il tient au côté dramatique. Le choix de l’acteur est d’ailleurs révélateur de cette volonté : avec son regard enfiévré et sa maigreur, Roth se glisse très bien dans ce rôle d’ancien alcoolique à qui la sobriété ne réussit pas, et qui même avant son premier meurtre avait déjà des visions violentes annonçant un prochain passage à l’acte. Inquiétant, il le reste du début à la fin, tant il sait se montrer lucide sur ses actes et leurs conséquences. Ce n’est pas un fou homicide, il a conscience de la portée de ses actes et il a même conscience d’une impulsivité violente qu’il peinait à maîtriser avant même de songer à en user pour son art, mais -poussé en cela par les éloges et les chèques du riche collectionneur- il a fait son choix, ouvrant la porte aux penchants qu’il voulait refouler et qui vont le mener au-delà de l’opportunisme professionnel, vers l’autodestruction. Sans être non plus dans le Crime et châtiment de Dostoïevski, loin s’en faut, nous sommes faces à un bon portrait psychologique d’un meurtrier réaliste vivotant dans un milieu sordide. A ce niveau, Harrison aurait en fait très bien pu jouer la carte utilisée par William Lustig dans Maniac, celle du glauque à outrance. Il n’a pas voulu (ou pas pu, car si Les Contes de la crypte ne sont pas avares de gore -l’épisode le prouve d’ailleurs-, ils n’ont pas non plus vocation à faire le scandale), ce qui s’avère plutôt dommage. L’atelier de Jack Craig, bien qu’assez sale, n’a pas cette touche glaciale que possédait l’appartement d’un Frank Zito chez Lustig. Trop léchée, voire même trop professionnelle (le contraste entre les ténèbres de l’atelier et la blancheur immaculée de la villa du collectionneur) l’image ne sert pas vraiment le propos. Il aurait en outre fallu faire des meurtres un peu plus choquants au lieu de céder à l’humour noir : les personnalités des victimes, trop décalées par rapport à un Jack Craig tourmenté, réduisent le côté glauque de l’affaire et font même passer Craig pour un crétin s’en prenant à d’autres crétins. Un peu plus de réalisme concernant la petite amie de Jack, désespérément creuse (c’est le prototype de la “gentille fille” altruiste et aimante), n’aurait également pas été de refus. En réalité, devant un final marqué tout autant par la tragédie que par l’humour noir, on a presque l’impression que Harrison a voulu sciemment saborder le potentiel de son personnage pour ne pas sortir des clous. Ne pas verser dans le burlesque ou le grand guignol, oui, mais pas au point de sortir de l’image débonnaire portée par la série. Porté par un acteur talentueux, cet épisode a suffisamment de qualités pour être apprécié, mais il laisse un arrière-goût d’inachevé.

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