CinémaComédie

Tout ça… pour ça ! – Claude Lelouch

Tout ça… Pour ça !. 1993.

Origine : France
Genre : Marivaudage lelouchien
Réalisation : Claude Lelouch
Avec : Francis Huster, Marie Sophie L, Fabrice Luchini, Alessandra Martines, Vincent Lindon, Gérard Darmon.

Trois compagnons d’infortune plaident leur cause devant une avocate commise d’office. Quelque peu foutraque, leur histoire mêle amour perdu, passion du jeu et menus larcins. Décontenancée, l’avocate n’est pourtant pas en reste question combine alambiquée. Mariée à l’avocat Fabrice Lenormand, elle entretient une liaison avec Francis Barrucq, président du tribunal de Lyon. Désireux de vivre pleinement leur relation, les deux amants s’imaginent pouvoir faire tomber dans les bras l’un de l’autre leur moitié respective. Un arrangement amoureux qui n’ira pas sans quelques désagréments.

Tout ça… Pour ça ! est le fruit d’un profond dépit. Avec La Belle histoire, son précédent film, Claude Lelouch a donné libre cours à ses obsessions, orchestrant une grande fresque (3h30, quand même!) autour de l’amour, bien sûr, mais aussi de la réincarnation, marotte du cinéaste depuis le milieu des années 80. Le mauvais accueil reçu par le film assorti du crépuscule de son idylle avec Marie Sophie L. plonge Claude Lelouch dans une petite tourmente personnelle. Il choisit de s’en relever par le rire et la légèreté. Non content de convoquer tous les thèmes chers à Lelouch (amour, hasard, coïncidence), Tout ça… Pour ça !  réunit ses amours d’hier (Evelyne Bouix), d’aujourd’hui (Marie Sophie L.) et de demain (Alessandra Martines) pour une joyeuse sarabande à l’humour volontiers grivois dans le sillage d’un nouveau venu dans l’univers du cinéaste, Fabrice Luchini.

Depuis les années 90, Fabrice Luchini a bien volontiers joué les trublions sur les plateaux télé, capable de grandes envolées lyriques comme de disserter sur le sens profond de tubes de l’époque (par exemple, le Je t’aime de Lara Fabian). Un bon client, comme on dit dans le jargon, dont Tout ça… Pour ça ! constitue en quelque sorte l’acte de naissance avec un César du meilleur acteur dans un second rôle à la clé. Il incarne ici l’avocat Fabrice Lenormand, un bon vivant au langage fleuri qui excelle dans l’art de rendre hilarants les moments les plus gênants. Tout l’art de l’improvisation de Lelouch et Luchini se retrouve condensé dans l’espace exigu d’une tente où la verdeur du langage n’a d’égale que la candeur avec laquelle il est employé. Avec sa faconde, Fabrice aime à déstabiliser ses interlocuteurs, pousser le bouchon aussi loin qu’il le peut (en pleine plaidoirie, il n’hésite pas à chanter des airs populaires) mais toujours sous couvert d’une bonhomie désarmante. Seule son épouse parvient à le désarçonner, à le faire douter de ses certitudes. Face à Marie, il prône une forme d’amour libre fortement teinté de sexisme. Parce qu’on est toujours plus sûr de ses sentiments que ceux de l’autre, Fabrice conçoit d’avoir des aventures mais goûte peu les allusions en ce sens de son épouse, qu’il encaisse comme des coups de poignard portés à sa virilité. Elle s’en amuse volontiers, d’autant que ce qu’elle présente comme de piquants mensonges ne sont que la stricte vérité. Elle aime son mari mais d’un amour buissonnier, qui s’accommode fort bien de quelques coups de canif porté au contrat de mariage. Tous deux forment un couple pétillant, aux échanges vifs et savoureux, lesquels tranchent considérablement avec le ton plus compassé de leurs homologues Francis et Alessandra Barrucq. Ils sont les tenants d’un amour plus romantique jusqu’à la niaiserie, lui en bellâtre affecté et elle en bombe latine tempétueuse.  Alessandra aime son mari d’un amour inconditionnel, du genre intimidant pour celui qui a fauté. Francis peut-il décemment croire que l’amour réponde à des règles aussi simples que comme Marie et lui sont tombés amoureux, il n’y a pas de raison qu’il n’en aille pas ainsi pour Alessandra et Fabrice ? Voilà un raisonnement pour le moins tiré par les cheveux, lequel masque mal un sentiment de culpabilité.

Au milieu de ce bal des intrigants, Alessandra n’éprouve donc aucune difficulté à briller par sa probité, ni à se mettre à nu. Littéralement. Claude Lelouch a de toute évidence les yeux de Chimène pour elle et ne nous cache rien de ses charmes, ne craignant pas une certaine complaisance dans leur dévoilement, surtout lorsqu’il donne libre cours à ses délires lors des scènes de tribunal. Un passage durant lequel chacun se donne allègrement en spectacle, de quoi en laisser bouche bée les trois prévenus, lesquels, au détour d’un plan, passent sans sourciller du box des accusés à celui des juges. A ce stade, Claude Lelouch orchestre une sorte de passage en revue des troupes, l’ensemble du casting étant appelé à venir témoigner à la barre. C’est qu’entre-temps, il aura mis de côté le marivaudage amoureux des deux couples pour suivre l’équipée d’une bande de pieds nickelés constituée au hasard de leurs déboires, et qui se rendent coupables de coups fourrés et autres menus larcins sur le chemin de Thonon-les-Bains. Tout ça… Pour ça ! marche alors sur les pas de L’Aventure c’est l’aventure, trouvant dans le trio Gérard Darmon, Vincent Lindon et Jacques Gamblin de dignes successeurs au quintet d’antan. Dans un registre plus sensible, néanmoins.

Tout ça… Pour ça ! n’a d’autre ambition que de divertir de la manière la plus légère qui soit. Fort d’une interprétation globalement savoureuse, Claude Lelouch y parvient sans problème, conférant à ce film sans chichis des airs de renouveau. Il n’évite pas toujours quelques facilités (l’expression « se rattraper aux branches » trouve ici une fumeuse illustration), et se complaît parfois dans un absurde trop fabriqué à même de gâcher quelque peu la fin du film. Mais les points positifs l’emportent aisément et on se surprend plus d’une fois à rire franchement devant les mésaventures des personnages. Un bon cru, qui a en outre eu la bonne idée d’être tourné dans la région Rhône-Alpes.

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