CinémaWestern

Pistolets pour un massacre – Umberto Lenzi

 

pistolets-pour-un-massacre-affiche

Una pistola per cento bare. 1968

Origine : Italie / Espagne
Genre : Western
Réalisation : Umberto Lenzi
Avec : Peter Lee Lawrence, John Ireland, Piero Lulli, Eduardo Fajardo…

Quaker comme ses parents, Jim Slade a refusé de porter les armes pendant la guerre de Sécession, ce qui lui a valu les travaux forcés. Une fois libéré, il retourne chez lui et retrouve ses parents assassinés. Rompant avec ses convictions, Jim est bien décidé à apprendre le maniement des armes pour venger ses géniteurs. Une enquête de voisinage le conduit sur la piste de quatre hommes. Il en retrouve trois facilement et les tue sans coup férir. Par hasard, en errant au Texas, il retrouve le quatrième. Il s’agit d’un certain Corbett, présentement en train d’assiéger le patelin de Galverston pour y récupérer l’importante somme d’argent qui doit être livrée à la banque. Ayant prouvé sa bravoure en tuant un des hommes de Corbett, le maire lui propose de devenir shérif au moins durant cette crise. Jim pourra compter sur l’aide de quelques villageois ainsi que de Douglas, un prêcheur de passage qui pour être un homme pieux ne s’en laisse pas compter.

Pendant l’âge d’or du western spaghetti, Umberto Lenzi avait la tête ailleurs. Un peu dans l’aventure exotique, un peu dans l’espionnage James-Bondien. Ainsi, il n’a guère montré d’intérêt pour le genre popularisé par Sergio Leone. Ses seules contributions eurent lieu au cours de la même année 1968, année de transition entre sa première partie de carrière, dominée par un certain classicisme plus ou moins contraint, et sa seconde, nettement moins traditionnelle, qui s’ouvrira par une vague de giallos et se poursuivra par la consécration du polar à l’italienne. Pour autant, il ne faut pas voir dans son bref passage dans le western une quelconque charnière artistique. A l’aune de Pistolets pour un massacre, Lenzi semble être davantage dans une phase d’attente avant de s’impliquer dans des projets pour lesquels il sera plus inspiré ou en tous cas plus libre de s’exprimer. Ainsi, pour son western, il hérite d’un schéma dont il ne cherche guère à s’affranchir, peut-être même encore moins que dans ses productions d’aventure. Par inintérêt ou par paresse, il reprend tels quels tous les clichés du western spaghetti et les utilise sans relief aucun, à commencer par la mise en scène, qui sans être inexistante, reprend à l’identique toutes les figures imposées du cinéma de Sergio Leone : gros plans sur les yeux, caméra à hauteur de hanche pour les duels, vue panoramique sur les paysages traversés par son pistolero à cheval, bandits planqués sur les toits etc… Vous me direz que bien des westerns spaghettis utilisent les mêmes éléments et ne s’en sortent pas si mal. Effectivement, mais généralement ceux qui sortent du lot utilisent cela avec conviction, histoire de souligner tel ou tel aspect dramatique de leur scénario. Or, Lenzi se moque complètement de sa dramaturgie -qui était le pivot des films de Leone, jusqu’à la caricature- et qu’il s’agisse par exemple d’un duel avec un sous-fifre ou du duel final avec le gros méchant il fait exactement la même chose, torchée en 20 secondes. Il est vrai qu’il n’est guère aidé par une musique quelconque à mille lieux de celles conçues par Ennio Morricone, mais enfin c’est à se demander si, quand bien même eut-il été servi par un compositeur inspiré et non par un Angelo Francesco Lavagnino qui enchaînait les mini westerns à un rythme stakhanoviste (entre deux productions plus huppées, type le Falstaff de Orson Welles), il aurait voulu en profiter. Même chose pour le scénario, franchement bancal et qu’il n’a certainement pas mis beaucoup de soin à redresser. Cette histoire de Quaker qui pour la première fois de sa vie prend les armes ne rime franchement à rien. En un quart d’heure Jim Slade a non seulement appris à se servir d’un colt, mais il a en plus déjà bouclé les trois quarts de sa vengeance et s’avère un pistolero redoutable, perdant ainsi la spécificité qui devait le faire sortir du lot commun des héros de westerns spaghetti. Quasi figurant dans Et pour quelques dollars de plus, l’allemand Peter Lee Lawrence fait ce qu’on lui demande, c’est à dire se glisser dans le jean d’un pistolero vengeur avare en paroles et aussi doué pour la gâchette que pour déjouer les plans de sa nemesis. Laquelle nemesis ne va même pas jusqu’à s’ériger au rang des caricatures de méchants de westerns. Braquer une banque pour des sommes dérisoires parce qu’elle n’a pas encore été livrée, se faire berner par un stratagème concocté avec le vieux croque-mort gringalet, échouer par trois fois à se débarrasser du héros sur lequel il avait la main, voilà qui vous ravale vite au rang de minable, à la tête d’hommes tout aussi minables (dont les inévitables mexicains rigolards buveurs de téquila). Alors bon, entre un imbattable Quaker et un gang de manchots, on ne peut pas dire que le suspense soit insoutenable, d’autant que le prêcheur Douglas est également de la partie, jouant aux seconds de Jim sans qu’il n’y ait vraiment de raison de le faire (à moins que… mais je vous laisse découvrir la surprise qui s’éventera elle-même bien vite au visionnage.

Bref, Pistolets pour un massacre -qui fut à l’origine titré La Malle de San Antonio en référence au magot que Corbett attend impatiemment- s’apparente à ces westerns spaghettis de faible envergure tournés industriellement en Espagne juste pour profiter de la vague commerciale. Du reste, il a été édité en DVD en France dans une collection de westerns au rabais, et le doublage s’y avère désastreux, tout comme la qualité d’image rendant les événements nocturnes quasi invisibles (à moins que ce ne soient les nuits américaines de Lenzi qui étaient foireuses dès l’origine ?). Il aurait pu en être autrement, si le réalisateur s’était remué davantage, évitant les tares mentionnées, et surtout s’il avait profité d’un pan du scénario foncièrement incongru mais qui à lui seul aurait pu déboucher sur toute autre chose : la présence de fous dangereux dans la prison de Galverston, ayant atterri là par l’incendie de leur asile. En l’état, leur évasion courue d’avance ne sert que de prétexte à une péripétie qui portait en elle une orientation foncièrement amusante et très lenzienne. Car il faut savoir que ce ramassis de cinglés est composé de tueurs pathologiques, de violeurs, de pyromanes, plus ou moins dominés par un chef incarné par Eduardo Fajardo (un second couteau fort usité des westerns spaghettis). Ce n’est pourtant pas là la lie de l’humanité, car avec la subtilité dont il sait faire preuve, Lenzi ne les caractérise pas comme des humains, mais bien comme des sauvages. Toujours à rire bêtement, à taper des mains comme les imbéciles heureux qu’ils sont, et à grogner comme des bêtes. Une sacrée meute, complément débile, mais qui aurait pourtant pu fournir un spectacle autrement plus palpitant que le coup de pression mis mollement par Corbett sur le patelin. Entre les incendies allumés au hasard et le quasi viol de la chanteuse du saloon par un dément baveux, ces quelques minutes complètement hors sujet laissent des regrets, aussi bien pour la folie du réalisateur qu’elles laissent déjà percer que pour le traitement navrant qu’elles subissent entre la nuit américaine et l’édition DVD déplorable évoquées plus haut. Las, l’époque n’était pas encore à ce genre de pitreries, et Lenzi retourne bien vite à son western machinal, qu’il clôt tout de même par un assaut final agité (duel excepté), à défaut d’être original.

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