CinémaComédie

Nothing – Vincenzo Natali

nothing

Nothing. 2003

Origine : Canada 
Genre : Comédie 
Réalisation : Vincenzo Natali 
Avec : David Hewlett, Andrew Miller, Marie-Josée Croze, Gordon Pinsent…

Dave et Andrew sont deux marginaux, amis depuis l’enfance. Ils vivent dans une maison mitoyenne ayant perdue sa seconde moitié, située entre deux bretelles d’autoroute. Dave est un perdant, qui depuis sa tendre enfance est la risée de ses camarades et collègues. Quand à Andrew, il a peur de tout et n’est même pas capable de quitter leur maison. Les emmerdes vont leur tomber dessus en un clin d’oeil : Dave se rend compte que sa copine s’est servi de lui pour voler des sous à son employeur, Andrew va être accusé de pédophilie par une gamine menteuse vexée qu’il n’ait pas acheté ses gâteaux, et enfin la municipalité de Toronto, là où ils vivent, les informe que leur maison n’a pas d’existence légale et va être rasée dans l’après-midi. Tout ces gens malintentionnés vont débarquer en même temps : acculés, Dave et Andrew vont s’évanouir… pour se réveiller au milieu de rien. La maison est là, mais à l’extérieur, rien : c’est tout blanc. Pas de sol visible, seulement une matière vaguement élastique, pas de ciel, pas de voisins, pas de faune, pas de flore : rien. Que du vide. Après un peu d’expérimentations, les deux hommes se rendront compte qu’ils sont capable de faire physiquement disparaître ce qui leur déplait.

Le canadien Vincenzo Natali aime les histoires étranges. Lui qui avec le stressant Cube avait placé une poignée de personnages dans une prison mathématique adopte cette fois le point de vue inverse : deux personnages dans un espace infini, vide de tout y compris de couleurs. Une comédie. Mais le lien unissant les deux films saute aux yeux : l’espace. Natali semble en effet fasciné par la gestion des espaces, et, adepte de science-fiction, il aime également les films mystérieux. Pour Nothing, il ne cache pourtant pas la raison du vide qui entourre les personnages : ce sont eux-mêmes qui l’ont provoqué. Mais on ne sait trop comment leur don leur est apparu, pas plus qu’on ne sait où ça les mène. Le réalisateur n’attache pas d’importances à ces détails, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il sait se passer de théories fumeuses et surexplicatives. Il se concentre uniquement sur son histoire, et ne s’attarde pas outre mesure sur le pourquoi du comment. Chose grandement appréciable et qui lui permet de faire un film sans chichis, exploitant à fond l’étrange présence de ce “vide”. Le film est bel et bien une comédie, et à ce titre Natali fait de ses personnages deux êtres marginaux, dont la fantaisie va se trouver motivée par le total manque d’inibition dont ils peuvent jouir en un tel (non-)lieu. Ils vont ainsi se lâcher sur les possibilité que leur offre ce désert blanc (le sol comme trampoling, par exemple) mais aussi sur leur don, celui de faire disparaître tout ce qui leur déplait fortement : celà inclus non seulement les objets physiques, mais aussi les sentiments : la faim, la colère etc… Chose piégeuse, puisque dès lors, l’ombre des incohérences scénaristiques plane sur le film, qui pourrait ainsi se dérouler sans aucun problème pour les deux personnages. En effet, quelques boulettes sont à signaler, que l’on pourrait imputer à un intellect déficiant des personnages. Fausse excuse… Mais on n’en tient pas trop rigueur au réalisateur, dont l’objectif, si il est en premier lieu relatif à la comédie, va bien au-delà. Il aurait été facile de tomber dans un film relativement vulgaire avec deux branleurs faisant des conneries. Ce n’est pas le cas. Déjà parce que Natali, tout en dirigeant une comédie, cherche à s’essayer à une mise en scène plutôt élaborée, jouant sur le vide environnant. Privé de repère spaciaux, il est en effet logique que le réalisateur tente de jouer sur les perspectives, ne serait-ce que pour illustrer la désorientation totale des personnages. Ceux-ci, bondissant dans tous les sens, perdent en effet le sens de l’orientation, et la caméra de Natali, promenée de haut en bas et de droite à gauche, parfois en split-screen, désoriente également le spectateur. De plus les perspectives elles aussi sont sujettes à confusion : il n’y a plus de profondeur de champ, et dès lors un personnage peu très bien apparaître aussi gros que la maison. La question du temps est également abordée, même si de façon bien moindre : quelques cauchemars à répétition justifieront à eux seuls toute une scène de déjà-vu et de variations sur un même thème, et il aideront encore à semer davantage la confusion chez les spectateurs et chez les personnage (car l’identification est totale). Tout ceci est très malin, très efficace, et rien qu’au titre de son originalité totale, Nothing mérite d’être vu.

Mais il serait tout de même lassant d’assister à ces expérimentations sur une heure trente, et c’est pourquoi Natali agrémente en outre son film d’un propos sur l’amitié et sur la psychologie. Là non plus il n’oublie pas de parer son intrigue du ton de la comédie légère, mais toujours est-il qu’il parvient tout de même à retranscrire l’isolement total dans lequel sont plongés les personnages depuis leur enfance. Par le biais de dessins enfantins utilisés en lieu et place de flash-back, il nous montre pourquoi Dave et Andrew en sont arrivés là. La psychologie est plutôt de bazar, et les séances de psy que s’organisent les deux gars se termineront par de simples effacements de mémoire : puisqu’ils haissent leurs souvenirs, ils les effacent conciemment. Ce qui, allié aux dessins enfantins et aux différents jeux auxquels se livrent Dave et Adrew (les puristes des jeux vidéos vont gueuler, mais tant pis) et à la présence de Stan, leur animal de compagnie (une tortue), nous pousse à croire que les deux hommes sont restés des enfants. Réglant leurs différents comme des gosses, parfois en jouant à la console de jeux, ils ne sont en tout cas pas des adultes responsables. C’est ce qui expliquerait également l’aspect étrange de leur maison, ainsi que l’intérieur, sale et jamais rangé. Natali évite cela dit tout côté niais en faisant de ses personnages des sales gosses capricieux, qui vont se faire la gueule jusqu’à une situation critique, qui nous amène donc à la fin du film, assez jusqu’au boutiste dans son genre. Il ne verse jamais non plus dans le propos simpliste, du style : “le monde extérieur peut sembler méchant, mais on ne peut vivre sans lui”, et il parvient jusqu’au bout à ne se concentrer que sur l’analyse de l’amitié entre ses deux personnages, qui ne renient jamais le vide dans lequel ils se sont plongés.

Natali, en compagnie de son pote David Hewlett et de Andrew Miller (tous deux acteurs dans Cube, et tout deux ici co-scénaristes avec Natali), livre encore un film étrange, fascinant, même si parfois victime de sévères baisses de tension. L’ensemble demeure très bon et le spectacle proposé, déjà aguichant à la simple vue du sujet, s’appuie sur des propos concrets, pas forcément très poussés, mais qui donnent suffisament de substance pour éviter de faire de Nothing un bel objet creux. A ne pas rater aussi : la scène post-générique, aussi mystérieuse et insoluble que le plan final de Cube.

3 réflexions sur “Nothing – Vincenzo Natali

  • Un film que j’ai adoré. A l’opposé de Cube qui était anxiogène, ici on a une situation absurde où deux persos très peu sociables se retrouvent dans rien. Ça donne des situations très drôles et aussi incroyables. On s’ennuie jamais. Les deux personnages sont assez atypiques pour nous divertir et l’environnement me fait penser à la fin de Cube, en me disant que le seul survivant a fini dans un monde complétement aseptisé où il n’y a rien.

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  • J’ai envoyé en lien sur Twitter à l’adresse du réalisateur Vincenzo Natali, votre critique de Nothing, il y a plutôt bien apprécié.

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