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Héros d’apocalypse – Antonio Margheriti

herosdapocalypse

L’Ultimo cacciatore. 1980

Origine : Italie
Genre : Guerre
Réalisation : Antonio Margheriti
Avec : David Warbeck, Tisa Farrow, Tony King, John Steiner…

Le capitaine Henry Morris (David Warbeck) est balancé dans l’enfer du Vietnam pour y accomplir une mission spéciale en territoire ennemi. Son escorte se limite à quelques hommes déjà sur place, dont le sergent Washington, dit “Wash” (Tony King) ainsi qu’une femme reporter, Jane Foster (Tisa Farrow). Ça ne sera pas du gâteau.

Alors que la mode des séquelles pirates de films américains commençait (avec par exemple Zombi 2 / L’Enfer des zombies de Fulci), Antonio Margheriti dit “Anthony M. Dawson” et ses producteurs se penchèrent sur le cas du Voyage au bout de l’enfer. Il Cacciatore en Italie. Face au succès du film de Michael Cimino, quelqu’un pensa qu’il serait bon de donner le titre Il Cacciatore 2 au film de guerre de Margheriti. Une idée qui échoppa avec les perspectives d’un procès à venir. Le “cacciatore” allait donc perdurer, mais agrémenté de l’adjectif “ultimo”, selon un procédé qui sera également utilisé pour La Mort au large de Enzo Castellari (L’Ultimo squalo, Lo Squalo étant le titre italien des Dents de la mer) avec toutefois moins de bonheur puisque si Margheriti s’en sortit sans heurts les amis de Castellari durent affronter les avocats de la Universal (mais il est vrai qu’ils tentèrent de faire passer leur film pour une séquelle officielle jusqu’au Etats-Unis). Mais revenons à Héros d’apocalypse, qui porte finalement bien son titre français puisque Margheriti semble davantage s’être inspiré d’Apocalypse Now que de Voyage au bout de l’enfer. Ne venait-il pas de réaliser Pulsions cannibales (Apocalypse domani, notez bien le jeu de mots) qui mêlait survivants traumatisés du Vietnam et zombies à la mode Romero ? Il s’adonne cette fois plus frontalement à cette apparente fascination en ayant recourt à un scénario entièrement basé sur une mission spéciale -avec rencontre stupéfiante à l’arrivée, bien que non prévue au programme-, qui avec davantage de moyens aurait pu s’apparenter à une quête au milieu de la folie meurtrière que fut cette guerre du Vietnam. Le réalisateur visait en effet la gravité, ce en quoi il n’a pas visé tout à fait dans le mille mais dont il n’a pas trop dévié malgré la pression mises sur ses épaules par des producteurs désireux de le voir placer plusieurs scènes gores pour surfer sur la mode zombo-cannibale. Tâche dont il s’est fort honorablement acquitté et qu’il a même utilisée pour intensifier le climat de sauvagerie, certes avec quelques petites complaisances (les tripes à l’air du pauvre bougre qui s’est pris un piège bien aiguisé en plein coffre).

Ce ne sont toutefois pas ces quelques plans qui permettent de préserver l’essentiel de ses intentions de départ, mais plutôt plusieurs autres scènes marquantes, dont l’une des plus efficaces est habilement placée en début de film. Ou comment une soirée au lupanar ne parvient plus à apaiser des soldats traumatisés, voire fous, qui en sont réduits à se sortir de la violence par la violence. Une autre est une scène de torture aquatique qui rappelle le souvenir de Cimino. Une autre enfin -mais pas la dernière pour autant-, certainement la plus brillante du film, qui nous immerge dans le quotidien hallucinatoire des hommes du Major Cash (John Steiner), repliés dans une caverne assiégée où ils en sont venus à oublier tout sens moral (la journaliste pourrait vous en parler) et tout instinct de préservation (excellente scène que celle où l’un d’entre eux court à travers le feu ennemi pour récupérer une noix de coco perçue comme un ballon de football). Margheriti verse à cette occasion dans un humour noir bienvenu, parfaitement en adéquation avec sa volonté de montrer un microcosme devenu fou et qui se dirige droit à sa perte. N’allons pas jusqu’à dire que Héros d’apocalypse est un film vraiment apocalyptique (n’en déplaise à Franco Micalizzi et à sa musique wagnerienne associée à des envols d’hélicoptère), mais enfin il reste supérieur sur ce plan à bien des films italiens de l’époque, y compris ceux qui seront réalisés dans la foulée par Margheriti. Le pacifisme y est perceptible par l’absolutisme des diverses horreurs auxquelles nous assistons et surtout par la déshumanisation des soldats, qui expriment le non-sens de la guerre par des actes dénués de toute raison, nés de l’impossibilité de maintenir un cadre social (et militaire) classique dans un milieu où tout peut s’écrouler d’une pichenette. Le chaos règne en fait en maître, chose paradoxale pour une intervention censée rétablir l’ordre. Pas étonnant que les soldats soient sensibles aux appels à la désertion et à la rébellion venues des ondes radios. Mais il est déjà trop tard pour eux, et ils ne peuvent s’extirper de ce merdier, pour reprendre l’expression d’un film de Ted Post.

N’omettons pas non plus d’évoquer la dimension particulièrement ludique d’Héros d’apocalypse. Comme on peut s’y en douter, Margheriti n’a même pas vraiment cherché à atteindre le rythme lancinant et étouffant de Apocalypse Now, se contentant d’en reprendre l’idée générale dans la mesure de ses moyens. Il y est donc à peu près parvenu, mais disons le tout net : à elle seule, cette qualité n’aurait pas été suffisante. Pas assez originale une fois sortie du cadre du cinéma d’exploitation italien. Le mot est lâché : exploitation. Héros d’apocalypse, s’inscrit dans cette tradition, ce qui nous vaut le plaisir d’assister à un spectacle très enlevé, et qui à vrai dire ne connait jamais vraiment de répit. S’appuyant sur un héros aussi sage que musclé campé avec classicisme mais détermination par David Warbeck, Margheriti nous réserve des tonnes d’action méchante (mais pas forcément bête, cf. plus haut) à base de mitraillettes, de pièges mortels, de lance-flammes, de rats, d’explosions, bref de tout ce dont on est en droit d’attendre d’un film d’action guerrière italien. Une succession de scènes faisant pratiquement office d’étapes entre le point A (le largage de Morris dans le fleuve) au point Z (la finalité de sa mission, révélée tardivement et qui sert de prétexte à la traversée de la jungle). Plusieurs personnages forts viennent épicer le tout, régulièrement (la journaliste, le dur à cuire sergent Wash) ou ponctuellement (le zigoto de l’introduction, John Steiner, l’invité surprise final…). Autant d’éléments venant densifier une intrigue très simple, et que le réalisateur met en scène avec soin, parfois jusqu’à l’excès (quelques décadrages ostentatoires) sans tomber dans le m’as-tu-vu qui suivra dans la foulée des Rambo. Spectaculaire comme il faut, un engagement simple mais percutant, voilà Héros d’apocalypse.

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