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L’Enfer des zombies – Lucio Fulci

enferzombies

Zombi 2. 1979

Origine : Italie 
Genre : Horreur 
Réalisation : Lucio Fulci 
Avec : Tisa Farrow, Ian McCulloch, Richard Johnson, Olga Karlatos…

Des gardes-côtes investissent un voilier apparemment vide venant tout juste d’entrer dans le port de New-York. L’embarcation n’est en fait pas si vide que cela : un mort-vivant en sort et croque l’un des fonctionnaires à la gorge. La chose est abattue par le garde-côte restant et disparaît en mer. Après vérifications, le voilier appartiendrait à un homme parti en voyage dans les Antilles, dont la fille n’avait justement plus de nouvelles depuis un mois. N’étant guère convaincue par les hypothèses de la police, la jeune femme pénètre de nuit sur le bâteau, où elle croise un journaliste tout aussi perplexe qu’elle. Trouvant un message dans lequel le vieil homme fait état de sa grave maladie, ils décident d’embarquer tous les deux vers l’île de Matoul, lieu de séjour du papa parti et île maudite notoire…

Il est souvent entendu que L’Enfer des zombies n’aurait été que la réaction italienne au Dawn of the Dead de Romero. Ce qui n’est qu’à moitié vrai : effectivement, son titre original de Zombi 2 tente de faire passer le film de Fulci pour la séquelle de celui de Romero (nommé Zombi en Italie), effectivement son dénouement pourrait aussi bien bien avoir été la base de lancement de l’apocalypse vue dans Dawn of the Dead, (ce qui placerait d’emblée le Fulci comme la préquelle du Romero, oubliant au passage La Nuit des Morts-vivants, qui démarre de façon assez calme). Pourtant, avant même que Zombie ne sorte en Italie, le scénario de L’Enfer des zombies avait déjà été rédigé, certainement avec l’arrière pensée de surfer le plus tôt possible sur le succès américain. La dénomination Zombi 2 ainsi que le dénouement furent en réalité rajoutés à la dernière minute, et Fulci et ses scénaristes (le couple Sacchetti), n’avaient pas encore pu voir au moment du tournage le chef d’oeuvre de Romero. L’inspiration se fait donc davantage ressentir au niveau commercial qu’au niveau artistique, et du reste dans ses décors comme dans ses effets gores, L’Enfer des Zombies se rapproche assez des films de cannibales qui connaissaient alors une popularité croissante (Le Dernier Monde cannibale, Emanuelle et les derniers cannibales, La Montagne du dieu cannibale…) et qui allaient atteindre une renommée mondiale dès l’année suivante avec le polémique Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato.

Cependant, l’objectif de Fulci n’est assurément pas le même que celui des réalisateurs de films anthropophages. Là ou ces derniers s’appuient sur les films “Mondo” et leur approche naturaliste, le réalisateur du Venin de la peur reste avant tout un conteur et prend même ses distances avec les aspects politiques, sociaux et psychologiques qui avaient jusqu’ici caractérisés bien des films transalpins (y compris certains des siens), ainsi et surtout que les films de zombies de Romero. Fulci entrait alors dans une démarche purement fictionnelle, qui allait trouver son aboutissement avec Frayeurs et L’Au-delà. Deux films dont les scénarios respectifs sont réduits à peau de chagrin, laissant le champ libre au réalisateur pour porter à l’écran ses visions macabres éminemment violentes. L’Enfer des zombies inaugure donc cette démarche, à ceci près qu’ici le réalisateur ne cherche pas tant à générer la frayeur que le dégoût. Bien sûr, on pourra toujours trouver dans L’Enfer des zombies quelques scènes annonciatrices des deux futurs œuvres “lovecraftiennes” pré-citées, comme par exemple ces images de rues vides, poussiéreuses, véritables avenues n’attendant que l’apparition de hordes de zombies menaçants… Mais dans l’ensemble, L’Enfer des zombies vaut essentiellement pour ses zombies et pour le sentiment de menace permanente qu’ils inspirent. Au niveau morts-vivants, aucun problème : le réalisateur opte pour une vision totalement irréelle des zombies, vus comme des fossiles mal pourris. Un grand merci aux artisans des effets spéciaux, qui montrent également leur talent dans les très agressives séquences gores, comprenant notamment la fameuse scène de l’écharde dans l’œil ou la ripaille autour d’un cadavre déchiqueté (qui se trouve d’ailleurs être le cadavre de la pauvre fille à l’œil crevé, jouée par Olga Karlatos). Ces scènes gores n’ont pas grand chose à envier à celles de Tom Savini et font parti d’une toute autre école, bien plus crasseuse, celle de l’horreur italienne. Fulci se montre parfois assez complaisant, mais après tout, cela contribue aussi au charme de ce genre de production, qui ne reculent devant pas grand chose (parfois jusqu’à la comédie grand-guignol, comme ici cet improbable combat sous-marin entre un requin et un zombie).

Bref, toutes les scènes horrifiques se révèlent impeccables (avec climax d’anthologie). En revanche, on ne pourra pas en dire autant des scènes sans les zombies. Moins inspiré que dans ses oeuvres poético-morbides, Fulci ne parvient ici clairement pas à procurer au film cette aura menaçante censée être dégagée par des zombies qui tardent à arriver. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer : la dépression nerveuse de la femme (Karlatos) du Dr. Menard (Richard Johnson), la résignation contenue de celui-ci, la peur des autochtones, la mention du vaudou… Le réalisateur fait tout ce qu’il peut pour faire ressentir le danger encouru. Peine perdue : les zombies, trop “physiques” pourrait-on dire, ne contaminent pas leur environnement comme le feront par exemple leurs homologues (mi zombies mi-fantômes) de Frayeurs. Pourtant, les deux films ont un point commun : dans les deux cas, un duo de personnages part pour un lieu maudit (Dunwich pour Frayeurs, Matoul pour L’Enfer des Zombies), et le réalisateur divise ses films en deux parties alternées (une suivant les héros, l’autre s’évertuant à présenter leur destination) jusqu’à ce qu’elles se croisent, ce qui signifie le début des choses sérieuses. Cette structure passe comme une lettre à la Poste (du temps où elle était nationalisée) dans Frayeurs, mais en ce qui concerne L’Enfer des zombies cela n’est pas le cas, et la première heure de film se fait plutôt longuette. Beaucoup de paroles (et compte tenu de la fadeur des personnages, il ne faut pas s’attendre à du Hegel), beaucoup de poudre aux yeux, et finalement peu d’impact sur le spectateur.

Peut-être légèrement surestimé dans la presse spécialisée, L’Enfer des Zombies reste malgré tout un bon film d’horreur, parcouru de quelques très belles scènes mais aussi d’instants particulièrement lassants (voire stupides). Tout de même largement supérieur à bien des navets italiens tournés à la même époque, mais compte tenu du talent de Fulci, on ne peut que ressentir une certaine déception face au spectacle proposé.

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