CinémaScience-Fiction

2001, l’odyssée de l’espace – Stanley Kubrick

2001

2001 : A Space Odyssey. 1968

Origine : États-Unis / Royaume-Uni
Genre : Science-fiction
Réalisation : Stanley Kubrick
Avec : Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester, Daniel Richter…

Quatre ans après son chef d’oeuvre Dr. Folamour, Stanley Kubrick se penche, en pleine course à la découverte de l’espace, sur la science-fiction. Mais le temps de la vieille science-fiction à papa est terminé, et le temps de la science-fiction post Star Wars n’est pas encore arrivé. Nous sommes à la fin des années 60, période de remise en question et d’interrogations diverses, relatives aux progrès scientifiques de l’humanité et à la destruction même de cette humanité. Si ce dernier thème à été traité par Kubrick dans Dr. Folamour, le premier sera traité dans 2001. Un film que Kubrick souhaite ambitieux, très ambitieux, avec la claire volonté de donner au genre son œuvre ultime. Pour ce faire, le cinéaste joint ses forces à celle de l’écrivain et scientifique Arthur C. Clarke, avec lequel il écrit le scénario du film (sans mentionner le livre, rédigé en même temps, pour lequel Kubrick devait apparaître comme co-auteur avant qu’il ne décide le contraire).

2001, l’odyssée de l’espace démarre à l’aube de l’humanité, où les singes, transformés par l’apparition d’un mystérieux monolithe noir, se dressent pour devenir des hommes. De nos jours, un monolithe identique est découvert sur la lune (n’oublions pas qu’à l’époque du film, Neil Armstrong n’était pas encore entré dans l’histoire). Dix-huit mois plus tard, une mission est envoyée pour explorer les environs de la planète Jupiter. A bord du vaisseau se trouvent trois hommes en sommeil artificiel, deux autres, Frank Poole et Dave Bowman, qui sont chargés de veiller sur l’appareil, et HAL, ordinateur intelligent de la dernière génération. Et c’est parti pour l’illustration du titre L’Odyssée de l’espace

Car 2001 n’est vraiment pas un film comme les autres. Dans sa volonté de donner à la science-fiction son film ultime, Stanley Kubrick va littéralement exploser les conventions narratives et formelles habituelles. Son film, véritable symphonie, repose tout entier sur une parfaite harmonie entre la forme et le fond. A son discours sur l’évolution de l’humanité, Kubrick applique un traitement extrêmement virtuose. Un jeu permanent avec l’espace et la gravité qui permet au réalisateur de composer des plans défiant toute convention, témoin cette célèbre scène de Frank Poole faisant son footing dans la station rotative. Des scènes comme celle-là abondent dans 2001. Sans parler des scènes vues de l’espace, les plans sur les vaisseaux donnant l’impression de flotter dans l’espace, soit dans un silence total, soit sur fond de musiques telles que Ainsi Parlait Zarathoustra de Richard Strauss ou encore Le Danube Bleu de Johann Strauss, qui insufflent véritablement au film la dimension épique et grandiose recherchée par Kubrick. Quant aux partitions de György Ligeti, le compositeur roumain qui œuvrait ici pour la première fois au cinéma, elles rendent compte de tout le mystère qui entoure non seulement l’Odyssée vers Jupiter, mais aussi de celui qui accompagne l’évolution des singes du début, ou encore de la découverte à notre époque du monolithe sur la lune. Un monolithe symbole de l’évolution, et à ce titre le film peut logiquement paraître nietzschéen, d’autant plus que la symphonie Ainsi Parlait Zarathoustra de Strauss n’a sûrement pas été choisie uniquement pour sa faculté à accompagner l’image, mais aussi parce qu’elle illustre le livre de Nietzsche et rend compte d’une évolution certaine de l’humanité.

La fin du film, la partie kaléidoscopique, climax magnifique de tout ce qui a précédé, sortira elle aussi du cadre traditionnel et échappera même à l’interprétation psychédélique que l’étude du contexte historique du film aurait pu générer. Il faut dire que Kubrick, même dans ses séquences les moins faciles d’accès, ne se relâche jamais et maintient constamment le climat de mystère, de menace et d’interrogations qu’il s’est évertué à créer à travers ses silences, sa gestion de l’espace autant intérieur au vaisseau qu’intersidéral. Une atmosphère d’autant plus menaçante dans la dernière partie du film qu’elle découle logiquement de l’opposition entre l’Homme (du moins Frank Poole et Dave Bowman) et une forme qui est elle aussi en passe d’atteindre un nouveau degré d’évolution : la machine. Représentée par l’ordinateur HAL à l’intelligence artificielle trop poussée, et qui n’a pourtant pas atteint sa pleine maturité. HAL est ici clairement encore un enfant, de par son comportement, son âge et malgré son intelligence. Les hommes et la machine vont donc se battre pour parvenir au bout de la mission, dont le terme sera l’évolution d’une des deux espèces. Ce combat, loin d’être traité via des séquences d’action tape à l’œil (il n’y a de toute façon pour ainsi dire aucune action dans le film) se fera dans un calme lourd de menaces. Celle de mourir, d’une part, mais aussi celle d’être écartée de l’odyssée, de la plus grande découverte scientifique de tous les temps. Bien que les personnages humains n’en soient pas conscients, le spectateur, lui, l’est. C’est tout ce qui fait la force d’un film virtuose, basé avant tout sur l’image et dans une moindre mesure sur la musique, mais jamais véritablement sur des dialogues au demeurant rares. Et si le film réussit à obtenir un tel impact, c’est que les images soulèvent des questions, mais n’y répondent jamais catégoriquement. Les interprétations peuvent abonder : d’où vient le monolithe ? Représente-t-il Dieu ? Une entité extraterrestre ? La finalité du progrès ? Tout cela à la fois ? On ne le sait pas, tout ce que l’on sait, c’est qu’il représente quelque chose de supérieur. Et qu’il distille donc à la fois l’angoisse et la fascination, un peu comme ce à quoi se destinait le mouvement dit sublime au dix-neuvième siècle.

Assurément, Kubrick a véritablement réussi à donner à la science-fiction son film ultime. D’une richesse incroyable, 2001 ne peut véritablement pas avoir d’interprétation définitive. Son traitement opposé aux canons cinématographiques (surtout ceux de notre époque) peut en décourager voire en ennuyer certains. Mais les autres se laisseront porter par l’incroyable talent d’artiste d’un Stanley Kubrick qui est assurément l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma.

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