Puppet Master III : La revanche de Toulon – David DeCoteau
Puppet Master III : Toulon’s Revenge. 1991Origine : États-Unis
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Berlin – 1941. A l’abri de son petit théâtre, André Toulon dispense ses talents de marionnettistes à un parterre d’enfants et de parents conquis. L’un de ses sketchs moquant le führer attire l’attention du Lieutenant Eric Stein, un officier de la Gestapo amateur de marionnettes. En s’intéressant de près à l’artiste, il découvre que ses marionnettes sont dotées d’une vie propre. Une aubaine, sachant que son supérieur, le Major Kraus, avec la complicité du Docteur Hess, tente désespérément de trouver la formule miracle pour faire de cadavres des soldats d’élite à même de permettre aux troupes du Reich de l’emporter sur le front russe. Désireux de connaître son secret, le Major Kraus organise son arrestation, mais celle-ci tourne mal. Elsa Toulon est tuée tandis que son mari, fou de douleur, parvient à s’échapper.
On n’arrête plus Charles Band. Satisfait des résultats obtenus par Puppet Master II, il remet le couvert l’année suivante avec un troisième volet qui se propose de modifier – enfin ! – le canevas initial. L’intrigue quitte l’hôtel de Bodega Bay pour effectuer un saut dans le temps et nous immerger dans le Berlin de l’année 1941, à grand renfort de stock-shots. Il s’agit pour cet épisode de revenir sur l’origine du courroux d’André Toulon et d’en dessiner plus clairement les contours de personnage tragique. La tâche incombe à David DeCoteau, habitué des productions Charles Band, et qui pour l’occasion met un peu d’eau dans son vin. Sa contribution à la saga s’avère à la fois respectueuse et particulièrement sage, preuve de la mainmise de Charles Band sur son « bébé ».
En s’orientant vers une préquelle, la saga démontre que hormis sur le plan du merchandising pur, les poupées ne suffisent à elles seules à nourrir un récit. André Toulon demeure cette figure tutélaire sans laquelle les Puppet Master ne sauraient se décliner en d’innombrables suites. Là réside le principal apport des suites par rapport au film de David Schmoeller. L’artisan souffreteux qui accepte son funeste sort à l’entame de Puppet Master occupe une place plus importante à mesure que les numéros accolés au titre s’accroissent. Au point d’effectuer le grand écart question personnalité. Revenu d’entre les morts plein de mauvaises intentions sous la houlette de Dave Allen (à croire qu’il avait été enterré dans un ancien cimetière indien!), André Toulon revient à de meilleurs sentiments dans ce troisième volet. En même temps, ce saut dans le temps nous le montre filant le parfait amour avec sa chère et tendre Elsa, elle dont l’insistant souvenir l’incitait aux basses besognes du film précédent. En un sens, c’est encore le cas ici puisque le marionnettiste entreprend de se venger des affreux qu’il rend responsable de la mort de son épouse, en réalité victime du seul Major Kraus lors d’une scène maladroitement dramatique. Il agit encore et toujours par amour, mais suivant une démarche que je qualifierais de moins psychopathe. Ses victimes ne sont plus de pauvres bougres venus fouiner dans un hôtel abritant de prétendues émanations paranormales mais des nazis. En somme, son action vengeresse se double d’une action de salubrité publique qui tend à en faire un personnage plus sympathique. Face à eux, André Toulon conserve vaillamment le cap d’une vie de saltimbanque vouée à divertir. A un homme de la gestapo qui l’enjoint à plus de prudence quant au contenu de son spectacle – le marionnettiste n’hésite pas à mettre le führer en boîte, caricature à l’appui – André Toulon lui rétorque non sans malice : « La satire politique est l’une des marques d’une société en bonne santé ». Derrière ce ton bravache se cache en réalité un homme meurtri, entouré par la mort. En cours de récit, il évoque la réelle nature de ses marionnettes qu’il chérit tant. Chacune s’avère être la représentation d’un proche qu’il a perdu, victime de la barbarie nazie. Les marionnettes acquièrent alors une dimension nouvelle, à la manière de Leach dont on apprend qu’elle n’est nulle autre que l’incarnation d’Elsa Toulon. Un détail surprenant lorsqu’on se remémore l’empressement de Charles Band à l’évincer lors du film précédent. Ce serait oublier que la saga Puppet Master demeure quelque peu schizophrène dans sa volonté affichée d’occulter le premier film signé David Schmoeller tout en lui prêtant régulièrement allégeance.
Davantage que les deux précédents opus, Puppet Master III baigne dans un climat mortifère. En creux, le film oppose les marionnettes d’André Toulon aux morts-vivants du docteur Hess. Les premières sont présentées de manière positive bien qu’au fond, elles demeurent des réincarnations assujetties à l’humeur de leur “créateur”. Quant aux seconds, ils répondent à la volonté des nazis de gagner la guerre sans plus avoir à sacrifier leurs compatriotes. Il y a du docteur Mengele chez le docteur Hess, mais aussi du Herbert West auquel renvoie ostensiblement le liquide vert fluorescent, ingrédient primordial pour la réanimation des chairs mortes. Un clin d’œil à Re-Animator, production phare de Charles Band, alors sous l’égide Empire International Pictures, qui par contraste rend ce Puppet Master III bien fade. Hormis deux scènes saisissantes, dont le “suicide” d’un mort-vivant, lequel reproduit ni plus ni moins la dernière action exécutée de son vivant, les créatures du docteur Hess n’occupent qu’une infime place dans le récit. De fait, il n’y aura aucun affrontement entre les créatures d’André Toulon et du docteur Hess, ce dernier s’achetant même une vertu en sympathisant avec le marionnettiste. Par ailleurs, pour intéressante qu’elle soit, l’origine révélée desdites marionnettes souffre d’un traitement aléatoire. Ainsi, après avoir expliqué que les marionnettes jouissaient de la vie éternelle grâce à la volonté de vivre de l’esprit du défunt qui les habite, André Toulon crée Blade sur le modèle du Major Kraus et lui donne vie alors que l’officier allemand est toujours de ce monde. De même, le récit se montre peu à l’aise avec la chronologie, datant de 15 ans la rencontre d’André Toulon avec le mage qui l’initie aux pouvoirs du fluide magique, soit 1926, alors que ladite rencontre a eu lieu en réalité en 1912, la reprise du flashback du deuxième film en faisant foi. Des petites incohérences qui témoignent d’une certaine précipitation au moment du tournage et d’une continuité finalement toute relative d’un film à l’autre. Au fond, tout cela n’est que détail puisque chaque épisode peut se voir indépendamment des autres, chacun contenant sa propre genèse.
Vu dans son ensemble, en tout cas au terme de ces trois premiers volets, l’univers de la saga Puppet Master apparaît particulièrement étriqué. Malgré un effort louable de vouloir humaniser les marionnettes, ce troisième volet ne fait que reconduire le même et sempiternel jeu de massacre des précédents films perpétré par ces croquemitaines miniatures. Suivant un cahier des charges contraignant, David DeCoteau ne peut guère laisser libre cours à sa fantaisie, laquelle se limite aux parties fines que s’offre le Général Mueller, interprété par un Walter Gotell bien loin de la rigidité du Général Anatol Gogol qu’il campait dans une poignée de James Bond. Résultat, on s’ennuie ferme même s’il faut reconnaître un certain soin dans la reconstitution minimaliste du Berlin des années 40. David DeCoteau reviendra par deux fois à la saga, preuve d’un total dévouement à Charles Band, lequel ne semble toujours pas vouloir abandonner ses marionnettes de sitôt, un onzième opus étant annoncé.