Masters of Horror 2-03 : V comme vampire – Ernest Dickerson
Masters of Horror. Saison 2, épisode 03
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Excédé par l’attitude de son père et les commentaires de Kerry, son meilleur ami, Justin lance un défi idiot : se rendre à la morgue dans laquelle son cousin officie en tant que gardien de nuit pour y voir le cadavre d’un adolescent de leur âge fraîchement décédé. Sur place, ils multiplient les découvertes macabres jusqu’à tomber nez à nez avec un vampire. Une rencontre qui va bouleverser le cours de leur existence.
Comme son nom l’indique, la série Masters of horror se propose de réunir les grands noms du cinéma fantastique et de leur offrir une liberté totale (ou presque) pour s’exprimer à leur guise. Première saison oblige, la fournée d’origine a bénéficié du concours d’une bonne partie des réalisateurs les plus emblématiques du genre. John Carpenter, Dario Argento, Tobe Hooper, Stuart Gordon, Joe Dante, Don Coscarelli, tous ont répondu présent à l’appel de Mick Garris, l’homme à l’origine du projet. Hormis le quintet de tête qui s’est piqué au jeu au point de renouveler l’expérience une saison de plus, la deuxième saison des Masters of horror se démarque de la précédente par un élargissement du choix des réalisateurs approchés. Ernest Dickerson, par exemple, réalisateur de l’épisode qui nous intéresse ici, n’est pas un habitué du genre. En 1995, il réalise Le Cavalier du diable, le premier film estampillé Contes de la crypte, puis il revient au genre avec Bones, sorte de film d’horreur mâtiné de blaxploitation avec Snoop Doogy Dog. Deux essais qui n’ont pas vraiment marqué les esprits des fantasticophiles. Désormais, si l’horreur demeure une constante de la série, les maîtres sur lesquels elle s’est construite ont choisi de céder leur place à des apprentis.
Plus que le titre original, le titre français –V comme Vampire– ne laisse planer aucun doute quant à la teneur de l’épisode en question : Ernest Dickerson s’adonne à une énième variation sur le thème du vampirisme. Il en profite pour bazarder quelques caractéristiques propres aux vampires traditionnels telles les canines proéminentes, l’absence de reflet ou bien tout l’aspect religieux. Les vampires du film ne se contentent plus de suçoter proprement le sang de leur victime via deux charmants petits trous à la carotide. Tout ça, c’est bon pour les vieux classiques du cinéma horrifique, comme le Dracula de Tod Browning dont nous voyons un extrait au détour d’une scène. De nos jours, il faut que cela ait plus d’impact, que cela soit violent et douloureux. Tant et si bien que, sous la direction de Ernest Dickerson, les vampires se jettent comme des bêtes affamées sur leurs proies en leur déchiquetant le cou avec force jets de sang et gargouillis funestes. Petit inconvénient de cette méthode, ils s’en mettent partout ce qui, dans le cas de monsieur Chaney, ne pose aucun problème puisqu’il ne prend même pas la peine de se débarbouiller. Mais j’en oublie les convenances… Monsieur Chaney est le vampire auquel sont confrontés les deux amis Justin et Kerry. C’est lui qui a tué le cousin de Justin et vidé de leur sang tous les pensionnaires de la morgue. Toutefois, il n’a pas toujours été un vampire. De son vivant (si je puis dire) il exerçait en tant que professeur. Un professeur un peu trop porté sur les enfants qu’il adorait inviter chez lui pour des jeux que la décence me défend de vous révéler bien que ceux-ci tombent sous le sens. De ce fait, monsieur Chaney nous est présenté comme un homme qui portait déjà en lui les germes du Mal, ce qui évite au réalisateur de nous narrer comment il est devenu un vampire. Qu’il soit humain ou vampire, cet homme a toujours fait le mal autour de lui. Et pour l’incarner, qui de mieux qu’un expert ès méchants, j’ai nommé Michael Ironside. Si l’on excepte sa première apparition, proprement ridicule, l’acteur campe avec conviction et un plaisir évident ce véritable pervertisseur de jeunesse. Si il tue avant tout pour se nourrir, on sent qu’il éprouve un réel plaisir à prendre sous son aile de nouveaux adeptes. En un sens, il demeure cet enseignant qu’il a été en dispensant son savoir à des jeunes gens peu au faîte des coutumes vampiriques. Toutefois, l’intrigue de cet épisode ne tourne pas autour de lui, ce qui est regrettable. Le scénario préfère s’attacher à Justin et à son combat contre son état de vampire. Le jeune homme fait preuve d’une belle force de caractère, motivée par l’amour immodéré qu’il porte à sa mère et à sa sœur. Bien que la faim le tenaille, il s’abstient et trouve même la force de se révolter contre sa condition nouvelle afin de leur sauver la vie. Il s’agit vraiment d’un très gentil garçon. Dommage qu’il ait au préalable entraîné son meilleur ami dans cette histoire, et que sa passivité lui ait interdit de lui venir en aide au moment où il en avait le plus besoin. A trop vouloir jouer à se faire peur, ils ont très sérieusement compromis leur amitié.
V comme vampire n’offre rien de bien passionnant à se mettre sous la dent. L’horreur cède bien vite sa place au gore, ce qui évite de prendre tout ça bien au sérieux. Pourtant, l’épisode démarrait plutôt bien avec l’efficace visite d’une morgue nimbée dans la pénombre. A ce moment là, les attitudes des deux amis sonnent justes et collent plutôt bien à leur statut de “geeks”, friands de jeux vidéo hyper violents mais qui n’en mènent pas large dès qu’ils n’arrivent pas à voir plus loin que le bout de leur nez. Cependant, sur l’échelle pourtant bien peu élevée des Masters of horror, Ernest Dickerson ne parvient pas à inscrire son nom au tableau d’honneur. V comme vampire se révèle un épisode anecdotique et finalement trop timoré dans son approche plus brutale d’une créature qu’on a connu davantage porté sur le romantisme.
Voilà plus de 20 ans qu’ont été diffusés les Masters of Horror saison 1 et 2 et Fear Itself, la 3 eme saison non officielle, sur une chaine grand public. Une idée qui avait l’air bonne sur le papier mais dont le résultat laisse à désirer. Il s’agissait de donner un budget limité de 1 million de dollars et une liberté totale de création, aucune limite gore, sexe et morale, tout cela sera possible sauf pour un épisode réalisé par Takeshi Miike.
Au final, les grands maitres de l’horreur seront presque absents. Tobe Hooper passera pour deux épisodes aussi mauvais l’un que l’autre. Wes Craven et Gerges Romero refusent de réaliser un épisode, ou ne peuvent le faire. Stuart Gordon fait un bon épisode à la saison 1, et un moyen avec Jeffrey Combs en Edgar Allan Poe. Mieux vaut revoir Raven ou La Proie du mal avec John Cusack dans le role titre.
Brad Anderson, Tom Holland, Rob Schmidt, presque quasi inconnu, réalisent chacun un bon épisode, ce qui sauve la seconde saison.
John Carpenter réalise deux épisodes qui ont du mal à lui ressembler même si on retrouve des intrigues, et des scènes qui rappellent beaucoup, en moins bien, L’Antre de la folie, Assaut et Le Prince des ténèbres avec l’épisode de la deuxième saison.
Joe Danteet John Landis sortent deux épisodes de bonne qualité, aussi divertissants l’un que l’autre. La Belle et la bête a le bon temps d’utiliser l’humour et le coté absurde de cette légende de Femme-daim, tandis que l’épisode Vote ou crève envoie une critique acerbe du gouvernement de Bush, dans la gestion de la guerre en Irak et des soldats américains qui sont morts là bas.
William Malone, le réalisateur prometteur de La Maison de l’horreur, livre son dernier film avec l’episode La Cave, on entendra plus jamais parler de lui. L’épisode est correct quoique un peu bavard.
Larry Cohen réalise un épisode excitant sur le papier, que se passe t’il quand le tueur de Hitcher rencontre le conducteur de Joy Ride. A sa façon, le film pourrait apparaitre comme un cross over, mais c’est manqué car les deux tueurs ne s’affrontent qu’à la toute fin, le reste de l’épisode étant laissé à leurs victimes.
Reste Dario Argento qui montre une dernière fois quel bon réalisateur il peut être, et John McNaughton, dont la présence apparait comme incongrue, mais qui réalise un des épisodes les plus dérangeant après celui de Takeshi Miike et Argento, avec cette liaison d’outre-tombe.
Vient l’épisode de Ernest Derickson, excellent réalisateur du Film estampillé Les Contes de la Crypte, Le Cavalier du diable et Que la Chasse Commence, qui livre 14 bonnes minutes d’épisode avant que celui-ci devienne de plus en plus ennuyeux à regarder, rendez-vous manqué entre Michael Ironside et le thème du vampirisme. C’était prometteur avant de s’écrouler.
Mick Garris, égal à lui même, réalise deux épisodes insignifiants, quoique regardable. Rien ne nous intéresse ou nous passionne dans ces deux histoires. On regarde cela sans déplaisir mais sans réel plaisir non plus.
Lucky Mckee et Don Coscarelli realisent deux bon épisodes mais aucun des deux ne confirmera dans la série ou leur carrière, par d’autres films ou épisodes, ils seront des espoirs déçus.
Et pour finir, Peter Medak, que l’on a dû ressortir de sa retraite depuis le flop de La Mutante 2. Il réalise George Le Cannibale où des cannibales en costumes du 18 eme siècle tuent et chassent des individus dans une tradition héritée de la guerre d’indépendance et pas si connue du public. Le film souffre de ridicule dès que les cannibales poudrés apparaissent à l’écran. L’épisode ira de plus en plus dans le grotesque jusqu’à une fin ironique : on change de cannibale pour un autre qui sacrifie sa jeunesse pour un appétit en pétrole. L’épisode était la première adaptation de l’auteur de romans d’horreur Bentley Little, à la télé, elle sera une grosse déception, ce qui marche dans un livre passe mal à l’écran. Cet épisode en est la preuve.
Deux saisons mitigées, qui apparaitront néanmoins comme des chef d’œuvres quand la série American Horror Story, sortira relativisant la qualité des Masters of Horror.
Aujourd’hui, aucune série d’anthologie n’apparait comme suffisamment bonne pour offrir ce que Masters Of Horror pouvait faire dans les années 2000. Au contraire, on sent moins de liberté, et on a la sensation qu’un film d’horreur doit transmettre des messages Woke, pour être validé. Ce n’est pas encore une norme, mais ça commence à devenir la majorité des films et séries.
Peut-être que Masters of Horror était la derniere bonne série d’horreur américaine, qui offrait plus de liberté alors qu’elle a été produite dans un contexte de liberté réprimée.