Les Contes de la crypte 6-05 : La Vengeance c’est l’essentiel – Jonas McCord
Les Contes de la crypte. Saison 6, épisode 05.
|
Mr. Grunwald est le directeur tyrannique d’une institution pour aveugles… Ayant déjà écrasé les velléités de rébellion de ses trois pensionnaires, servi par un frère lui-même tenu en servitude par le chantage, il ne se laisse pas impressionner par les bravades de Sheila, la nouvelle arrivante. Avec l’arrogance qui le caractérise, Grunwald est persuadé de réussir à la mettre très vite au pas, et accessoirement dans son lit.
Pas très poussé, le scénario de cet épisode signé du débutant Jonas McCord… Mais enfin, après les ridicules excentricités de mise sur les deux précédents épisodes de la saison, il serait de mauvais goût de s’en plaindre. D’autant que l’histoire qu’il illustre, issue d’un EC Comics de 1955, avait déjà été portée à l’écran non sans un certain succès. C’était en effet l’un des sketchs du film Histoires d’outre-tombe (Tales from the crypt en VO), réalisé par Freddie Francis pour la Amicus en 1972. Reste que la légèreté de l’intrigue ainsi que sa conclusion prévisible dès les premières secondes -voire dès la lecture du titre de l’épisode-, laisse toute latitude au réalisateur pour faire à peu près ce qu’il veut. En cela, La Vengeance c’est l’essentiel ressemble un peu au deuxième épisode de cette même saison, En peaux profondes. Y compris esthétiquement, puisque l’on y retrouve le même cadre, à savoir une vaste et vide demeure en piteux état, ainsi qu’une photographie très froide ici à forte dominante bleutée. Une façon d’imposer l’illusion du fantastique là où toute trace de surnaturel est absente. Dans cet exercice, En peaux profondes échouait faute de savoir quoi mettre à l’écran entre une entame alléchante et un final couru d’avance. William Malone y trompait l’ennui en soignant sa mise en scène, mais il n’avait en fait rien à mettre en scène. Pour La Vengeance c’est l’essentiel, McCord s’en sort un peu mieux en ayant la bonne idée d’insuffler une petite dose d’humour cartoonesque hérité des EC Comics. Il se veut moins sophistiqué, mais plus en phase avec le format et la nature de la série. Pour cela, il fait reposer son intrigue sur le personnage de Mr. Grunwald, campé par un Anthony Zerbe dont la trogne de second couteau est toujours la bienvenue (dans Papillon, dans Le Flic ricanant, dans Dead Zone, dans Permis de tuer….) et qui se délecte d’un rôle de tortionnaire hautain profitant cyniquement du handicap de ses victimes et de sa propre position de force confiée par l’administration sociale (ainsi, son bureau est le seul endroit du bâtiment à être richement décoré et à ne pas revêtir cette sinistre lumière bleue… alors que les résidents n’ont même pas de fenêtre, puisque de toute façon ils ne voient pas la lumière…).
Tirant le meilleur parti du naturel sadique mais non dépourvu d’humour du personnage, le réalisateur axe son épisode sur de petites idées assez régulières destinées à nuire aux pensionnaires aveugles. Autant d’humour noir de mauvais goût, bête et méchant, mais qui permet de patienter non sans déplaisir jusqu’au final. Et donc nous avons Grunewald qui renverse un sac de billes par terre, qui mure la porte des toilettes, qui coupe le chauffage jusqu’à ce que Sheila daigne se soumettre corps et bien pour soulager son sort et surtout celui de ses infortunés co-pensionnaires (car il la sait solidaire)… Rien de très recherché, mais au moins Les Contes de la crypte retrouvent leur raison d’être. On ne peut cependant pas dire que la mayonnaise prenne aussi bien au sujet de Sheila et de ses compagnons. La jeune et brave héroïne pousse à la révolte, essayant au passage d’attirer dans son camp le frère de Grunwald (joué par John Savage), homme à tout faire que la moindre désobéissance renverrait illico à l’asile dont il a été sorti pour servir de bonniche au frangin. Lui comme les pensionnaires ne sont que les prisonniers d’un directeur qui semble s’amuser de leurs tentatives de libération et du dépit que leurs échecs entraînent… Et pour cause : cela lui donnera l’occasion d’inventer une humiliation de plus, avec ou sans le concours de son chien affamé. Pour autant, peut-être dans la louable intention de ne pas épuiser trop rapidement le potentiel du personnage de Zerbe, le réalisateur accorde une place non négligeable à ces personnages qui, fatalistes ou combattifs, se révèlent malheureusement assez creux. Insultes mises à part, ils n’ont pas trop de répondant à faire valoir face au sardonique Grunwald. Autant celui-ci est digne de la série, autant ses antagonistes peinent à s’élever à son niveau et végètent dans un créneau de gentils opprimés affrontant l’adversité, seule bribe de scénario. Bien que comptant dans leurs rangs le funky Isaac Hayes, qui cède à l’occasion au cabotinage, ils manquent de relief et le réalisateur, pudique, évite de trop en rajouter dans l’exploitation de leur cécité là où il aurait pu jouer la carte du mauvais goût jusqu’au bout aux côtés du maître des lieux. De même qu’il se montre timoré avec le frère de Grunwald, dont la qualité d’homme à tout faire s’étend jusqu’aux nécessités du scénario, lequel se décantera par son aide lorsque le besoin de clôturer cet épisode se fera sentir. A ce sujet, la vengeance annoncée par le titre viendra redonner un coup de fouet en adressant au père Grunewald une punition en plusieurs étapes particulièrement adaptée à son goût pour la méchanceté. Le bougre semblera d’ailleurs apprécier l’effort à sa juste valeur…
Sans se montrer virtuose dans l’art de l’humour noir, cet épisode redresse un peu la barre d’une série qui s’égarait dans le manque d’idée (ou dans l’envie de faire autre chose). Ses qualités sont somme toute limitées et ne tiennent qu’à un personnage plutôt qu’à un machiavélisme bien réfléchi, mais enfin difficile de faire la fine bouche… Épisode anodin s’il avait été diffusé quelques saisons plus tôt, il devient méritant dans le contexte d’un essoufflement de plus en plus apparent.