Les Contes de la crypte 3-05 : Tête d’affiche – Todd Holland
Les Contes de la crypte. Saison 3, épisode 05.
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Barry Blye en a marre. Marre de ne pas trouver de rôles, aussi minimes puissent-ils être, lui qui est pourtant de son propre avis un grand acteur tout entier dévolu à l’art de la scène. La raison qu’on lui donne ? Il n’a pas le physique de l’emploi. Lancé dans cette spirale négative, il se fait narguer par son rival à succès, le très vénal bellâtre Winton, il est répudié par son agent, largué par sa copine et expulsé de chez lui par son propriétaire. En désespoir de cause, Barry décide de postuler pour le rôle d’Hamlet dans une compagnie inconnue sise dans une rue crasseuse. Et là encore, il doit souffrir de la concurrence de l’infâme Winton, venu par pure méchanceté ! Cette guéguerre intéresse peu Nelson Halliwell, le fantasque metteur en scène dont les conceptions artistiques sont très tranchées.
Histoires fantastiques pour Steven Spielberg (qui le lança après avoir vu son court-métrage horrifico-comique de fin d’études), Twin Peaks pour David Lynch, Les Contes de la crypte pour l’attelage Robert Zemeckis / Walter Hill / Joel Silver / Richard Donner et bientôt Eerie Indiana pour Joe Dante… Todd Holland -à ne pas confondre avec cet autre participant à la série qu’est Tom Holland- place son début de carrière sous le signe de la série télévisée fantastique, systématiquement sous de hautes tutelles qui pourtant ne l’amèneront jamais au pinacle hollywoodien. Depuis, s’il n’est pratiquement jamais sorti du monde de la télévision, il est en revanche sorti du fantastique, ses plus notables et prolifiques travaux étant The Larry Sanders Show (dont il a réalisé 51 épisodes sur 89 !) et Malcolm, pour lesquels il se fit également producteur. Il est désormais un téléaste reconnu, primé et occupé. Voilà pour l’inévitable pedigree du réalisateur de l’épisode du jour, qui a priori, au vu du relatif anonymat de son géniteur, a assez peu de chances de dévier de la recette classique des Contes de la crypte. L’opposition patente entre Barry, le grassouillet aigri, et Winton, le playboy pur sucre, est semblable à une multitude d’autres oppositions entre personnages antagonistes, qui généralement se soldent par un sévère retour de bâton contre un personnage principal pitoyable et méprisable à la fois. Régulier du Saturday Night Live, Jon Lovitz a presque exagérément la tête de l’emploi, ce dont Holland et son scénariste ont bien conscience, eux qui placent systématiquement face à lui des interlocuteurs venant lui rappeler qu’il n’a pas “le physique de l’emploi”. Le running gag est même habilement placé dans la bouche de Nelson Halliwell, dont le comportement imprévisible laissait pourtant augurer d’une réplique qui ne serait pas mise au diapason de celles des autres.
Holland se plait à charger la mule, et un bon tiers de son épisode est consacré à la série de problèmes tombant coup sur coup sur Barry. Non content de le maltraiter, il l’humilie immanquablement en ajoutant systématiquement de petits détails, tel que le fil dentaire qu’utilise l’agent de Barry tout en lui annonçant qu’elle ne veut plus se charger de lui. L’arrogance snobinarde dont fait preuve l’acteur raté (mais Lovitz ne s’est pas raté, lui, et excelle à retranscrire cette morgue vexée) équilibre la balance entre la pitié qu’on pourrait éprouver pour lui et la délectation de le voir ainsi se faire remettre à sa place. De son côté, sa Némésis a beau connaître le succès, c’est un crétin fini, du style à ne pas voir la manigance qui se monte contre lui. Ces personnages sont donc dans la lignée de la série, et une fois de plus cela fait mouche. Mais il faut bien admettre qu’il faut autre chose pour faire ressortir un épisode de la masse. Et cette autre chose s’avère bel et bien présente. Il s’agit en fait de quelqu’un, à savoir le sympathique John Astin, le Gomez de La Famille Addams version années 60 et l’un des habitués de Joe Dante, dans un rôle qui non seulement lui permet de voler la vedette aux deux postulants pantouflards dont pas un ne moufte face à son délirant et tyrannique enthousiasme, mais aussi de permettre à l’épisode de se démarquer par l’arrivée d’autant plus tonitruante qu’elle était inattendue d’un troisième larron au sein d’une intrigue qui se déroulait paisiblement, comme convenu, entre deux personnages. Apportant folie et exubérance, Astin incarne un personnage qui va orienter le final vers un grand-guignol de bon aloi sans en avoir la moindre conscience, s’immisçant dans les plans de Barry et faisant même de la vengeance qu’il peaufinait un point secondaire. Il balaye toutes les attentes, et si l’inévitable retournement de situation a bien lieu, il a permis que sa nature soit surprenante par sa radicalité (peu en phase avec ce que promettait le début d’épisode) et par son imprévisibilité.
Todd Holland aura respecté les consignes et les attentes du public, tout en démontrant qu’il existe aussi des moyens singuliers pour y parvenir. Maîtrisant bien la formule des Contes de la crypte, il a osé joué avec elle, et il y a fort bien réussi.
J’ai vu tête d’affiche et en faire son deuil, l’un a la suite de l’autre, et j’ai retrouvé beaucoup de similitude entre les deux. On a deux personnages principaux, antipathiques qui échouent dans ce qu’ils entreprennent, l’un parce qu’il n’arrive pas à décrocher de rôle parce qu’il n’a pas le physique de l’emploi et l’autre qui manque de professionnalisme dans son travail de journaliste. Il perd peu à peu tous ce qu’ils possèdent ( emploi, logement..) au profit d ‘un rival ( journaliste, acteur) qui le dépassent en tout point. Leurs tentatives de remonter la pente se soldera pour les deux par une fin cruelle et ironique, l’un en tentant de décrocher un scoop sur la disparition de SDF qui n’émeut personne, tandis que l’autre cherchera à tous prix à décrocher un rôle dans une pièce de théâtre au fin fond d’une ruelle.