Alerte ! – Wolfgang Petersen
Outbreak. 1995.Origine : États-Unis
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Après que le Colonel Sam Daniels (Dustin Hoffman) ait constaté un réveil du virus Ebola dans un village isolé du Zaïre, des habitants de la bourgade américaine de Cedar Creek présentent des symptômes analogues. Le fautif ? Un singe importé d’Afrique et porteur de la maladie. Et plus grave, le virus a muté, devenant transmissible également par les airs. Rapidement mise en quarantaine, la ville de Cedar Creek devient l’enjeu d’une lutte d’influences entre l’intraitable Général en chef Donald McClintock (Donald Sutherland), partisan de sacrifier les habitants pour prévenir d’une expansion de la pandémie et Sam Daniels, ce dernier ne ménageant pas ses efforts pour retrouver le singe dans le but de créer un vaccin. Une course contre la montre s’engage alors.
Il fut un temps, jadis, où les gens aimaient se rendre en masse au cinéma assister aux spectacles d’un aéroport soumis à une alerte à la bombe (Airport), de passagers cherchant à s’extraire d’un bateau de croisière qu’une déferlante a mis sens dessus-dessous (L’Aventure du Poséidon), d’un building rongé par les flammes (La Tour infernale) ou encore d’habitants de Los Angeles confrontés à un séisme (Tremblement de terre). Et tout ça suivant une recette immuable à base de – plus ou moins – grands noms au service de personnages stéréotypés dont on suit de prime abord les fastidieuses présentations avant de les voir se dépêtrer de la catastrophe annoncée. Forcément à la longue, la recette lasse, quand bien même le lot de menaces se diversifie convoquant là des insectes mutants (Les Insectes de feu) ou là un virus à bord d’un train condamnant ses passagers à une mort certaine (Le Pont de Cassandra). Réalisé près de 20 ans après ce dernier, et rouvrant ainsi la parenthèse du cinéma catastrophe que l’on croyait s’être définitivement refermée durant les années 80, Alerte ! présente quelques points communs avec le film de George Pan Cosmatos, à savoir la menace représentée par un virus et le rôle ambigu tenu par l’armée. Le film de Wolfgang Petersen digresse autour du virus Ebola qui au début des années 90 s’était introduit aux États-Unis via des singes en provenance d’une ferme aux Philippines. Si cette importation d’animaux sauvages n’a alors pas engendré de pandémie, elle a néanmoins suffisamment stimulé l’imagination des scénaristes au point que deux projets concurrents ont tenté de se monter en parallèle. Le premier – Crisis in the Hot Zone – devait être dirigé par Ridley Scott et mettre en vedette Jodie Foster et Robert Redford et semblait coller au plus près de sa source d’inspiration. Le soudain désistement des deux comédiens a conduit le projet dans une impasse à l’aune de son concurrent porté par la Warner et à la pré-production plus avancée sur lequel Wolfgang Petersen a jeté son dévolu après avoir eu les deux scénarios sous les yeux. Loin d’être un esthète, le réalisateur allemand sait se montrer efficace comme l’a prouvé son travail précédent, le thriller Dans la ligne de mire. Et efficace, Alerte ! l’est assurément, même s’il n’évite pas quelques grosses ficelles pour parvenir à ses fins.
Nanti d’une distribution prestigieuse Alerte ! tourne cependant le dos à l’aspect choral généralement rattaché au film catastrophe en se plaçant d’emblée du côté des sachants. Le citoyen lambda n’intéresse Wolfgang Petersen que de manière ponctuelle, en guise de marqueur de l’évolution et de la propagation du virus. C’est d’abord ce cariste qui, en s’adonnant à un trafic d’animaux exotiques à petite échelle, enclenche la vague épidémique. Les spectateurs rompus au drame romantico-médical de Grey’s Anatomy reconnaîtront sous les traits du susnommé Jumbo Scott Patrick Dempsey, à des lieues du rôle du Docteur Derek Shepherd qui assurera sa popularité, sans quoi il aurait tout de suite su de quoi il souffrait. Puis ce soignant accidentellement infecté par le sang d’un patient et qui à son tour contamine ses concitoyens en toussant aux quatre vents dans une salle du cinéma de la ville. Et c’est également cette mère de famille qui, présentant les symptômes de la maladie, quitte les siens pour une mise en quarantaine aussi incertaine que traumatique. Bien qu’au cœur des enjeux du film, les habitants de Cedar Creek demeurent en retrait de l’intrigue, leur sort n’étant plus entre leurs mains dès lors que la machinerie militaire se met en branle. Le Général en chef Donald McClintock (le toujours délectable Donald Sutherland en salopard galonné) les désigne cyniquement comme des victimes de guerre, des pertes inévitables sacrifiées sur l’autel de l’intérêt de la sécurité nationale. Sur ce point, Alerte ! nous montre un pays totalement assujetti à ses militaires et à leur expertise. La presse se retrouve muselée, faute d’informations à se mettre sous la dent, et il n’est jamais fait mention du Gouverneur de la Californie dans la chaîne des décisions à prendre. Quant au Président des États-Unis, il est aux abonnés absents, opportunément suppléé par le secrétaire d’État à la Maison Blanche auquel incombe la lourde tâche d’autoriser l’opération « table rase » appelée de ses vœux par McClintock. Un parti pris qui va dans le sens du climat complotiste instauré par Wolfgang Petersen. Le “grand méchant” de l’histoire n’est pas tant le virus en lui-même que ce qui se trame en coulisses, dans les bureaux de ces hauts-galonnés qui distribuent les bons et les mauvais points à leur guise, décidant qui doit vivre et qui doit mourir et ce dans l’unique but de masquer leurs agissements passés. Le film ne se montre pas tendre envers la Grande Muette, dont elle fustige le culte du secret et sa protection à degré variable du citoyen. Par son déploiement de force et cette mise en quarantaine musclée de Cedar Creek, Alerte ! évoque par instants La Nuit des fous-vivants de George A. Romero. En moins radical, cependant. Si des habitants trouvent la mort en tentant de forcer le cordon de sécurité établi autour de la ville, ce n’est qu’en état de légitime défense, après qu’ils aient eux-mêmes ouvert le feu sur les soldats chargés de les ramener à la raison. Ici, la révolte ne vient pas du peuple mais d’un gradé, le docteur Colonel Sam Daniels, pour qui le serment d’Hippocrate prévaut sur l’allégeance au drapeau.
A sa manière, le docteur Colonel Sam Daniels s’apparente à un lanceur d’alertes. Son credo “Mieux vaut prévenir que guérir” lui vaut quelques remontrances de sa hiérarchie pour ses élans alarmistes. Au sein de la lourde machinerie militaire, il se singularise par son tempérament frondeur et farouchement indépendant. En outre, il se voue corps et âme à son métier, quitte à ce que cela empiète sur sa vie privée. Nous le découvrons ainsi au début du film en homme meurtri. Il doit composer avec le départ imminent de sa collaboratrice et ex femme Roberta Keough, laquelle quitte les rangs de l’armée pour rejoindre le Centre de dépistage des maladies à Atlanta. Un détail qui a son importance car non seulement la tournure des événements les amène à retravailler ensemble mais aussi à renouer sur le plan intime. Un poncif inhérent au film catastrophe qui paraît quelque peu déplacé dans le cas présent puisque l’enjeu consistant à sauver les habitants de Cedar Creek se retrouve dilué dès lors que Roberta présente à son tour les symptômes de la maladie. Sam Daniels n’avait pourtant nul besoin de motivation supplémentaire pour s’acquitter de sa mission. A croire que le drame en cours ne peut se passer d’une dimension intime pour toucher le public. Concrètement, cette péripétie n’apporte rien au récit, si ce n’est baliser le chemin vers la fin heureuse d’usage en instrumentalisant la tragédie. Le dernier plan du film n’est donc pas celui d’une ville et de ses habitants sauvés de la disparition mais celui de Sam et Roberta souriant à la perspective d’un nouvel avenir en commun. Avant ce plan, parfait instantané d’un bonheur retrouvé, le film aura emprunté au thriller à la faveur de cette course contre la montre dans laquelle se lance Sam Daniels afin de remettre la main sur le « patient 0 », en l’occurrence ce singe importé du Zaïre. Ce qui, dans la dernière partie du film, offre la possibilité à Wolfgang Petersen d’orchestrer un ballet aérien entre hélicoptères, petit écot qu’il s’autorise au cinéma d’action, et de conférer une stature héroïque à son personnage principal en rejouant ce funeste jour du 6 août 1945 à un niveau local. La bombe à hydrogène remplace la bombe A et l’issue est évidemment plus heureuse. 2500 vies américaines valent mieux que des centaines de vies japonaises. Et puis l’opinion publique aurait certainement très mal vécu qu’on sacrifie ainsi des américains plutôt que d’essayer de les sauver. Les autorités américaines ont en tout cas si peu apprécié l’image que le film renvoie de l’armée qu’elles ont catégoriquement refusé de collaborer avec la production. Un cas rare pour un film de studio qui rendrait presque Alerte ! subversif.
Découvrir ou redécouvrir ce film de Wolfgang Petersen revêt une saveur particulière à l’heure du Covid 19. Quand bien même le film se permette d’égratigner l’image de l’armée en fustigeant sa duplicité, le déploiement de force de celle-ci et le matériel qu’elle a à sa disposition laisse rêveur. La menace est ici rapidement prise au sérieux au point de réussir à circonscrire le virus dans le périmètre d’une petit ville là où dans la réalité, la pandémie a essaimé sur l’ensemble du territoire à une vitesse exponentielle. Alerte ! cultive encore l’image d’un pays tout puissant, capable de prendre la mesure du problème et de régler cela en deux temps trois mouvements. Un vœu pieu que l’actualité a battu en brèche, les États-Unis se retrouvant aussi, voire davantage démunis que d’autres pays qu’elle se plaît d’ordinaire à fustiger.
Je crois que Dustin Hoffman avait dit que le seul souvenir mémorable qu’il avait du film était qu’il pouvait péter dans sa combinaison. Sinon je ne l’ai pas vu mais quand vous avez parlé des films catastrophes, vous m’avez rappelé que Wolfgang Petersen avait réalisé le remake de L’Aventure du Poseidon avec Kurt Russell, le film ayant fait un bide, malgré ses quelques qualités, ça boucle peut-être la boucle concernant les films catastrophe si l’on compte les films de Roland Emmerich.
Ponctuellement, les films catastrophe reviennent sur les écrans. Récemment, on a eu droit à San Andreas avec Dwayne Johnson ou encore Hurricane. Pompeii de Paul W.S. Anderson peut aussi être comptabilisé dans le lot.
C’est plutôt assez ponctuel, et les images de synthèses ne retranscrivent pas aussi bien que des effets spéciaux en durs.