Les Contes de la crypte 3-01 : Un amour éternel – Tom Mankiewicz
Les Contes de la crypte. Saison 3, épisode 01.
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Encore un grand nom pour Les Contes de la crypte : Mankiewicz. Et tant pis si son prénom n’est pas Joseph mais Tom… Il s’agit de son fils, dont le CV n’est toutefois pas totalement vierge, encore que sa principale activité ait été celle de scénariste. Beaucoup de travaux en tant que “script doctor”, dont les deux premiers Superman, mais aussi une période très bondienne avec Les Diamants sont éternels, Vivre et laisser mourir, L’Homme au pistolet d’or et, de façon non officielle, L’Espion qui m’aimait et, vaguement, Moonraker. Sa carrière de réalisateur débuta en prolongement de sa carrière de scénariste, lorsqu’il accepta de revoir le script d’un pilote de série télévisée moyennant des opportunités de réalisation. C’est ainsi qu’il finit par réaliser treize épisodes de Pour l’amour du risque. Prélude à une toute petite carrière derrière la caméra, puisqu’il ne réalisa alors que deux longs métrages, deux téléfilms et cet épisode des Contes de la crypte qui a l’insigne honneur d’ouvrir la saison 3 en cet été 1991.
Edward (Andrew McCarthy) est un scénariste nul, qui se plaît à truffer ses scénarios de romances qu’une sitcom se traînant en longueur refuserait d’utiliser. Et pourtant, Edward sort ses idées de sa propre conception de l’amour… Un beau jour, il tombe médusé sur sa voisine Miranda (Mariel Hemingway), actrice vaniteuse sans emploi et exacte réplique de la femme de ses rêves ! Hélas pour lui, conquérir son cœur ne sera pas aisé. Une seule solution : demander l’aide du propriétaire (David Hemmings), mystérieux bonhomme passant son temps à espionner ses locataires via les caméras de surveillance. Muni d’une fiole de liquide à glisser dans le verre de sa muse, Edward touche au but. Il va même le dépasser.
Pas une once d’horreur dans cette ouverture de saison minimaliste. En revanche, une forte tendance à user de cet humour parodique si caractéristique de la série et qui concerne en premier lieu les personnages, résolument tournés en ridicule. C’est ce qui fait le sel de cet épisode qui se plait à ironiser sur les coups de foudre à l’eau de rose et sur les bons sentiments qui constituent une plaie récurrente du cinéma ou de la télévision, mondes que rêveraient d’intégrer les deux protagonistes principaux. La vie rêvée de Edward est un concentré de niaiserie rare et d’hypocrisie crasse. Mankiewicz cueille d’ailleurs le spectateur à froid en ouvrant son épisode sur le fantasme ridiculissime du scénariste gaga, qui se voit rentrer du travail avec un sourire béat pour être accueilli par une blonde ménagère symbolisant le cliché puritain des années 50, mais qui après quelques mots tendres ne peut contenir son envie d’être prise là, maintenant, sur la table de la cuisine. Dans cette scène, tout a déjà été dit du personnage principal, de sa conception de l’art et de son romantisme de pacotille qui n’a d’autre but que d’enrober convenablement une simple envie de domination sexuelle. Tout le reste ne sera que la quête du fantasme de ce raté intégral qui se rêve en héros de La Vie est belle de Capra (il s’imagine sur l’affiche en lieu et place de James Stewart), comparaison qui ne peut qu’augmenter le mépris que l’on ressent pour cet Edward timoré de la pire des façons. Ce n’est pas le post adolescent timide, ce n’est pas l’ahuri maladroit, ni même le cliché du petit obsédé qui truffait les comédies sexy italiennes. C’est juste un crétin au visage poupon et à l’idéal de vie frelaté. Caractéristique qui a son importance dans le traitement humoristique entrepris par le réalisateur, puisqu’en le montrant ainsi après nous l’avoir présenté sans fard dans l’introduction, il ne fait que souligner l’hypocrisie de la cour insistante -avec bouquet de fleurs et compliments obséquieux- qu’il mène auprès de sa voisine.
De son côté, la demoiselle censée être la dulcinée du brave héros n’est rien d’autre qu’une vulgaire actrice d’une prétention sans commune mesure avec les rôles auxquels elle postule, et qu’elle a déjà obtenus. Transportant la caricature de la starlette prête à tout pour réussir jusque dans son cadre privé, elle ne se donne pas la peine de prendre des gants et se montre particulièrement odieuse envers quiconque ne disposant pas d’une situation supérieure à la sienne. C’est ainsi qu’elle déclare textuellement à son prétendant qu’elle refusera de sortir avec lui tant qu’il n’aura pas eu de succès sérieux. Voilà le genre de donzelle sur laquelle fantasme Edward. Il va sans dire que la confrontation des deux se révèle savoureuse, brocardant au passage le petit monde gravitant avec envie autour de Hollywood.
Finalement, les caractéristiques de ces personnages seraient suffisantes à faire tenir l’épisode debout. Mais il y a cette valeur ajoutée, la petite blague concoctée par ce propriétaire reclus, visiblement habitué à ce genre de situation (il n’en est pas à son coup d’essai apprendrons-nous), qui permet d’aller au delà en humiliant comme il se doit les deux spécimens, transformant l’actrice en vulgaire nymphomane sans honte et le lubrique non-assumé en esclave sexuel. Tant et si bien qu’au final, nous éprouvons bien de la sympathie pour ce proprio qui n’aurait pu être qu’un vulgaire voyeur mais qui se complait à rendre la monnaie de leur pièce à deux êtres médiocres. Il agit de façon bête et méchante, et en le rendant sympathique (par comparaison avec les deux autres plus que directement), Mankiewicz nous fait également raisonner de façon bête et méchante. C’est le propre des Contes de la crypte que de casser la bonne morale et, le temps de quelques épisodes, de nous permettre de se laisser aller à un certain sadisme rigolard. Un amour éternel a beau être dépourvu d’horreur, il n’en représente pas moins ce qui fait la qualité première de la série.