La Cinquième dimension 1-01 – Wes Craven
La Cinquième dimension (Twilight Zone)Saison 1, épisode 1. 1985 |
Le Jour de la déchirure
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Un soir comme un autre, Peter Jay Novins va dans un bar pour un rendez-vous. Voulant appeler quelqu’un, il demande le téléphone au barman et, après avoir composé le numéro, il se rend compte qu’il vient de se tromper et qu’il a appelé chez lui. Il est prêt à raccrocher lorsque, contre toute attente, quelqu’un décroche. Ce quelqu’un affirme être Peter Jay Novins… Incrédule, le Peter du bar commence par prendre ça à la rigolade, persuadé qu’un de ses amis lui fait une blague. Il réalisera bientôt que non, que l’intrus est véritablement lui-même, et que non seulement il occupe son appartement mais aussi sa vie, qu’il affirme devoir reprendre vu ce que le Peter d’origine en faisait…
Difficile de prendre en défaut ce premier segment du premier épisode de La Quatrième dimension nouvelle mouture : son histoire aurait été digne de recevoir l’approbation de Rod Serling, et elle ressemble d’ailleurs à plusieurs épisodes de cette époque. Les successeurs de Serling jouent clairement la carte de la continuité et, au moins pour ce premier épisode, ne se contentent pas d’exploiter opportunément une marque déjà connue. Pas plus qu’ils ne restent scotchés à leurs références, puisqu’un évident effort de modernité à été fait, pas seulement avec l’apport de la couleur mais aussi par les personnalités engagées pour siffler le coup d’envoi de cette nouvelle version de La Cinquième dimension. Ainsi, pour inaugurer la série en adaptant une nouvelle de Harlan Ellison également consultant créatif (un pari risqué vu la haine notoire que ce dernier voue aux productions télé), c’est Wes Craven qui a été embauché, fort du récent carton critique et commercial que fut Les Griffes de la nuit, venu revitaliser une carrière qui après La Dernière maison sur la gauche et La Colline a des yeux avait baissé d’un ou deux crans. Craven venait de retrouver un second souffle, et il n’était alors pas impossible de croire qu’il maintiendrait son élan. Pour le servir, un acteur sur la pente ascendante : Bruce Willis, pas encore associé au cinéma d’action mais qui était incontestablement en train de s’imposer dans la série Clair de lune. Un réalisateur au zénith, un acteur qui faisait sensation sur le petit écran, il n’en fallait pas plus pour promouvoir ce Jour de la déchirure qui se veut purement narratif. Pas l’ombre d’une scène d’action à l’horizon, et la rencontre entre les deux Peter Jay Novins n’intervient qu’en guise de conclusion. Tout le reste se déroule en conversation téléphonique. Une fois passée l’étrangeté des évènements et quelques manœuvres infructueuses du Novins lésé pour nuire à ce qu’il considère comme un usurpateur, il devient clair que le scénario se veut une réflexion sur le sens de la vie. Ce qui peut paraître assez pompeux dit comme ça, mais qui est traité sous l’angle de l’ironie non dépourvue d’une certaine compassion. Car il devient assez vite clair que Novins ne récupérera jamais sa place et que son alter-ego, quelle que soit la raison de son apparition (les deux émettent d’ailleurs des hypothèses au cours de leur conversation), est là pour durer et pour progressivement effacer le souvenir du bel enfoiré qu’était le Novins d’origine. Renouant avec des proches qu’il s’était mis à dos, s’excusant de ses trahisons passées, adoptant une éthique professionnelle sur laquelle l’autre s’asseyait, c’est toute une vie que le nouveau venu reprend en main. Notons la performance peu spectaculaire mais assez subtile de Bruce Willis, qui d’un côté incarne un homme bon et sûr de son fait, et de l’autre le même homme, un salaud, qui passe d’un état d’esprit rigolard à la colère, à la résignation puis à l’effacement (l’intrigue se déroule sur plusieurs jours dénommés par des jeux de mots). D’un côté on peut s’amuser de voir un homme aussi vaniteux se faire voler sa vie, et de l’autre on le prend également en pitié pour la même raison. Là naît d’ailleurs le principal reproche que l’on peut adresser à cet épisode, qui se pare d’un certain côté moralisateur assez peu en phase avec ce que faisait Wes Craven 10 ans plus tôt. Tant La Dernière maison sur la gauche que La Colline a des yeux montraient comment la barbarie pouvait naître chez n’importe qui : chez les parents vengeurs d’une jeune femme assassinée ou chez une famille civilisée confrontée à la lutte pour sa survie face à une famille de sauvages. Ici, au motif qu’il faudrait se montrer bon pour profiter de sa vie, le nouveau Novins écrase l’ancien qui n’en faisait rien. La leçon de vie ainsi assénée ressemble fort à une leçon de morale, qui aurait pu passer sans anicroche si toutefois Craven avait fait la part belle à l’humour noir (à la manière des Contes de la crypte). Plus en phase avec la tonalité de La Quatrième dimension, il s’est bien gardé de dépasser le stade de l’ironie et a préféré miser sur davantage d’introspection, faisant du coup ressortir l’amertume d’une situation, donnant logiquement à son segment un goût amer.
Une petite paix bien tranquille
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Penny est une mère de famille débordée. Entre les enfants insupportables, le mari exigeant, le chien aboyeur et plus globalement le monde environnant toujours agité -la guerre froide se réchauffe !-, elle rêve de connaître de savoureux instants de calme et de solitude. Son vœu sera exaucé en découvrant un médaillon enterré dans le jardin. En le portant, et en demandant à ses interlocuteurs de se taire, le monde se fige et Penny peut dès lors profiter du calme. Il lui suffit d’autoriser les autres à parler pour que la situation revienne à la normale.
Wes Craven encore pour cette deuxième moitié d’épisode qui, elle aussi, disserte sur la vie en se basant sur une situation caractéristique de La Quatrième dimension et qui, elle aussi, est dépourvue de tout côté spectaculaire. Car cette mère de famille qui trouve le moyen d’avoir la paix emploie ce temps en bonne petite bourgeoise qu’elle est : elle en profite pour faire les courses sans attendre à la caisse (mais elle paye quand même !), sans avoir à se disputer avec une autre mère de famille pour la dernière boîte de céréales pour enfants, elle éloigne les activistes faisant du porte à porte, elle mange dans le calme avant que ne se déchaînent les enfants… Tout au plus se permet-elle, après bien des hésitations, de mettre une main aux fesses d’un bellâtre. Autant dire que la “petite paix bien tranquille” du titre est un peu trop tranquille pour le spectateur, qui ne s’amusera pas vraiment devant cette liberté qui transforme une ménagère stressée en ménagère insouciante sans qu’aucun aspect de sa vie n’en soit foncièrement impacté. Celle qui consacre sa vie à sa famille continue de le faire, la seule différence étant qu’elle peut dorénavant prendre des pauses. Grand bien lui fasse, mais cela n’est pas vraiment captivant. N’y avait-il vraiment aucun autre débouché aux pouvoirs du médaillon ? Bien entendu que oui, mais Craven, profitant de la courte durée de ce demi épisode, a sacrifié la forme au profit du fond. A l’inverse du précédent segment, qui restait intriguant mais développait une morale douteuse, celui-ci ne capte pas l’attention mais développe un raisonnement intéressant. Penny fait preuve d’une grande futilité, et en cela le réalisateur compose une satire des aspirations limitées d’une femme comme elle. Et cette futilité finira par lui retomber dessus pour une raison bien précise : Penny aura pris sa propre petite personne pour le centre de l’univers. En contrôlant son environnement immédiat, qui est pour elle la seule chose concrète, elle croyait pouvoir tout contrôler. Or, à moins de figer la planète une bonne fois pour toute, ce qui n’est certainement pas dans son propre intérêt, le monde continue de tourner et elle n’a aucune emprise ni aucune volonté d’interagir sur ce qui peut se passer loin d’elle. Le choc sera rude lorsqu’elle se rendra compte que la ménagère qu’elle est, et que le pouvoir qu’elle a acquis, sont dérisoires face aux évènements du monde réel, celui de la guerre froide.
Le bilan à tirer de ce première épisode de La Cinquième dimension est mi-figue mi-raisin : aucun des deux segments qui le compose n’est parfait, et aucun des deux n’est tout à fait mauvais. Bien qu’il ne vaille que pour ses dernières minutes permettant de donner un sens au vide qui l’a précédé, Une petite paix bien tranquille est plutôt bon, tandis que Le Jour de la déchirure, en dépit de la louable prestation de Bruce Willis, saborde l’étrangeté de son postulat par un propos conformiste typiquement télévisuel. Ceci dit, dans un cas comme dans l’autre, on note une volonté de donner du sens à une série qui pour son ouverture joue la carte de la profondeur, les deux intrigues se servant du fantastique pour discourir sur l’humanité. Une ambition un peu déraisonnable mais expliquant peut-être pourquoi l’ex prof de philosophie Wes Craven s’est laissé entraîner dans une aventure aussi hasardeuse, lui dont l’irrégularité est la marque de fabrique.
C’est avec cet épisode de La Cinquième dimension que je voulais rendre hommage à Bruce Willis. Il aura été un acteur que je n’ai pas trop aimé mais dont la carrière m’intéressait. Le dernier film que j’ai vu de lui au cinéma reste Glass de Night Shyamalan, que j’ai beaucoup apprécié.
Il aura été inégal jusqu’au bout. Sa filmographie, à part une poignée de films, n’est pas inoubliable. Ses performances d’acteurs aussi. Tout le monde se souviendra de lui pour Die Hard mais ironiquement, c’est ce que je déteste le plus, le personnage de John McLane m’étant insupportable. Je retiendrai ses personnages de tueur dans Le Chacal (1997) et Dernier Recours (1996), Mon voisin le tueur (1999), son personnage de David Dunn dans Incassable (2000) et Glass (2019), et quelques films sympa comme Le 5eme élèment , Armageddon, Sin City, …..
Quand il le voulait, Bruce Willis pouvait être un excellent acteur. Nonobstant la qualité des films en eux-mêmes, il est très bon dans La Mort vous va si bien, Le Bûcher des vanités ou encore Moonrise Kingdom. Sans oublier ce tournant au mitan des années 90 où il enchaîne Pulp Fiction et L’Armée des 12 singes, deux jalons importants de sa carrière.
C’est comme vous dites, c’est quand il le voulait, mais bon il était pas un adepte de refaire plusieurs fois les mêmes scènes, mais bon je comprends pourquoi j’avais l’impression que Glass m’était plus en vedette McAvoy, que Bruce Willis. Par contre je me suis dit qu’il suffisait juste au personnage de McAvoy pour ne pas changer de personnalité dans sa cellule face au flash.
Pour en revenir à Bruce Wilis, je lui souhaite d’aller mieux et de profiter sa retraite, il m’a donné des films que j’ai apprécié, mais il est temps qu’il s’occupe de lui meme.