Histoires fantastiques 2-09 : Un puits d’or – Todd Holland
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Amazing Stories. Saison 2, épisode 9
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Depuis le décès de sa mère, Dora Johnson mène une existence morose en compagnie de Calvin, son irascible et odieux beau-père. Dans ce ranch reculé où personne ne vient jamais, Calvin traite Dora comme sa bonniche, exigeant d’elle qu’elle s’acquitte de toutes les taches ménagères. Et comme si cela ne suffisait pas, il lui demande de l’assister dans le forage toujours plus profond du puits sis dans la cour, à la recherche d’une hypothétique nappe phréatique. Les journées s’égrènent ainsi, longues et monotones jusqu’à ce jour où le sol du fond du puits se dérobe sous les pieds de Calvin, manquant de l’emporter avec lui. Désireux d’en connaître la nouvelle profondeur, Calvin attache une lampe torche à une ficelle et la déroule jusqu’à son terme sans en toucher le fond. Alors qu’il s’apprête à la réenrouler, quelque chose, ou quelqu’un, tire dessus avant de la lâcher. Une fois remontée à la surface, la lampe-torche à laissé place à une bourse contenant de l’or. Et un message indéchiffrable dont la teneur intéresse moins Calvin que la possibilité d’avoir découvert un trésor insoupçonné et providentiel.
Pour sa deuxième participation à la série, Todd Holland délaisse le confort du quartier pavillonnaire de Un vrai cauchemar pour la rusticité d’une vieille bicoque perdue dans une zone aride de l’ouest américain. Un environnement guère fréquenté par la série, si ce n’est le temps d’une reconstitution de la prise de fort Alamo dans le triste épisode Le Messager d’Alamo. Des contrées que David Carradine connaît bien pour les avoir arpenteés durant 3 saisons de 1972 à 1975 dans le rôle de Kwai Chang Caine, moine shaolin en exil dans l’Amérique du 19e siècle, puis, entre autres, au début des années 80 en Cole Younger dans Le Gang des frères James de Walter Hill. Un acteur à la carrière protéiforme qu’on a pu voir aussi bien chez Ingmar Bergman (L’Oeuf du serpent), Martin Scorsese (Bertha Boxcar, Mean Streets), Robert Altman (Le Privé) ou plus récemment Quantin Tarantino (Kill Bill) que chez Fred Olen Ray (Armés pour répondre), Jean Yanne (Je te tiens, tu me tiens par la barbichette) ou encore Paul Bartel (La Course à la mort de l’an 2000). Un visage familier que nous ne sommes guère étonnés de croiser par ici. Face à lui, Kyra Sedgwick, une actrice encore débutante qui elle aussi connaîtra la postérité grâce à un rôle récurrent dans une série télé, en l’occurrence celui de Brenda Leigh Johnson dans Closer : L.A. enquêtes prioritaires. Elle est d’ailleurs la véritable héroïne d’un récit qui se joue en vase clos entre la figure castratrice du beau-père et la belle-fille trop servile. Le postulat de Un puits d’or offre à Dora une inespérée porte de sortie qu’elle saura ouvrir sans perdre ses valeurs. Car il en est aussi question dans cet épisode, soucieux de délivrer un message positif à l’aune d’une conclusion en trompe-l’oeil.
Loin de la sophistication maniaque de sa précédente participation à la série, ces contrées désertiques et arides où se déroule l’intrigue amène Todd Holland à une plus grande simplicité. Le fantastique se déploie hors-champ, laissant libre cours à l’imagination du spectateur. Cette rencontre d’un autre type se noue par un échange “épistolaire” et une certaine idée du troc. Dans ce contexte, ceux qui peuplent les profondeurs de la terre importent moins que ce que leurs richesses disent de nous-mêmes. Ils servent de prétexte à Todd Holland pour disserter sur le genre humain. Dans sa pensée étriquée de mâle dominant, Calvin ne voit dans cette “rencontre” que l’argent à gagner. Dora, elle, voit plus loin. Elle cherche à entrer en contact avec eux, à tenter d’établir un dialogue. Si elle se réjouit elle aussi de cet argent tombé du ciel, ou plutôt remonté des entrailles de la terre, elle n’en fait pas une fin en soi. Elle a conscience du cadeau qui leur est fait et n’a pas l’intention d’abuser de cette générosité. En somme, elle accepte l’offrande mais s’oppose à un pillage en bonne et due forme. Tout le contraire de Calvin qui retrouve alors des réflexes ancestraux. Lui le cowboy sur le retour qui tente désespérément de faire commerce du passé (il passe des cailloux à la bombe à peinture dorée pour les vendre en tant que pépites d’or), s’abandonne à ses pulsions protectionnistes. Il considère cet or comme le sien car trouvé sur ses terres, oubliant sciemment dans quelles conditions celles-ci ont été obtenues. Deux Amériques s’opposent alors. Une plus vertueuse avec Dora qui est prête à s’ouvrir à l’autre et une plus belliqueuse avec Calvin pour qui tout ne peut se régler que les armes à la main. A tous les niveaux, Calvin a les traits d’une Amérique qu’on aimerait révolue, machiste et violente. Il n’attend rien d’autre de Dora que de reprendre le rôle laissé vacant par sa défunte mère : assurer l’entretien de la maison, lui faire à manger et l’aider dans ses travaux. Qu’elle dévoile un goût prononcé pour la musique (country, cela ve de soi), et il s’empresse de la rabaisser, coupant au passage les cordes de sa guitare pour ne plus avoir à l’entendre jouer. Par ce geste, il acte une rupture irrémédiable. De manière symbolique, il libère définitivement Dora de cette vie de servitude. Cela passe par de la désobéissance discrète (en son absence, elle envoie de la nourriture dans le puits) puis par l’envie d’en finir une bonne fois pour toute (après l’avoir envoyé dans le puits armé jusqu’aux dents, elle est à deux doigts de trancher le seul lien qui relie Calvin à la terre ferme). Sauf que cette impulsivité meurtrière ne lui correspond pas. Elle vaut mieux que ça, ce que le final se chargera de lui rappeler.
Un puits d’or tranche radicalement avec l’ordinaire de la série. Par sa sobriété, d’une part, mais surtout par son sous-texte. Tout en restant dans les clous d’une série tout public, cet épisode en dit long sur une certaine Amérique, celle de ces rednecks que cinéma comme télévision aimaient à brocarder. Une Amérique à l’étroitesse d’esprit qui se complaît dans l’exaltation de valeurs surannées jusqu’à l’excès. Si l’épisode pâtit de la redondance de son dispositif, il soigne sa conclusion en fustigeant avec une sourde ironie la cupidité de son cowboy d’opérette.