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Gun – James Sadwith

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Gun. 1997

Origine : États-Unis 
Genre : Anthologie 
Création : James Sadwith

En dépit de l’importance que peut prendre le nom de Robert Altman sur la jaquette, Gun n’est en aucun cas une série créée à son initiative. Il ne sert que de prête-nom, de caution commerciale au scénariste James Sadwith, lequel a entre autres travaillé sur les séries Crossroads et Les Anges du bonheur (que du lourd !), véritable instigateur de cette anthologie de 6 épisodes dont le seul dénominateur commun est la présence dans chacun d’entre eux d’un Colt 45 semi-automatique à la crosse nacrée. Dans un pays comme les Etats-Unis où les armes sont en vente libre, ce pistolet passant de main en main aurait pu servir le propos d’une allégorie de leur dangerosité entre des mains peu expertes et de leur (trop) libre circulation sur le sol américain. A l’aune du pré générique du premier épisode – Le Coup de feu–, la série semble emprunter ce chemin (un père de famille s’offre un pistolet pour protéger sa famille, mais en l’essayant, manque de provoquer un accident mortel), pour mieux l’ignorer par la suite en jouant davantage la carte de la satire, de l’ironie ou encore du drame domestique. Une frilosité qui s’explique par la volonté de James Sadwith d’obtenir le feu vert pour une deuxième saison. Un bien mauvais calcul puisque de seconde saison, il n’y en a jamais eu…

Episode 1 : Le Coup de feu (The Shot).
Réalisation : James Foley
Avec : Daniel Stern, Kathy Baker, Ed Begley Jr., Kathy Ireland…

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Passé un pré générique en forme de message préventif, Le Coup de feu narre les (més)aventures de Harvey Hochfelder (Daniel Stern), un comédien de seconde zone qui voyant sa carrière au point mort, décide de quitter Los Angeles avec femme et enfant. En chemin, il s’arrête à une station-service, bientôt braquée par deux voyous, dont l’un tente de s’échapper au volant de sa voiture, et dans laquelle se trouve son fils. Sous le coup de l’adrénaline et de la colère, Harvey parvient à arrêter le braqueur, devenant ainsi le héros du jour des médias. La télévision lui faisant les yeux doux pour porter à l’écran son histoire, Harvey négocie avec les patrons de la chaîne pour que cela soit lui-même qui interprète son propre rôle, voyant là une occasion unique de relancer sa carrière. Un conte de fées qui n’est pas loin de virer au cauchemar lorsque les amis du braqueur placé sous les verrous par sa faute décident de le venger.

Réalisé par James Foley (Comme un chien enragé, Glengarry Glen Ross), ce premier épisode joue volontiers la carte de la satire, raillant cette tendance de la télévision américaine à se jeter sur le moindre fait divers pour en tirer un téléfilm quelconque. Harvey Hochfelder est de ces “héros” du quotidien dont les médias adorent faire leurs choux gras, trouvant là le terreau idéal à des fictions qui flattent l’honnête concitoyen dans le sens du poil, tout en fustigeant un environnement à la dangerosité de plus en plus prégnante. Des spots de pub gratuit pour la National Riffle Association, en somme… Autrefois catalyseur de ses angoisses, le pistolet devient progressivement aux yeux d’Harvey un objet rassurant, compagnon indispensable à sa quiétude. De fait, entre un tournage qui relate l’agression dont il a été victime, et les menaces dont il fait l’objet, et qui le pousse à ne plus sortir sans son arme, Harvey se retrouve pris au piège d’un cercle vicieux, prisonnier de tout ce qu’il a voulu fuir (violence et incivilités omniprésentes, cynisme des producteurs). Pris à son propre jeu, il finit par tourner le dos à celui qu’il a été, ainsi qu’à sa famille, aveuglé par les sunlights du vedettariat. Pour lui, tout ce qui lui arrive sonne comme la revanche du petit comédien bafoué sur un système qui n’avait pas su percevoir son talent. A l’image pourtant, Harvey demeure cet homme simple qu’il a été, arborant jusqu’au terme de l’épisode la tenue qu’il portait au début de toute cette histoire. James Foley joue beaucoup sur le décalage des situations, transformant cette histoire au potentiel dramatique en une farce alerte, quoique pas assez incisive. Quant à la dernière scène de l’épisode, elle clôt le récit sur une faute de goût dont il aurait aisément pu se passer. Le bilan s’en retrouve ainsi mitigé.

Episode 2 : Richochet (Ricochet).
Réalisation : Peter Horton
Avec : Martin Sheen, Nancy Travis, Christopher McDonald, Bud Cort…

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L’heure de la retraite a sonné pour l’inspecteur Van Guiness (Martin Sheen). Or ce dernier souhaiterait rendre son insigne après avoir résolu une enquête digne de ce nom. Il pense l’avoir trouvée suite au meurtre mystérieux d’un riche entrepreneur, dont il s’empresse d’interroger l’épouse. Celle-ci lui apparaît rapidement comme étant la coupable idéale. Seulement, les impressions sont parfois trompeuses.

Cet épisode se présente comme une enquête policière des plus classiques que James Sadwith se plaît à compliquer à loisir, mêlant au mystère entourant le décès liminaire une nébuleuse histoire d’arnaque à la loterie. Mal lui en prend puisque tout ce qui a trait à cette sous-intrigue est d’un ennui mortel, auquel s’ajoute la prestation catastrophique de Tess Harper, la veuve guère éplorée. Rarement juste, qu’elle feigne la tristesse, figure la femme énamourée, ou qu’elle surjoue la colère au bord de l’hystérie, elle contribue à rendre la plupart de ses scènes hautement risibles. Le summum du ridicule est atteint lors d’un retournement final un peu trop commode, donc bien peu convaincant, qui en outre achève de rendre son personnage des plus stupides. Reste celui interprété par Martin Sheen, Van Guiness (aucun lien de parenté), touchant dans sa quête désespérée d’une sortie digne. Le récit prend son parti, et nous entraîne dans les méandres de son esprit tortueux. La conclusion de son enquête est un véritable crève-cœur, jouant sur le mode de l’enquête de trop. Plutôt que se focaliser sur ce seul arc narratif, le récit se dédouble, désireux de mettre en parallèle le destin des différents intervenants. Un choix guère judicieux.
Cousue de fil blanc, l’intrigue ne rend pas justice à l’inspecteur en bout de course, multipliant les personnages à dessein, et orchestrant de vains chassés-croisés autour du flingue étendard. Bref, Ricochet emporte haut la main le titre peu honorifique de plus mauvais épisode de la série.

Episode 3 : Jour de fête (Colombus Day).
Réalisation : James Sadwith
Avec : Rosanna Arquette, James Gandolfini, Peter Horton, Chaim Girafi…

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Agent de sécurité dans un aéroport, Walter Difideli (James Gandolfini) s’est trouvé momentanément un deuxième travail afin de mettre suffisamment d’argent de côté pour financer les nombreuses activités de sa fille. Amené à être absent tous les soirs, il achète une arme à l’un de ses collègues pour que son épouse, Lilly (Rosanna Arquette), puisse le cas échéant se défendre. Ce qu’il ignore, c’est que le pistolet appartient à un terroriste, et que celui-ci est bien décidé à le récupérer.

Unique scénariste des 6 épisodes qui composent la saison, James Sadwith s’est accordé une faveur en réalisant l’un d’entre eux. Un épisode au sein duquel la gent masculine, en dépit du titre, n’est pas à la fête. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Passons rapidement sur le terroriste, particulièrement maladroit, et qui de par sa “profession” ne peut guère espérer notre sympathie, pour nous intéresser aux deux hommes qui gravitent autour de Lilly. Walter, son mari, incarne le parfait cliché de l’italo-américain qui n’envisage pas une seconde que sa femme puisse elle aussi occuper un emploi. En bon macho, il estime que sa place se trouve à la maison, à s’occuper de leur gamine et des tâches ménagères. A aucun moment il ne prend conscience de cet ennui profond qui la ronge à petit feu, convaincu que repasser ses sous-vêtements et lui concocter de bons petits plats doivent suffire à son bonheur. Or la belle se morfond, au point de succomber aux affres de l’adultère dans les bras d’un bellâtre. L’amant en question est un écrivain sans envergure qui n’aime rien moins qu’observer à l’occasion ce qu’il se passe chez la voisine, en l’occurrence chez Lilly. Outre le plaisir qu’il prend à posséder cette mère de famille toujours affriolante (malgré de faux airs de musaraigne, Rosanna Arquette brille encore ici de tout son charme mutin), il joint l’utile à l’agréable en nourrissant sa prose de ses escapades coquines. A ses côtés, Lilly se sent à nouveau femme, désirable et désirée. Des sentiments qu’elle n’avait plus ressentis depuis longtemps, et qui lui tourneboule l’esprit au point de lui ôter tout discernement. En l’intégrant à demi-mot dans son processus créatif, l’intrigant lui laisse croire qu’elle revêt à ses yeux une importance capitale, alors qu’en réalité, il ne fait que se servir d’elle. Tour à tour délaissée, abusée puis trahie, Lilly passe par tous les états. Un long chemin de croix qui laisse craindre un dénouement des plus moralisateurs. Que James Sadwith se refuse à y céder fait tout le prix de cet épisode, au demeurant plutôt agréable, même si pas toujours exempt d’énormités sur le plan scénaristique. Une constante du bonhomme visible dans chaque épisode, mais que sauvent ici une belle maîtrise des deux arcs narratifs (l’adultère d’un côté, la quête désespérée du terroriste pour récupérer son arme de l’autre) et de leur recoupement, ainsi que de bons acteurs parmi lesquels un James Gandolfini encore méconnu (Les Sopranos, la série qui l’a révélé, ne débutera que 2 ans plus tard), parfait sous les traits du mari bourru mais plutôt bonne pâte. Quant au fameux pistolet, envisagé au départ sous le prisme du moyen de défense, devient in fine l’outil de l’émancipation de Lilly.

Episode 4 : Les Femmes du président (All the president’s women).
Réalisation : Robert Altman
Avec : Randy Quaid, Darryl Hannah, Jennifer Tilly, Sean Young…

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Bill Johnson (Randy Quaid) est un homme heureux. Une épouse splendide (la trop rare Darryl Hannah), des maîtresses en pagaille (dont Sean Young et Jennifer Tilly), et surtout son intronisation tant attendue en tant que Président du Country Club dont il est membre de longue date qui se profile à l’horizon. Tout à sa joie, il ne prête que peu d’attention aux mystérieux colis que chacune des femmes de sa vie reçoit, et qui contiennent respectivement une arme, un chargeur, et des balles.

Attention, épisode de prestige ! Déjà nanti d’une belle distribution, même si essentiellement peuplé d’actrices plus très employées au cinéma (Darryl Hannah et Sean Young, toutes deux de l’aventure Blade Runner), ou avec parcimonie (Jennifer Tilly), cet épisode porte en outre la signature de Robert Altman, qui venait en l’espace de deux films (The Player et Short Cuts) de retrouver tout le mordant de ses débuts. Coutumier de l’exercice, il s’adonne au récit choral, prenant prétexte d’un événement mondain pour fustiger toute la superficialité de petits bourgeois imbus de leur personne et de la place qu’ils occupent dans leur microsociété. A ce titre, Bill Johnson nous apparaît comme un homme dénué de scrupules, tout heureux à l’idée de succéder à son ami (mort de manière ridicule alors qu’il jouait au golf), et dont il honore la mémoire en déflorant la fille. Coureur de jupons invétérés, Bill ne peut s’empêcher de laisser sa quéquette lui dicter sa conduite. Le sexe et le “pouvoir” sont les deux mamelles qui régissent son existence, la seconde amenant immanquablement la première. De leurs côtés, ses conquêtes, loin d’être dupes pourtant, se laissent insidieusement gagnées par la jalousie, semblant accepter comme une faveur que Bill puisse leur accorder les siennes. Dans cet océan de mesquineries, vanités et superficialités, seules surnagent la veuve présidentielle et l’épouse délaissée, toutes deux d’une grande dignité dans leur douleur, et les seules à même d’affronter directement Bill pour le confondre.
Pas désagréable, cet épisode manque tout de même conséquemment de mordant. Nous avons à faire à du Robert Altman en petite forme qui se dépatouille d’un scénario pas très bien écrit. Ainsi, tout le fil narratif qui tourne autour des boîtes contenant chacune une partie du pistolet ne revêt aucun intérêt au final, la mécanique du récit, voulue impitoyable, se déployant de manière totalement indépendante. Pensé pour être l’outil de la destruction du petit monde de Bill Johnson, le pistolet à la crosse nacré se résume à n’être que le vain symbole d’une culpabilité qu’il n’a du reste jamais ressentie.

Episode 5 : Le Pacte (The Hole).
Réalisation : Ted Demme
Avec : Kirsten Dunst, Johnny Whitworth, Carrie Fisher, Cliff Bemis…

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En conflit permanent avec son beau-père, Sondra (Kirsten Dunst) ne trouve la paix qu’en allant se baigner dans un lac situé non loin de leur mobil-home. Là, elle rencontre James (Johnny Whitworth), un jeune homme qui vient tout juste de purger une peine de prison pour le meurtre de sa petite amie, une jeune fille du coin. Ignorant tout de ses antécédents, Sondra se laisse aller à la romance en sa compagnie. Une mauvaise idée compte tenu de la haine que nourrit une bonne partie de la population masculine du patelin à son égard, et qui, rallié à la cause du père de la victime, serait toute disposée à l’éliminer.

Jusqu’alors reléguée au second plan (Le Coup de feu) ou tout simplement inexistante (les autres épisodes), la figure de l’adolescent joue ici les premiers rôles, personnifiée par ce jeune couple en butte à l’autorité parentale. Le Pacte se pose en récit romantique de la saison, une sorte de variation sur le thème de Roméo et Juliette. Toutefois, à la différence du drame shakespearien, James n’a pas eu la force de caractère nécessaire pour rejoindre sa bienaimée dans l’au-delà. Son emprisonnement fut le prix à payer pour son renoncement. Quitter une prison pour réintégrer la cellule familiale n’enchante guère James. Ses parents lui parlent travail lorsque son esprit demeure absorbé par la mémoire de sa défunte petite amie. De son côté, Sondra supporte très mal la présence d’un beau-père colérique, et qui ne nourrit pas forcément des sentiments très chastes à son égard. Sa mère, jouée par Carrie “Princesse Leïa” Fisher, est trop effacée pour constituer un rempart efficace au courroux paternel. Ces deux âmes égarées étaient faites pour se rencontrer. Deux êtres purs dans un environnement hostile, personnifié par cette bourgade sans âme peuplée de machos bas du front portés sur l’auto justice. Le contraste est appuyé, et guère contrebalancé par l’ambiguïté née de la relation entre Sondra et James, qui semble à même de rejouer le drame initial. Un drame adolescent qui ne réussit jamais à véritablement prendre corps, et qui se repose un peu trop sur les belles images (les deux amoureux au coin du feu, les mêmes arpentant les fonds du lac à la recherche de son trésor, en fait l’arme dont aurait dû se servir James pour rejoindre sa douce) au détriment d’une véritable progression dramatique. Dans ces circonstances, le dénouement intervient un peu comme un cheveu sur la soupe, et n’est pas exempt de tout reproche quant à sa crédibilité. Au final, Le Pacte s’impose comme l’épisode le plus gentillet de la série.

Episode 6 : Le Père John (Father John).
Réalisation : Jeremiah Chechik
Avec : Fred Ward, Edward James Olmos, Maria Conchita Alonso, Angela Alvarado…

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Il a fallu que son cher oncle John casse sa pipe pour que le journaliste John Farragut (Fred Ward) retourne à Los Angeles. Dans les affaires du défunt, il découvre un pistolet, une liasse de billets et trois noms inscrits sur une enveloppe, avec pour chacun, un montant bien précis. Plutôt étrange venant d’un prêtre. Par respect pour sa mémoire, et aussi parce que la curiosité est pour lui une seconde nature, John Farragut tente de remonter la piste.

Un enterrement filmé au ralenti sous les palmiers californiens, une chanson en guise d’illustration sonore, la présence d’Edward James Olmos en prêtre… L’épisode réalisé par Jeremiah Chechik (Diaboliques, version U.S) ressuscite le temps d’un prégénérique efficace la mythique (si ! si !) série Miami Vice. De manière générale, le réalisateur soigne tout particulièrement la composition de ses cadres. Tout, de la dégaine de Fred Ward, à la photographie très travaillée, en passant par le cœur du récit (remonter les traces du passé d’un macchabé), lorgne du côté du film noir. Et le résultat s’avère plutôt convaincant. Fred Ward est sensationnel en journaliste fatigué qui tombe de Charybde en Scylla au fur et à mesure qu’il progresse dans son enquête, et l’intrigue suffisamment retorse pour que nous n’en devinions pas les tenants et aboutissants à l’avance. Il y a un réel plaisir à suivre John Farragut dans son investigation, que le réalisateur ne met jamais à défaut, si ce n’est –très brièvement– le temps d’une fusillade mal maîtrisée. Ce bémol mis à part, Jeremiah Chechik a fait du beau travail, hissant sans mal son épisode au sommet d’une saison pour le moins inégale.

Au sein de la pléthore de séries qui essaiment chaque année aux Etats-Unis, Gun semblait avoir mis tous les atouts de son côté pour sortir du lot. Or, sans réel fil conducteur et dotée de scénarii pas toujours bien construits, la série de James Sadwith s’apparente à un pétard mouillé, pas détestable mais ô combien insignifiante.

Une réflexion sur “Gun – James Sadwith

  • sam gray

    Gun est une série plaisante mais elle ne vaut pas la loi du colt ou dead man gun en anglais, qui sur le même théme a savoir un colt maudit fil rouge, qui passe de main en main offre des histoires bien meilleurs que celle proposé par cette anthologie.

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