Les Contes de la crypte 5-04 : Soif de pensées – Rodman Flender
Les Contes de la crypte. Saison 5, épisode 04.
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Connie est mariée à Zambini, ou plutôt liée à lui. Sous le nom de scène de Sulturna, elle cultive son lien télépathique avec son époux pour le plus grand bonheur de spectateurs bouches bées. Mais Zambini en réclame davantage. Afin de l’avoir encore plus sous son emprise, il veut aussi lire dans ses pensées. Connie parvient à garder son esprit inviolé mais son attirance pour Johnny, le cracheur de feu, tend à la rendre plus vulnérable.
Tiens ! Cela fait longtemps qu’on n’a pas évoqué Roger Corman en ces lieux ! Ce quatrième épisode de la cinquième saison m’en offre l’occasion. Si le bonhomme n’a plus rien réalisé depuis La Résurrection de Frankenstein en 1990, il reste toujours aussi actif dans le domaine de la production. Au début des années 90, il a notamment produit Unborn et Sens interdits, mettant ainsi le pied à l’étrier à l’un de ses nombreux collaborateurs, Rodman Flender. Parce qu’ils finissent toujours par voler de leurs propres ailes, le jeune réalisateur intègre l’équipe des Contes de la crypte, série pour laquelle il réalisera deux épisodes. Il l’ignore encore mais la télévision deviendra son eldorado.
Soif de pensées s’ouvre par un plan-séquence durant lequel la caméra balaie la faune bigarrée qui compose le cirque pour finir par s’arrêter sur le visage triste de Connie, condamnée à observer le monde de la fenêtre de sa roulotte. Toute la détresse du personnage se lit déjà dans ce regard perdu dans le lointain. Connie rêve d’ailleurs, d’une autre vie. Or, Zambini ne l’entend pas de cette oreille, lui qui ne supporte pas de la voir ailleurs qu’avec lui. Et lorsqu’elle parvient à s’offrir un peu de liberté, il la rappelle à l’ordre par la pensée, inondant son esprit de sa voix impérieuse. Zambini nous est présenté comme un fieffé salopard doublé d’un alcoolique notoire. Un type infect qui se sert de son ascendant sur Connie pour faire d’elle ce qu’il veut et qui n’hésite pas à la cogner lorsque celle-ci tente de s’émanciper. Et comme si cela ne suffisait pas, la jeune femme se charge de le diaboliser davantage en sous-entendant qu’il est recherché par la police pour le meurtre de sa précédente assistante, justifiant ainsi le fait qu’il garde en toutes circonstances son visage maquillé. Ainsi habillé pour l’hiver, Zambini fait figure de seul véritable monstre au sein de cette galerie de personnages de foire, mais aussi le seul personnage digne d’intérêt. Face à lui, le néant. Connie se complaît dans sa posture de petit être fragile qui cherche du réconfort dans les bras de Johnny. Un cracheur de feu qui embrasse pleinement son rôle de chevalier blanc mais dépourvu de tout charisme, révélant une attirance toute particulière pour les femelles emprisonnées. Quant aux autres protagonistes (des siamoises, des nains), ils ne sont là que pour agrémenter l’épisode de quelques séquences anecdotiques comme ce passage lors duquel Emmett se glisse sous la douche au moment où les siamoises se savonnent langoureusement. Une scène purement gratuite qui ne semble être là que pour rappeler que la série ose tout, jusqu’à cet érotisme frappé d’étrangeté.
Néanmoins, ces artifices ne suffisent pas à masquer l’essentiel, une entêtante sensation de déjà-vu. Dès sa première saison et l’épisode Ulric et les neuf vies du chat, la série avait déjà abordé le milieu du cirque. Elle réitérera la saison suivante à l’occasion de L’Enterrée vivante avec lequel l’épisode de Rodman Flender partage une même identité visuelle, la photographie de Rick Bota retrouvant les tons de celle de Robert Draper. L’intrigue elle-même suit un cheminement attendu et n’offre aucune surprise notable, s’achevant sur un plan gore amusant à défaut d’être mémorable. Heureusement que du marasme ambiant émerge l’ébouriffante prestation d’Ernie Hudson dans la défroque du télépathe Zambini. Habitué des seconds rôles (S.O.S Fantômes et sa suite, The Crow), il bouffe ici littéralement l’écran, s’emparant du rôle avec délectation. Il impose une présence physique étouffante qui accroît la fragilité de Joan Chen. Le moindre de ses gestes et la moindre de ses mimiques viennent nourrir avec justesse l’ignominie de son personnage. A bien des égards, Zambini apparaît comme l’un des rares vrais « méchants » de la série, dépourvu de toute humanité. Si cela était encore nécessaire, le sort que le final lui réserve l’illustre de manière éloquente.
Rodman Flender fait une entrée par la petite porte, guère aidé, j’en conviens, par un scénario un peu léger et qui manque singulièrement d’humour. Compte tenu de ses états de service passés et à venir (l’épuisant La Main qui tue), le résultat aurait tendance à s’avérer plutôt positif grâce essentiellement à un Ernie Hudson en état de grâce. Rien que pour lui, Soif de pensées mérite le coup d’œil.