CinémaThriller

Meurtre par intérim – Tom Holland

The Temp. 1993

Origine : États-Unis
Genre : Le travail tue
Réalisation : Tom Holland
Avec : Timothy Hutton, Lara Flynn Boyle, Maura Tierney, Dwight Schultz, Faye Dunaway.

Alors que la boîte pour laquelle il a sacrifié son couple est sur le point d’être rachetée, Peter Derns doit également composer avec le départ précipité de son assistant en congés paternité. A sa grande surprise, l’intérimaire qu’on lui envoie pour le remplacer s’avère d’une grande efficacité. A tel point qu’au terme de son contrat, il vit un véritable crève-cœur. La maladresse de son assistant – une main déchiquetée dans la broyeuse à papier le jour de son retour – lui permet de garder Kris Bolin à son service. Pas longtemps car la jeune femme grimpe vite les échelons, tirant profit de divers accidents malheureux au sein de l’entreprise. Peter en vient ainsi à la soupçonner d’être impliquée dans la mort de ses collègues.

Bien connu des amateurs de cinéma fantastique à la faveur de deux incontournables des années 80 (Vampire vous avez dit vampire ? et Jeu d’enfant), Tom Holland n’a pourtant pas uniquement œuvré dans le genre. En 1987, il suivait l’air du temps et s’essayait au buddy-movie à la faveur d’un Fatal Beauty oubliable au sein duquel s’ébattaient Whoopi Goldberg, alors en pleine ascension après le remarqué La Couleur pourpre, et Sam Elliott. Six ans plus tard, la mode est au thriller sulfureux dans la lignée du récent Basic Instinct de Paul Verhoeven avec lequel Meurtre par intérim partage une séquence automobile sur laquelle plane l’ombre d’Alfred Hitchcock. Plutôt qu’une blonde, Tom Holland jette son dévolu sur une brune, en l’occurrence Lara Flynn Boyle dont la carrière venait de décoller grâce à la série Twin Peaks, et qui la même année jouera la femme fatale dans Red Rock West. Fatale, elle l’est ici à plus d’un titre mais Tom Holland met la pédale douce sur ces exactions, lesquelles seront toujours commises hors champ. Cela nourrit une volonté de créer une ambiguïté qui a trait à la personnalité même de Peter Derns.
Le film démarre par une séance de psychanalyse. Depuis quelques mois, Peter Derns tente de redorer le blason d’une existence trop longtemps vouée à sa seule ambition. Acharné de travail, il a peu à peu délaissé sa famille. Il ne voit pas grandir son fils et n’est d’aucun soutien pour Sharon, son épouse. Pourtant, il les aime mais il ne conçoit pas autrement son rôle de chef de famille que sous le prisme de l’apport financier. Pour lui, tant qu’il pallie à leurs besoins, tout va bien. Pourtant, de manière insidieuse, un sombre doute l’assaille. Et si, du fait de ses absences répétées, sa femme le trompait ? A force de ressasser cette idée, il a fini par s’en convaincre et provoquer un esclandre le jour où, persuadé que Sharon s’envoyait en l’air avec un ami, il fit violemment irruption dans l’appartement de celui-ci pour les surprendre tous les deux, accompagnés de l’épouse dudit ami, en plein repas. Un coup de sang qu’il a payé au prix fort puisque Sharon l’a enjoint à quitter le domicile conjugal. Au terme d’un long travail sur lui-même, il se sent désormais prêt à renouer le contact et à repartir de l’avant. L’irruption de Kris Bolin dans son quotidien fait alors office de fâcheux contre-temps. Bien qu’il ne soit pas insensible aux charmes de la demoiselle, laquelle se prétend mariée et mère d’un enfant, il se garde bien de lui faire des avances, mettant même les points sur les « i » à la faveur d’un verre bu après le travail. Au fond, Peter Derns est un brave type que le démon de midi ne titille guère. Tout juste doit-il composer avec quelques sautes d’humeur que d’aucuns attribuent à de la paranoïa, qualificatif qu’il abhorre. Peter se révèle surtout vieux-jeu, à l’image du projet qu’il soumet au comité de direction de son entreprise pour relancer les ventes des biscuits de la marque Mrs Appleby, à savoir des cookies au goût d’autrefois vendus dans des boîtes qui fleurent bon les années 50. Entre sa paranoïa supposée et ses attitudes conservatrices, tout concourt à semer le doute quant à la réelle nature de Kris Bolin et à se demander si Peter ne devient pas fou. Sauf que cette possibilité n’est qu’effleurée. Mise à part une accusation – vite tuée dans l’œuf – d’espionnage industriel, Peter n’est guère inquiété par les événements, quand bien même il se retrouve toujours sur les lieux des divers crimes. Le versant policier de l’intrigue étant totalement occulté, la police ne s’intéresse jamais à lui. Son calvaire se limite donc à quelques éclats de voix, une brouille avec son meilleur ami, que Steven Weber interprète avec beaucoup de fausseté, et des incompréhensions avec Sharon, laquelle croit à son tour qu’il fricote avec sa collègue. Un programme guère reluisant que Tom Holland ne cherche pas particulièrement à transcender. Le thriller promis tourne à vide du fait de personnages sans saveur. Seule Faye Dunaway apporte une once de vie en jouant de manière excessive une patronne d’entreprise quelque peu dépassée par les événements. Le personnage le plus décevant reste celui de Kris Bolin, limité à sa seule fonction d’allumeuse de service. Tout en regards de braise et en sourires entendus, Lara Flynn Boyle peine à lui donner de la consistance, en dépit d’un élan amoureux envers Peter qui semble sincère. Elle manque de nuances, prise au piège de l’image de femme fatale que le film tente opportunément de lui accoler.

Finalement, le film se montre plus convaincant dans sa vision du monde de l’entreprise, métaphore à peine voilée de notre société. Meurtre par intérim nous dépeint des gens sans scrupules, prêts à écraser les plus faibles pour arriver à leurs fins. Au sein de Mrs Appleby, tout n’est qu’intrigues faisant passer les ambitions personnelles de chacun avant celle de l’entreprise. C’est un vrai panier de crabes dans lequel Kris Bolin s’ébat comme un poisson dans l’eau, s’avérant la meilleure à ce petit jeu. Et de loin. En se limitant à la satire sociale, Tom Holland aurait pu réussir son coup mais en voulant surfer sur la mode du thriller, il aboutit à un résultat affligeant. Tout ce qui a trait au genre se révèle des plus banals et surtout dénué de toute tension et suspense. Il signe un thriller pantouflard et beaucoup trop sage qui l’amènera à revenir bien vite au fantastique.

Une réflexion sur “Meurtre par intérim – Tom Holland

  • Le film n’est pas mauvais, loin de là mais au vu de se qu’a fait Tom Holland il est assez décevant; au début on a l’impression qu’on part vers un film de psychopathe, avec une intérimaire se révélant sous son mauvais jour, mais jamais cela n’apparait sauf vers la fin et encore puisque un doute subsiste quand à l’implication de celle ci dans les morts qui jalonne le film. Le film ne part jamais dans le thriller, s’intéressant plus au monde de l’entreprise et de la concurrence féroce qui y existe, et dont l’ascension de l’intérimaire aurait une métaphore intéressante si le film avait mieux exploité son sujet. Dans l’état, avec ses allures de téléfilm, il reste largement regardable mais rate la coche, et déçoit un peu de la part du réalisateur qui nous avait habitué à mieux.

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