Xtro – Harry Bromley Davenport
Xtro. 1983Origine : Royaume-Uni
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Trois ans. Cela fait maintenant trois années que Sam Phillips a subitement disparu sans donner de nouvelles dans d’étranges circonstances. Trois années durant lesquelles son épouse, Rachel, a dû se reconstruire et tenter d’offrir à son fils, Tony, tout l’amour et la stabilité dont il a besoin. Peine perdue, Tony ne parvient pas à oublier son père, revivant sans cesse sa disparition dans ses cauchemars. Convaincu qu’il reviendra un jour, Tony ne s’ouvre guère à Joe, le nouveau petit ami de sa mère, qu’il se refuse à voir comme une figure paternelle. Il en résulte une vie familiale chaotique, que le retour aussi soudain qu’impromptu de Sam contribue à bouleverser davantage. A l’immense joie de Tony s’opposent les doutes de Rachel et la colère rentrée de Joe à l’encontre de Sam, qui se montre incapable de leur exposer les raisons de son absence. Et pour cause puisque celui-ci a ni plus ni moins fait office de cobaye pour des extraterrestres, avec lesquels il a semble t-il muté. Allez donc convaincre votre épouse avec ça !
Deuxième film de Harry Bromley Davenport après le thriller Whispers of fear (1976), Xtro se situe à mi-chemin entre le E.T. de Steven Spielberg (1982) et le Starman de John Carpenter (1984). Du premier, on retrouve cette relation privilégiée entre un être venu d’ailleurs et un petit garçon, facilitée par le fait qu’elle se double d’un lien père – fils. Et du second, Xtro reprend l’idée du retour de l’homme aimé avec toutes les perturbations que cela entraîne dans l’esprit de l’épouse abandonnée. Toutefois, le film de Harry Bromley Davenport se démarque des deux films précités par le caractère plus belliqueux de son extra-terrestre. Ici, cette chose venue d’un autre monde n’est ni bloquée sur notre planète, ni porteuse d’un message de paix. Néanmoins, ses réelles intentions demeurent obscures, la faute à un scénario constamment réécrit sous l’égide du président de la New Line, le bien connu Robert Shaye, qui a la fâcheuse tendance – à l’époque, tout du moins – à toujours vouloir mettre son grain de sel dans les films qu’il produit. De fait, le produit fini diffère considérablement des intentions initiales du réalisateur, lui qui recherchait davantage à ausculter les bouleversements engendrés par le retour du père au sein d’une famille fraîchement recomposée qu’à narrer la sempiternelle invasion extraterrestre. Xtro est donc le fruit de deux visions qui se télescopent pour un rendu particulièrement bordélique et inégal. Il va sans dire que l’approche de Harry Bromley Davenport s’avère sur le papier la plus intéressante. Et si celle-ci se retrouve au final diluée dans un salmigondis d’idées un peu foutraques, elle sert malgré tout de fil rouge à l’intrigue.
Tout commence dans le jardin d’un coquet cottage où Sam Phillips, jouant avec le chien de la famille en compagnie de son fils Tony, voit soudain le bout de bois qu’il avait lancé se désintégrer au contact d’une puissante et aveuglante lumière. Des forces surgies d’on ne sait où provoquent alors de fortes turbulences proches de la tempête qui ont tôt fait d’emporter le pauvre bougre, sous les yeux effrayés du gamin. De ce trauma initial naît une profonde fêlure chez cet enfant qui ne peut se résoudre à l’absence paternelle. Persuadé qu’il reviendra un jour, il évoque sans cesse son souvenir au détriment de sa mère qui ne sait plus quoi faire pour lui faire entendre raison. A l’improbable kidnapping par une force extraterrestre avancé par son fils, Rachel Phillips privilégie la version plus rationnelle d’un mari parti lâchement refaire sa vie ailleurs. La suite va donner raison à l’enfant, comme une réponse à ses nombreuses suppliques. Parallèlement aux crises de l’enfant (l’une d’elle le voit inexplicablement couvert d’un sang qui n’est pas le sien), nous assistons à l’arrivée d’un être venu d’ailleurs dans une gerbe de lumière : le Xtro. Ce dernier semble naître des débris de son astronef, et nous apparaît sous des allures d’humanoïde décharné et désarticulé. Sa partie inférieure s’imbrique à sa partie supérieure à l’inverse de nous, son postérieur faisant face au sol, ce qui le contraint à se mouvoir à quatre pattes. Une posture guère distinguée mais qui n’empêche nullement le Xtro d’être une créature très cinégénique que magnifie la photographie glacée de John Metcalfe. A tel point qu’on en vient à regretter son faible temps de présence à l’écran, même si sa disparition s’effectue au profit de la douloureuse et très graphique scène d’accouchement de cette pauvre femme engrossée de force. Inévitablement, cette scène évoque Alien (une influence qu’on retrouvera de manière encore plus limpide lors de la découverte du sort peu enviable réservé à Analise, transformée en mère porteuse) mais parvient toutefois à s’en affranchir par son aspect que je qualifierais de grotesquement réaliste. Gonflant telle une baudruche, le ventre de la jeune femme finit par libérer un homme de taille adulte qui, sans surprise, conduit à la mort de la mère outragée. Cet homme, ou humanoïde, que nous découvrons n’est autre que Sam Phillips. L’extraterrestre avait donc besoin du concours d’une femme pour recouvrer forme humaine.
A ce moment là du film, et même si le Xtro s’est rendu coupable de quelques meurtres, rien n’indique qu’une invasion extraterrestre est en cours. Au contraire, la suite semble entériner la volonté d’un père, pas complètement annihilée par les expériences extraterrestres qu’il a subies, de renouer avec son fils. Lesdites retrouvailles revêtent un caractère de douce inéluctabilité. Tony, qui a toujours espéré que ce jour arrive, vit cela avec une joie non feinte. Quant à Rachel, passée une réaction épidermique bien légitime à l’encontre de Sam, elle fait rapidement une place à son ex mari, autant pour ne pas brusquer son fils, que pour elle, dont les sentiments trop longtemps enfouis ne tardent pas à affleurer à nouveau. Curieusement, le retour du mari n’entraîne pas les rapports conflictuels attendus. Si Joe tente de s’affirmer en tant que nouveau mâle dominant dans la famille, il le fait de manière un peu maladroite et puérile, déclarant à la cantonade son intention soudaine d’épouser Rachel. Mais il ne naît aucune réelle tension du retour impromptu de Sam, comme si tous s’étaient inconsciemment donnés le mot pour ne pas perturber davantage un Tony aux anges. Par contre, le baiser en forme de suçon que Sam dépose dans le creux de l’épaule de son fils, après que celui-ci ait découvert ses drôles de mœurs alimentaires, ouvre une brèche quelque peu malsaine par ses relents incestueux. Une brèche que Harry Bromley Davenport se garde bien d’élargir au profit du salmigondis précité qui confère alors au film des allures de grand délire. Soudain capable de mettre en forme la moindre de ses envies, Tony donne tour à tour vie à un Action man, un pantin en bois, ou un char d’assaut miniature, pour autant de scènes surréalistes à la lisière de l’humour noir. Alors que Sam ne témoigne d’aucune velléité dominatrice, son fils, sous l’emprise d’un clown qui joue les mauvais génies, met inexplicablement en branle les bases d’une invasion extraterrestre. Celle-ci n’aura bien entendu pas lieu, non pas parce qu’elle aura été enrayée de manière héroïque, mais parce que dans une logique purement commerciale elle sert parfaitement les desseins de la fin ouverte de rigueur voulue par Robert Shaye. Le réalisateur n’avait quant à lui que faire d’une telle fin, plaçant d’emblée son film sous l’égide de l’amour filial, et le concluant dans une quiétude morbide nettement plus marquante
Grand prix du festival de Paris 1984, Xtro souffre d’une production chaotique qui nuit à son homogénéité. A force d’aller dans tous les sens sans trop de logique, il a tendance à perdre l’intérêt du spectateur, quelque peu dérouté par une intrigue qui semble davantage naviguer à vue que suivre une trame clairement établie. Cela dit, le film n’est pas complètement dépourvu d’intérêt, distillant au gré d’une ambiance cafardeuse quelques jolies scènes horrifico-fantastiques mais qui, dépourvues de liant entre elles, perdent en efficacité. Par ailleurs, Xtro offre l’occasion idéale pour les Bondophiles de découvrir Maryam d’Abo (Bond girl de Tuer n’est pas jouer, 1987) dans le rôle d’une jeune fille au pair d’origine française, et dont la présence ne revêt d’autre utilité que d’adjoindre un peu de nudité au menu du film. Quant à Harry Bromley Davenport, plein de projets à la sortie du film, il a finalement dû longuement ronger son frein pour ne revenir à la réalisation qu’en 1991 avec un… Xtro 2, suivi d’un Xtro 3 quatre ans plus tard. Cela ressemble fort à une malédiction.