War of the Satellites – Roger Corman
War of the Satellites. 1958Origine : Etats-Unis
|
Bien que neuf de ses satellites habités aient été détruits par une mystérieuse barrière, et que des extra-terrestres viennent d’envoyer un message signifiant qu’ils n’accepteront pas les humains immatures dans l’espace, le docteur Pol Van Ponder (Richard Devon) refuse d’abandonner. Quoi que puissent en dire certains pisses-froids des Nations Unies. Il en va de sa fierté. Mettant en avant sa propre présence dans le prochain satellite, c’est avec une ferme détermination que Van Ponder s’en va plaider sa cause face à l’auguste assemblée qui le patronne. Et c’est avec désinvolture que les aliens envoient bouler sa voiture dans le fossé, le laissant pour mort. Vraiment ? Non. Van Ponder arrive bien au siège de l’ONU. L’effet de surprise est tel que du coup, les Nations Unies lui donne encore une chance, inconscientes du fait que leur scientifique vedette est effectivement mort, et qu’il a été remplacé par un extra-terrestre bien décidé à faire de la prochaine mission un fiasco total. Toutefois, certains des collaborateurs de Van Ponder commencent à avoir des doutes sur leur patron. Parmi eux, Dave Boyer (Dick Miller).
Bien que l’origine de War of the Satellites soit bien à situer au lancement de Spoutnik l’année précédente, Roger Corman n’en est pas l’initiateur. Ce fut lui, le maître ès-roublardise, qui fut démarché par deux concepteurs d’effets spéciaux qui lui proposèrent de réaliser un film traitant de satellites. Ne pouvant pas laisser passer cette opportunité de frayer avec une actualité encore chaude (le film véhicule en outre l’idée que l’espace ne doit pas appartenir à un seul camp), Corman obtint très vite le feu vert auprès de la Allied Artists après leur avoir promis un tournage de dix jours, une post production en quatre semaines et une sortie dans trois mois. Et comme souvent avec l’ami Roger, il restait un point de détail : le scénario. Vite bricolé à partir de l’idée originale de ses concepteurs d’effets spéciaux, celui de War of the Satellites ne casse pas trois pattes à un canard, partant dans plusieurs directions toutes déjà très usitées par le cinéma de science-fiction américain. Les tergiversations politiques, le défi technologique, la conquête de l’espace, le diktat extra-terrestre, le duplicata extra-terrestre, l’ébauche de parabole sur l’actualité, tout un catalogue auquel il ne manque qu’un monstre en bonne et due forme, ou au moins une variante mutante de notre faune terrestre. Car en effet, si l’on en entend parler, nous ne voyons pas l’ombre d’un alien autrement que sous la forme du faux Van Ponder. Et n’oublions pas l’universelle amourette qui en forçant un peu (en cours de route, le même Van Ponder tombe amoureux de son assistante courtisée par l’autre assistant) parvient à se trouver une petite place là dedans, bien que cela ne soit pas suffisant pour initier un semblant de proximité avec les personnages joués par Dick Miller et Susan Cabot, tous deux globalement transparents. Et pourtant, ce ne sont pas les premiers acteurs venus ! D’émotions il n’y en a guère, pas plus que de psychologie : nous avons à faire à un film de science fiction pur et dur, disons même borné dans son ambition de bouffer à tous les râteliers du genre.
De toute évidence, Corman a pioché dans ce qui rapportait, et a cousu l’ensemble pour former un patchwork forcément très bancal. Avec de gros morceaux de certains éléments et de petites découpes de certains autres. Ce qui fait que certains pans apparaissent clairement surfaits, comme par exemple ces ineptes discours à l’ONU qui semblent se dérouler dans l’intimité du garage de la famille Corman, ou encore la totale platitude avec laquelle se pose le défi scientifique, chose problématique compte tenu du fait que le scénario est censé reposer sur le progrès du genre humain arraché à des extra terrestres condescendants (n’y avait-il personne pour informer Dave Boyer de l’heure du décollage ? Toujours est-il qu’il l’apprend au téléphone dans un dialogue du style “magne toi, tu vas rater ta fusée”). Mentionnons aussi la scène spécialement consacrée à la jeunesse, complétement déplacée dans le ton et dans la forme, avec ce jeune couple qui batifole gaiment dans la voiture avant d’être troublé par l’arrivée surprise d’un projectile extra terrestre sur lequel sont inscrites des menaces en latin (!). Bien qu’elle y ait contribué, la maigreur du budget est loin de tout expliquer. La rapidité avec laquelle s’est effectué le tournage est un argument plus pertinent, mais rien n’empêchait Corman de faire le tri dans son histoire pour ne conserver que ce qui l’intéressait de toute évidence le plus, à savoir cette phase paranoïaque dans laquelle Van Ponder tente de saboter la mission tandis que ses quelques assistants parmi les plus perspicaces essaient de cerner la raison de son étrange comportement. Rien de bien particulier là dedans, si ce n’est que c’est la phase dans laquelle le film souffre le moins de tares, celle que Corman a le plus développé en dépit du flagrant manque d’épaisseur de ses personnages “gentils”, éclipsés par Van Ponder. Signalons la belle prestation de Richard Devon, qui joue ici de sa silhouette inquiétante pour camper un extraterrestre comploteur qui, aurait il été 100% terrestre, aurait très bien pu figurer dans un film noir. Cette impression est renforcée par un noir et blanc sachant tirer le meilleur des décors servant d’intérieurs à la fusée, certes peu nombreux et rudimentaires mais joliment claustrophobiques. En revanche, les extérieurs, à savoir les plans spatiaux, ne sont pas particulièrement réussis, et pour cause : en reprenant la forme très simple de Spoutnik, Corman et ses responsables d’effets spéciaux se sont privés de toute fantaisie, surtout que l’engin en question (une maquette) n’est pas spécialement mis en valeur. Quelques lumières clignotantes dans une mise en scène statique, et c’est tout. Pas de quoi faire rêver le public. Pas de quoi l’effrayer non plus, puisque le seul effet ouvertement fantastique est une piètre utilisation de la surimpression pour illustrer le don d’ubiquité de Van Ponder. Décevant de la part d’un réalisateur qui est pourtant connu pour son goût de l’expérimentation, dont il nous fait même profiter ici à une ou deux occasions (dont une scène en positif / négatif alternés qui n’est pas du meilleur goût).
Les tournages commandos ont souvent réussi à Roger Corman, mais cela ne marche pas à tous les coups. Bien que se suivant sans ennui grâce à un montage dynamique l’empêchant de s’encroûter dans du hors sujet, War of the Satellites n’est pas une réussite et ses quelques qualités ne vont pas chercher bien loin. Signe que le réalisateur n’a lui-même pas dû y croire beaucoup : l’isolement dont souffre le film au sein de la filmographie de Corman, dans laquelle on repère des cycles correspondant souvent à la réutilisation de décors et d’acteurs. Ainsi, là où à cette époque le réalisateur faisait dans la satire (Un baquet de sang / La Petite boutique des horreurs), dans le polar (I, Mobster / Mitraillette Kelly), dans les thèmes adolescents (Teenage Doll / Sorority Girl) ou dans le préhistorique (Viking Women and the Sea Serpent / Teenage Cave Man), il laisse orphelin son incursion dans la science-fiction spatiale, que l’on ne pourra même pas rapprocher de ses films de monstres antérieurs, en règle générale bien plus maîtrisés.